What kind of day has it been
Deuxième série dont je me farcis l'intégrale en un temps record après The Wire (et c'est une autre paire de manches puisque que la durée totale est doublée). J'avais découvert Sorkin avec le succulent mais avorté Studio 60 et je me doutais bien que je tomberai sous le charme de la série phare du maitre. Une série intelligente, érudite, brillamment réalisé (« Walk with me »), avec un casting impeccable (au moins pour les premières saisons) et qui arrive à atteindre des niveaux d'intensité avec des scènes de dialogues de dix minutes sur des sujets dont on ne sait pratiquement rien. Le tout sans être particulièrement bavard, scolaire ou rigide. L'humour de Sorkin a cela d'exceptionnel que tout personnage a le droit de rire. Des personnages humains, avec leurs failles et leurs immenses qualités (c'est pas une bande de motards, y a un prix Nobel dans la bande). Des histoires impeccables rondement menées. Plein de beaux moments. Une inventivité sans limite. Une série de network rare.
« There's two things in the world you never want to let people see how you make 'em: laws and sausages. »
Mais alors pourquoi pas 10 ? Pour cette saison 5 évidemment et un peu la fin de la saison 4 et le début de la 6. La longue traversée du désert de The West Wing avec son président omniprésent, les scènes interminables dans la Situation Room, ce Will Bailey qui ne parvient jamais à faire oublier Sam Seaborn et un manque cruel de législatif. « Les lois et les saucisses » deux choses dont les gens devraient ignorer la fabrication. Et pourtant de loin, la partie la plus intéressante de la série (le judiciaire est traité un peu par dessus la jambe mais il y a d'autres séries pour ça). Alors forcément avec un Josh en retrait pour la moitié de la saison et malgré l'apparition du meilleur House Speaker ever (Haffley le super fasciste), la série se concentre sur la Sit' Room et la first family sans grande originalité. On se perd dans les conflits, les histoires de sauvetage à la con et on s'embourbe dans une version de luxe de Sept à la maison. Ce n'est pas pour rien que le meilleur de cette période reste ce double épisode du shutdown avec le renaissance de Josh et le combat psychologique contre Haffley.
« Well, this is bad on so many levels. »
Mais même sans cela, la série souffre de défauts inexcusables, même sous Sorkin. La disparition expéditive de personnage sans trop d'explications (Mandy of course, mais aussi Laurie, Sam, la totalité du service juridique...). Certains personnages vont et viennent mais passer deux saisons entières sans Concannon ou Fitzwallace rend terriblement triste. La particularité agaçante d'une série qui arrive à créer des moments de tensions intenses sur des simples dialogues mais qui s'obstine à finir ses saisons sur des putains d'attentats (syndrome 24). Regarder les meilleures fins de saison (la 2, la 7, la 6, la 3), ce sont celles avec le moins de mort et d'action. Et la fameuse traversée du désert commence avec un enlèvement et finit avec les répercussions d'un attentat (et la tentative ridicule d'aborder le problème israélo-palestinien de manière frontale). Un des plus gros défaut de Sorkin vient d'un de ses meilleures atouts. Son amour pour le parti démocrate, pour son président, pour ses personnages le pousse à toujours adopter leur point de vue. Et il faut donc attendre son départ pour enfin voir plus de deux républicains intelligents dans la même pièce (en dehors du républicain-cool-de-la-semaine).
« In case you were wondering, "Crime... boy, I don't know," is when I decided to kick your ass. »
Des défauts. Des gros mêmes. Mais toute cette imperfection et cette ferveur partisane fait le sel de cette série. Les scénaristes sont amoureux de ce président, presque trop parfait. Démocrate, libertaire mais religieux, autoritaire mais facétieux, intelligent, protecteur, humain. Ses faibles erreurs souvent rattrapées par son immense talent d'élocution. Luttant sans cesse contre sa nature pour le bien du plus grand nombre, Président Bartlet est un président idéal, surtout quand l'on sait que la série a été diffusé pendant la présidence de Bush. Une sorte de miroir positif à la vie américaine d'alors, sans 11 septembre, sans guerre en Irak (même si l'événement ne passe pas inaperçu dans la vie de la série). Il en va de même pour son équipe du début. Les piètres ajouts (Will Bailey, Kate Harper, Charlie Young qui ne sert quasiment plus à rien après son changement de poste) font pâle figure quand les personnages principaux battent la campagne. Seule C.J. Cregg reste pour garder le fort.
« Toby! Come quick! Sam's getting his ass kicked by a girl. »
L'impériale Allison Janney qui surplombe le cast féminin (de manière abstraite et concrète, cette femme est gigantesque) et devient le personnage principal de la Maison Blanche sur les deux dernières saisons. Le personnage est génial, tout simplement. Tout ce qui la concerne est intéressant, aucune intrigue à la con (bon allez peut-être une) pour une femme qui passe par les deux postes les plus importants de l'Aile Ouest. Et si CJ Cregg reste mon personnage préféré. Josh Lyman n'est qu'à un cheveu derrière. Pas grand chose à dire sans spoiler sévère, mais il reste le personnage le plus malmené par la série sans se sépartir de sa roublardise agaçante. Impétueux, prétentieux, orgueilleux, il multiplie les qualificatifs en eux. Et je viens de dire trois fois la même chose. L'acteur Bradley Whitford ajoute la dimension avec son regard de faon malade et ses allures de chien battu. Toby Ziegler est le seul dépressif de la bande mais de loin celui avec l'esprit le plus vif. Désagréable au possible quand il a raison, il a tout pour qu'on le déteste et il n'en est rien. Le délicat Sam Seaborn, toujours un peu dans la merde, complète la bande chapeautée par Leo McGarry. Le roublard autodidacte, doyen de l'équipe, avec un accent bostonien à couper au couteau. Un casting impeccable et je vous épargne toutes les éloges que j'ai sur Martin Sheen, puisque tout le monde (y compris l'académie des Emmys) le lui a déjà dit plusieurs fois. Si on rajoute, une trentaine de personnages secondaires tous plus intéressants que les autres et une galerie de guest stars exceptionnelle (Tout le monde a joué là dedans, la liste ne servirait qu'à noircir la page et à gâcher le plaisir).
« One last thing: while you may be mistaking this for your monthly meeting of the Ignorant Tight-Ass Club, in this building, when the President stands, nobody sits. »
La continuité de la série qui sait s'adapter à toutes les situations (même les plus tragiques) est un modèle du genre. Capable d'étouffer une piste pendant plusieurs saisons sans oublier d'en tirer une conclusion (Lost, c'était pour toi ça). Et la série sait se renouveler au bon moment (au lieu de persévérer dans la traversée du désert) passant de la vie à la Maison Blanche à l'élection présidentielle, n'ayant pas peur de ne pas montrer les personnages originels pendant plusieurs épisodes. On regrette du coup de ne pas suivre la suite (même si la victoire de l'autre candidat aurait été plus intéressante à suivre). Tu auras sûrement remarqué, lecteur, que j'ai mis en évidence certains dialogues de la série. Dis toi que le choix a été cornélien. Sous Sorkin, chaque dialogue transpire la classe et l'intelligence. Quelque soit le sujet, les scénaristes s'y attaquent avec application (pas toujours avec finesse, faut pas pousser). Je ferai une statue pour Sorkin (mais pas avant sa nouvelle série sur HBO). C'est drôle, c'est bien écrit, c'est finement interprêté et si tu l'as jamais vu, t'es un gros naze et tu as 120 heures pour te rattraper. Allez au boulot !