L'Annoying Orange ne porte pas injustement son nom, car malgré son succès les internautes sont légion à ne pas supporter son rire sardonique anti-cathartique et son humour d'un goût douteux, bien plus que ses victimes alimentaires.
Et pourtant, si l'humour s'avère toujours d'un goût acide pas toujours percutant, la fameuse orange américaine n'est pas un emblème internet pour rien. Avec toute sa clique de personnages stéréotypés réifiés en un panier de fruits aux faciès malsains, c'est tout un dispositif parodique qui se déploie. Parodie de quoi ? D'à peu près tout ce qui passe à la portée de Daneboe, l'éminent concepteur de cette websérie. Non seulement il exploite à fond une foultitude de clichés comportementaux et sociaux sans les mettre en contexte - ce qui , mais en plus il reprend souvent, avec un montage impeccable, des jeux-vidéos dans lesquels l'Orange ridiculise allègrement les personnages les plus badass (Mortal Kombat) ou leur concept même (Angry Birds), ou des chansons populaires (Friday de Rebecca Blac ou Party Roc Anthem) dont elle modifie les paroles avec force jeux de mots alimentaires, à faire pâlir d'envie les publicitaires d'Oasis.
Jamais d'autre mouvement que des mains sans visages qui saisissent la foultitude de personnages, la vie de la cuisine n'est animée que des jeux de mots et de l'humour noir bête et méchant de l'Orange auxquels ses compagnons assistent avec complaisance, jusqu'à l'inévitable issue : Knife! Comme quoi, on veut bien accepter des étrangers dans la cuisine, mais on a nos limites eh.
En fait Daneboe, en inventant toujours plus, est progressivement parvenu à outrepasser les codes de sa série en créant, créant, ajoutant, développant toujours son concept sans en perdre de sa substance. A l'égard d'un Tomska anglais, c'est un humour absurde propre à lui-même et inimitable que l'Orange débite sans jamais s'arrêter. Faire rire d'une série fondamentalement aussi glauque dans son apparence, ça relève presque du génie.