Ma note n'est pas nuancée. J'ai trouvé cette série poignante et réaliste. Déjà pour les sujets sensibles qu'elle aborde. La vie de couple, des traditions, de la notion de "responsabilité" relativement idéaliste, de l'impact du patriarcat, mais aussi d'un viol, et enfin, la place de la parentalité et de l'amitié au milieu d'un système construit à deux.. Ensuite, pour la lecture qu'elle propose s'extirpant des critiques habituelles sur la vie, dans laquelle on a l'impression qu'une seule et bonne trajectoire - souvent celle de tout foutre à la poubelle - est largement employé dans notre société. Logique que j'ai d'ailleurs toujours trouvé extrême et absurde.
La série commence avec le point de vue de Toby Fleishman relaté par sa meilleure amie, Libby. Toby à première vue, semble être un médecin exemplaire avec des valeurs séduisantes (peu consumériste, altruiste... au travail du moins..., et raisonné, dont l'attention se porte en priorité sur le partage des valeurs et d'amour à ses enfants. A l'inverse, son ex-femme Rachel Fleishman, est représentée comme une femme acerbe, à savoir, carriériste, absente dans son rôle de mère et d'épouse et exécrable avec son mari, noyant les poissons dans un espèce de passif agressif in regardable. Très vite, nous sommes bien installés avec cette "vérité" qui semble en accord avec tout ce qui se passe par la suite dans la série. Toby semble admirable pour tout ce qu'il fait pour ses enfants, il se montre à l'écoute, patient, soucieux des valeurs transmises, et vecteur de sécurité. De son coté, Rachel disparaît subitement laissant derrière elle absolument toutes ses responsabilités. Elle est brièvement aperçue au parc se la collant douce, puis nous avons en fin de passage, Toby qui se repasse inlassablement dans sa tête - presque comme pour se rassurer - le film de Rachel qui avait l'habitude de "disparaître" puis de revenir dans leur vie conjugale. Tous ces éléments semblent mettre en exergue une version des faits qui tient la route, et rendant presque inhumaine Rachel, si on en restait à cette version des faits...
Dans une seconde partie de la série, quelques doutes échlorent. Un peu tardivement, on se rend compte qu'on a été hameçonné très fort par la colère de Toby. En dehors de sa colère, qu'est-ce qui se passe pour Rachel ? Bien que Toby soit lancé dans une bataille contre elle (le reflet de ses peurs et rancune du divorce, évidemment) il y a de l'autre côté de l'iceberg, Libby : chroniquement angoissée à propos de sa vie. Elle se questionne sur sa propre existence et de ce qu'elle "devrait faire" en vu de qui elle est. Elle n'a pas de position particulière sur qui elle est, d'ailleurs. Elle pense pouvoir y trouver une réponse en y réfléchissant, en se laissant porter par la vie. Est-ce qu'il y a quelque chose qui cloche chez elle, pour ne pas savoir apprécier ce dont elle jouit ? De quoi a-t-elle besoin, en réalité ? Qui devrait-elle être ? Elle semble être en perte totale de sens avec tous les projets de son existence. Ses questionnements la pousse a revenir à ses racines, fantasmer un ancien idéal d'elle même dont elle ne pouvait pas jouir non plus à cette époque.
Puis, la troisième partie intéressante de la série apparait. Elle est pour moi une grande dialectique de la précédente. Ce retournement d'aversion pour les personnages nous permet d'observer qu'on peut effectivement avoir l'impression que "tout le monde a raison" et "tout le monde à tord" à la fois. Sûrement ma préféré. Elle débute lorsque Libby, au bord de son gouffre existentiel :
croise Rachel sur un banc. Et là, tout notre petit monde s'écroule. Les choses ne sont pas vraiment aussi simple selon le prisme avec lequel on le regarde. Toby, dans la suite de la série devient pour les spectateurs, parfois bien hypocrite voire limite détestable par moment, on a presque envie de lui dire d'arrêter de se regarder le nombril à répétition. Détourner son regard vers les autres qui souffrent eux aussi, hélas. L'absurdité de certaines scènes ont d'ailleurs suffit à provoquer cet effet, selon moi, sans pour autant avoir besoin de l'expliciter. Typiquement son "j'ai des problèmes" à répétition, après avoir pris connaissance de ce qu'à vécu Rachel pendant sa maternité et tout ce qu'elle vit depuis sa rupture, sans s'intéresser à ceux des autres suffit à mettre en exergue l'égocentricité avec laquelle il agit, soumis a sa propre rancune et rigidité de ce que DOIT ÊTRE une relation, un être humain, une "bonne" existence sur terre. De même, je voyais une certaine fin arriver gros comme une maison. Le genre de fin qu'on voit beaucoup dans le cinéma. La voici : Libby ne serait pas dans la bonne vie.... aurait suivi un chemin prédéfini dicté par le méchant extérieur (la société, le mari, l'inconscient soumis à la désirabilité sociale), lui empêchant totalement de jouir de son existence.... Et la SOLUTION, l'ultime délivrance, serait qu'elle divorce comme le font les gens "heureux" autour d'elle, qu'elle écoute son "rat le bol", attribue un sens particulier à tout ça ("cette vie n'était pas ce à quoi j'aspirais..") et qu'elle se mette à reprendre les reines dans tout, et avec une attention particulière et différente qu'actuelle. Elle serait une nouvelle mère, une nouvelle femme, une nouvelle journaliste. Avec une existence qu'elle aura choisi de A à Z. En somme, une version ultra manichéenne et simpliste de tout ce qu'on peut construire dans la vie, que j'observe se propager un peu partout, sûrement en réponse à la logique "ultra conservatrice" de l'époque. Mais il n'en est rien, Libby remet de l'ordre dans ce qu'elle vit, cherche à ajouter un tout autre sens à ce qu'elle vit, prend position, et prend conscience que quelque soit les choix qu'elle fait, il lui manquera toujours quelque chose. Elle arrête alors de lutter contre ce qu'elle veut éviter d'être, et regarde sa vie et la vérité en face : aucune lutte n'aura pour conséquence de lui rendre ce qu'elle veut depuis des années. Elle parle alors de la tendance humaine à se reposer sur le satisfaisant d'un moment clef pour en faire une vérité générale ("c'est comme ça que je veux être, qu'on a été, que ça doit être") et à continuer à avancer et vivre avec l'attente illusoire que ce "satisfaisant" revienne sans cesse, sans jamais prendre en compte l'évolution, pourtant inhérente à l'expérience humaine. Pourtant très saine. En ce sens, le fait d'être constamment dans la lutte de ces choses là, reviendrait alors à questionner si l'acceptation et la satisfaction serait vraiment possible, aurait vraiment sa place, dans un monde où les règles du jeux sont régies par l'attente, et la tentation de contrôler ce qu'on ne peut contrôler.
En effet, quand nos jumelles se tournent vers ce qui est, peut-on se mettre à voir honnêtement ce qui est, plutôt que ce qui n'est plus ? Pour ces raisons, j'ai pris plaisir à regarder cette série qui appelle à se détacher de la logique "quand ça va pas, je dois changer ce qu'il y a autour de moi" pour rappeler qu'on contrôle uniquement ce qui est en nous.