Vampires de supérettes, avez-vous donc une âme ?
Spin-off (série dérivée) de la jubilatoirement régressive série-au-second-degré Buffy contre les Vampires (où une jolie blonde surpuissante se fait littéralement les ongles sur les canines de créatures nocturnes et assoiffées de sang), Angel propose de suivre le légendaire, romanesque, torturé et ténébreux vampire-protecteur doté d’une âme lors de son exil à Los Angeles (mi pour expier ses péchés, mi pour se libérer des douloureuses chaines de l’amoooour), ainsi que son combat contre un ennemi de taille : le chancre du mal en « personne », cabinet d’avocat de son état (inévitablement) Wolfram et Hart.
Rapidement rejoint par des transfuges de la précédente séries, une Pom Pom Girl écervelée et un anglais aussi coincé que prétentieux, le voilà tenu d’empêcher l’Apocalypse orchestrée depuis plusieurs millénaires par des puissances qui le dépassent, confronté à l’envers d’un décor où les frontières entre le bien et le mal, entre l’humain et l’inhumain deviennent floues, imprécise, au point de faire perdre tout repère, si ce n'est tout sens commun.
L’enfer, s’entend-il révéler, n’est pas un endroit quelque part sous terre, mais une part de l’esprit humain. Ce qui, par conséquent, rend d’emblée toute victoire « au nom de l’humanité » impossible, et toute lutte inutile… Ce qui annonce bien l'absence de couleur.
Série en 5 saisons passablement inégales, Angel peine indéniablement à trouver son rythme (ainsi que son ton bien à lui) - même si le dénouement du premier épisode s’avère riches de promesses, de maturité en maturation -. Emberlificoté dans des ressorts narratifs trop classiques pour ne pas agacer en saison 1, jouant les pseudos-Buffy-like rafraîchissants (sans plus) en saison 2 (malgré d’excellents épisodes et de très bons passages), il ne donne la pleine mesure de son potentiel (si ce n’est au-delà) qu’à en pleine moitié de saison 3, déconstruisant ses personnages, ses thématiques, ses ambiances et ses ambitions au profit d’une ambiance tellement noire qu’elle ne laisse plus place au moindre rayon d’espoir ou de soleil. Jamais auparavant on n'aura vu des « héros » s’entredéchirer avec tant de bassesses, tant de noirceur, s'y perdre, s'y abîmer, se laisser entraîner aux confins de si ténébreuses ténèbres... L’effet est saisissant, d’autant que le contraste avec les saisons précédentes n’en est que plus frappant. Jamais diffusée sur les chaînes hertziennes (on comprend aisément pourquoi au visionnage), la quatrième prolonge ce noir « plaisir » en laissant encore les personnages s'engluer dans leurs propres blessures, se débattre avec leurs propres fantômes, trépasser leurs limites, sombrer dans un gris d'apparat aux dix mille nuances et le désespoir le plus absolu, jusqu’à toucher le fond du fond d’abysses psychologiques insoupçonnables (trop, peut-être, tant la surenchère se fait éreintante, à force, perdant ainsi en route un spectateur lambda consterné par le décalage entre le principe carton-pâte et l’intensité d’une ambiance moralement douloureuse). Un exercice de style magistral, mais exigeant, qui a par ailleurs condamné la série à une fin aussi brusque que prématurée. Ainsi, la cinquième et dernière saison tente de retrouver son public en renouant avec les défauts (majeurs ! Quelques épisodes où « nullissime » n’est pas un vain mot, au passage) et les qualités de la deuxième en date, abandonnant son ton glauque quasi-nihiliste au profit d’une ambiance légèrement plus "légère", mais pas moins riche d’implications, posant explicitement la question du héros, de sa nature, son rôle et son utilité… Ou sa profonde et pathétique inutilité, qui pourrait le dire ? Passé la première partie en dent de vampires, la seconde condense tout ce qui était prévu pour ce qui aurait dû suivre dans un final remarquable fait de pertes, de déchirements, de monologues étonnamment profonds, de sacrifices et de compromissions, se concluant aussi définitivement qu’exactement comme elle était supposée se conclure. Rien à redire.
Aussi, si vous n’êtes pas allergique aux maquillages fluos, au comics way of life, aux coups de tatanes balancés par des types suspendus au bout de câbles d'acier, à la nuit noire tendance prise de tête et à l’eau bénite en bouteille, un conseil : profitez des soldes actuelles pour découvrir ou compléter votre collection. 20 euros la saison… Allez, pourquoi se faire prier ?