Célèbre dans le YouTube game en tant que fonctionnaire d’Amazonie qui clash d'autres youtubeurs intellectuellement faibles ou incultes, AG sert souvent de référence à ceux qui ont peu de références. Les membres de sa communauté le hissent au statut de gourou de leur secte virtuelle, demandent sans cesse son avis, ne vont pas voir un film sans son approbation, sans même se rendre compte de leur aliénation. Certains vont même agresser verbalement d'autres communautés sur les RS en se revendiquant de lui et en reprenant ses arguments, croyant sans doute que le maître leur a transmit la culture.
Chaque vidéo clash une victime, l'insulte, et cite un auteur en appui, ce pourquoi AG se revendique comme un médiateur culturel qui donnerait à sa communauté l'envie de lire. J'ai quelques doutes mais passons.
Du point de vue rhétorique, c'est une catastrophe : ad hominem de 30 minutes dans des vidéos de 50 minutes, déformation des propos du youtubeur victime (souvent traité de faquin), puis sophisme de l'homme de paille sur les propos qui n'ont pas été tenus, ajout d'arguments d'autorité avec citation hors contexte d'un auteur pour faire bien, puis paraphrase de plusieurs minutes sur ce que l'auteur a déjà dit en mieux. La forme argumentative est médiocre alors même que le propos a été écrit à l'avance.
Il aborde des tas de sujets différents et commet donc des tas de confusions sur les nombreux sujets qu'il ne maîtrise pas. Sur YouTube, Twitter, à la télévision ou dans la presse, ce phénomène est banal, omniprésent, bien que délétère pour la pensée car il nous entretient dans l'illusion du savoir. J'en fais le reproche particulièrement à AG car il ose lancer aux cibles de ses attaques des "Pourquoi tu parles de ce que tu ne connais pas ?". D'accord, alors pourquoi fait-il de même ? Quand on prétend donner l'exemple, il faut être exemplaire. Ou revenir à des paroles plus humbles.
Voici quelques grands thèmes qu'il a traité :
- La critique cinéma. Il s'agit réellement du seul sujet sur lequel il
semble avoir des connaissances et du goût. Son discours se veut construit et intéressant. C'est le sel de ses vidéos.
- La critique d'art. Dès qu'il parle d'esthétique, la contradiction ne
lui fait pas peur. D'une vidéo sur l'autre, il reprend la typologie
de l'art chez Kant puis valide des œuvres contemporaines qui
n'entrent dans aucune définition Kantienne. Il explique que l'art
cherche la beauté, puis se réjouit des empaquetages de Cristo car
cette fois le but de l'art est d'intriguer le chaland. Il critique
les gueux pour qui le nombre de spectateurs à un film Marvel est un
gage de qualité, puis il insiste sur les millions de badauds venus
admirer l'Arc de Triomphe empaqueté, signé supposé du succès de cette
œuvre. Il lit Kant, il est d'accord avec Kant. Puis il lit Tolstoï,
et il est d'accord avec Tolstoï, ainsi de suite. Il picore de-ci
de-là des arguments potentiellement intéressants par eux-mêmes mais
sans soucis de cohérence avec ce qu'il a professé auparavant.
- L'Histoire. Pinailler sur la localisation géographique de Jeanne
d'Arc à 800 mètres près lors de la bataille de Patay n'était pas
intellectuellement glorieux, surtout en appuyant sa morgue habituelle
sur un simple article Wikipedia.
- La politique. En attaquant des youtubeurs de droite comme de gauche
et en se proclamant au-dessus de ce clivage, il porte son public à
confusion sur l'orientation politique qu'il défend. Citant parfois
Maurras, parfois Bakounine ou Kropotkine, souvent Nietzsche, ou
encore François Begaudeau, on le définit ironiquement ou non comme
"marxiste royaliste". Que la fleur de lys sur son maté ne vous trompe
pas ! Son prétendu royalisme est à mettre au même niveau que son
allégeance à Kim Jung-Un : de la blague. S'il critique la République,
et de manière récurrente les élections, ce n'est pas pour abolir la
Gueuse au profit de Louis XX. Si l'on tient compte de ses tweet
parlant irrémédiablement de "bourgeoisie", de "prolétariat" et "lutte
des classes" avec une grande virulence, on le verrait plutôt soutenir
une forme de communisme ou d'anarchisme d'extrême gauche. Sa position
ultra-étatique sur l'épidémie a surpris beaucoup de monde par rapport
à d'anciennes prises de position anti-étatiques. Je trouve insidieuse
cette manière de ne jamais jouer cartes sur table. Si vous êtes de
nature indulgente, vous lui accorderez le bénéfice du doute ;
peut-être est-il lui-même confus. À moins que cette incohérence
politique de façade soit entretenue dans le but de paraître neutre et
indépendant. Mais je crois que cela nuit à la crédibilité d'ensemble
du discours, car l'on entend mieux le fond d'une pensée lorsque l'on
sait d'où elle provient. Le contexte est aussi important que le
texte.
- L'épidémiologie. "Vous n'êtes pas chercheur ou médecin" assène-t-il,
lui non plus, peut-on lui rétorquer. "Mais moi je sais chercher des informations
et pas vous" lance-t-il autoritairement à son public, prié de vénérer
sa magnanimité. Il prétend se fier à des "études sérieuses" sans
avoir les compétences pour discriminer une étude fiable et sérieuse
d'une étude qui ne l'est pas. "Oui mais MOI, JE" pour seul argument.
- La théologie. Dernière trouvaille, il prétend expliquer à un croyant
comment vient la foi, et ce faisant il confond catholicisme et
protestantisme, en citant Kant, alors que les deux religions abordent
cette question différemment. Bien qu'athée aussi, j'ai mis de
l'eau dans mon vin en vieillissant ; j'ai compris que la croyance
religieuse était un phénomène bien plus complexe que le fait de
croire au père Noël, et que les athées échappent certes à la religion
proprement dite, mais n'échappent ni à la croyance ni aux dogmes. AG a
encore du chemin à parcourir pour gagner en maturité, mais aura-t-il
l'humilité nécessaire pour progresser ?
En quelques mots, AG passe pour intelligent en attaquant des niais trouvés dans les poubelles de YouTube et en paraphrasant des auteurs plus intelligents qu'eux et lui réunis. Spécialiste de rien, il parle de tout. Ce qui ne l'empêche pas d'être pertinent quelques fois, car il cite des auteurs qui le sont à sa place. Mais sans capacité d'autocritique, sans humilité, sans réelle cohérence, il se complait dans un personnage toxique de justicier des bas-fonds de YouTube, lui permettant de se défouler après une journée de travail insipide de documentaliste dans un lycée professionnel. Capable de citer Épictète sur la nécessité de contrôler sa colère, puis de se mettre à hurler comme un singe quand il se fait contredire en live ; capable de citer Nietzsche sur la morale d'esclave, puis de faire la morale aux non-vaccinés désignés boucs émissaires du mal sur la Terre ; capable de traiter d'inculte ceux qui n'ont pas lu un livre que lui-même n'avait pas lu une semaine auparavant ; son égo fait de l'ombre aux étoiles, alors que son jugement n'éclaire pas les égouts.