Sans aucun doute l'univers alternatif le plus intéressant de la franchise, Gundam X est en fait plus qu'un univers alternatif : il s'agit presque d'un futur alternatif de Gundam 0079 où la Guerre d'Un An se serait terminée plus tragiquement que dans la chronologie Universal Century – par la destruction quasi-totale de la sphère humaine – en plus de proposer une redéfinition intéressante autant qu'inattendue du concept newtype. Les connaisseurs apprécieront la tournure nouvelle des événements, les autres une série originale qui s'inscrit avec adresse dans la tradition des mecha shows des 80s tout en conservant une identité propre.
La voix du narrateur donne le ton dés le départ : on a bel et bien affaire à une tragédie. La tragédie d'un monde agonisant sous les effets d'une guerre de trop. Bien plus que dans Gundam 0079, le monde de Gundam X porte les marques d'un conflit qui confine à l'apocalypse, mais sans pour autant tomber dans le Mad Max parfois un peu trop simpliste. Apocalypse matérielle mais aussi, surtout, apocalypse des esprits et des cœurs où l'unification des ethnies et des cultures sous l'égide de la Fédération s'est brusquement effondrée en replongeant le monde dans le chaos qui régnait avant la colonisation de l'espace. Gundam X propose une narration habile dans le sens où elle place le spectateur dans un « après Gundam » qui ressemble étrangement à un « avant Gundam » – une période de la franchise jamais observée jusque-là – alors que les restes de la Fédération déchue tentent désespérément de reprendre le contrôle d'un monde qui lui échappe pourtant de plus en plus, où les vieux comptes et le mauvais sang ont la vie dure, où les ennemis d'hier n'ont pas disparu pour autant malgré la destruction du monde d'avant.
Cet univers foisonnant est décrit avec sobriété, par petites touches qui brossent un portrait simple mais efficace. Ainsi, Jamil Neate – qui ne va pas sans rappeler Amuro Ray dans la série originale – est un personnage brisé jusque dans son âme. Jadis un puissant newtype sur lequel reposaient les espoirs de la Fédération, il est à présent le chef d'une bande de vultures qui survit comme elle peut, loin du code d'honneur du guerrier mais sans réelle amoralité pour autant. Gundam X sait ne pas en faire « trop » mais juste ce qu'il faut, on ne saurait attendre moins d'un récit qui porte ce nom désormais illustre. Jamil deviendra ainsi le « mentor » du jeune Garrod dont la fougue et l'énergie ne sont pas toujours les meilleurs atouts – dans la plus grande tradition de la culture manga. La petite Tiffa saura aussi jouer son rôle dans ce processus, on l'aura deviné, mais d'une manière plutôt inattendue car la précognition dont elle dispose prend une dimension assez surprenante même pour les habitués de Gundam. C'est ainsi qu'est redéfini le concept newtype, concept-clé de la franchise, mais avec une subtilité et une pertinence rares qui s'inscrivent malgré tout à merveille dans la tradition Gundam.
Quel dommage que le public se soit trompé à ce point dans son jugement, mais il est vrai que la narration manque souvent du rythme nécessaire pour que les spectateurs accrochent vraiment à l'histoire. Ainsi, la série au départ prévue pour une cinquantaine d'épisodes – un chiffre standard pour une série Gundam – s'est vue coupée des dix derniers, forçant du même coup l'équipe à recoller les morceaux sans pouvoir éviter une fin un peu trop précipitée pour que celle-ci puisse prendre toute son ampleur, que ce soit au niveau des événements proprement dit qu'à celui des relations entre les personnages – Lancelow Darwell, némésis de Jamil et sans nul doute l'équivalent de Char Aznable dans cet univers, en étant l'exemple le plus flagrant. On notera, avec plaisir ou déception, que Gundam 0079 a subi en son temps le même traitement, comme quoi l'histoire ne fait parfois que se répéter... Mais au contraire de la série originale, Gundam X n'a pas connu de revival sous forme de trilogie cinéma ou autre, et il y a maintenant peu de chances que cela arrive un jour même si une préquelle ainsi qu'une séquelle ont été produites sous forme de mangas.
Lorsqu'on voit la qualité du concept, on ne peut que déplorer cette absence de succès car celle-ci nous prive ainsi d'une production qui, si elle avait été complète, serait peut-être devenue un classique du genre en plus d'une série Gundam parmi les plus pertinentes et les plus intéressantes que connait cette franchise. Il reste néanmoins une série très convenable, aux qualités techniques et artistiques tout à fait honorables et à la narration solide en dépit des quelques faiblesses de rythme citées plus haut, qui fera la joie du spectateur averti.
Notes :
After War Gundam X est le dernier des trois univers Gundam alternatifs créés par un groupe de nouveaux-venus commissionnés par Sunrise afin de commémorer le 15éme anniversaire de la franchise. Mobile Fighter G Gundam et New Mobile Report Gundam Wing sont les deux premiers. Par la suite, d'autres univers alternatifs furent ajoutés, tels que Turn A Gundam ou Gundam Seed, et plus récemment encore Gundam 00.
Le duel entre le Gundam X et le Febral pendant la septième Guerre Spatiale reproduit à l'identique le duel entre le Gundam et le Zeong dans la série originale.
Le titre de chaque épisode reprend une réplique de l'épisode correspondant.
Le scénariste Hiroyuki Kawasaki accomplit une prouesse rare : il écrivit à lui tout seul les scripts de chacun des 39 épisodes de la série, et il en aurait probablement fait plus si le projet n'avait pas été stoppé plus tôt que prévu.
Peut-être à cause d'un manque d'audience, cette série fut coupée de dix épisodes, et sa diffusion déplacée au samedi à six heure du matin après le 26éme épisode. Ainsi, elle reçut l'audimat japonais le plus bas de toutes les productions de la franchise Gundam. Ce fut aussi la fin de quatre années non-stop de diffusion hebdomadaire de Gundam et la dernière série de la franchise à être diffusée sur TV Asahi.