Chaque nouvelle saison nous emmène vers de nouvelles séries aux qualités incertaines. Avec le temps et l’expérience, la curiosité peut laisser place à la prudence, et l’enthousiasme à la lassitude. Minée par un temps de plus en plus filant, la vision hebdomadaire d’animes, une habitude autrefois mue par la passion, peut prendre les apparences d’une affliction. Cependant, son intérêt peut être ravivé par des oeuvres qui créent la surprise, des oeuvres comme Tsuki ga Kirei qui non seulement comblent les attentes mais les surpassent semaine après semaine.
Tsuki ga Kirei est un anime de romance qui raconte le premier amour de deux adolescents japonais (Kotarou et Akane) de 14-15 ans. Le scénario est aussi ordinaire qu’il ne paraît mais embrasse sa modeste nature avec une exécution rare. Si pour beaucoup cette série sera un enième produit fleur bleue, aussi anodin que passable, pour d’autres l’approche terre à terre des émois et incertitudes de jeunesse s’avérera pleine de mérites. De par son réalisme, tout relatif, Tsuki ga Kirei est certainement capable de capturer l’adolescence bien mieux que d’autres, et pas seulement au niveau des affaires du coeur. La scène du restaurant lors du premier épisode, qui montre de manière amusante et réussie l’embarras des deux protagonistes envers l’enthousiasme et la sociabilité de leurs parents, est un bon exemple. L’anime sait résonner avec la nostalgie du spectateur et touchera plus particulièrement ceux et celles qui sauront se connecter plus intimement à son histoire. J’en fais partie et c’est sans doute l’une des raisons expliquant mon appréciation à son égard. Me lancer dans une envolée lyrique sur les élans personnels de l’âme n’est pas très instructif malheureusement, aussi je m’en tiendrai à des observations plus objectives.
La façon dont Tsuki ga Kirei aborde les sujets habituels des animes de ce genre est intéressante à mettre en lumière. En effet, il ne s’agit pas ici de renier les incidents habituels qui parsèment la vie sentimentale juvénile, alors souvent mouvementée, et ainsi nous pouvons retrouver les petits malentendus d’amoureux, les moments de jalousie, les clashs avec les parents, etc. En revanche, la série évite leur dramatisation excessive et les musiques lancinantes. Le résultat est aussi mesuré qu’humain : que ce soit dans les dialogues très naturels entre les personnages ou leurs interactions.
Les protagonistes profitent eux-aussi de ce traitement. En effet même si Kotarou et Akane pourraient être décris comme creux durant les premiers épisodes, tant ils passent la majorité du temps à balbutier et déglutir nerveusement, les détails sont là pour leur donner des personnalités moins lisses : voir Kotarou, garçon littéraire et timide, se lancer maladroitement dans du « shadowboxing » est une bonne illustration. En outre, nous sommes dans une série se concentrant sur des adolescents, aussi paumés que bouillonnant d’hormones. Tsuki ga Kirei le comprend bien et retranscrit les nuances d’une personne sans trop d'exposition. Ce sont ces petites touches et cette subtilité qui m’ont le plus fasciné et dans cette oeuvre, et il est clair qu’ils aident à mieux s’attacher aux personnages.
Les points susmentionnés seront un vent de fraicheur pour les habitués d’animes romantiques nippons comme moi. La familiarité avec les clichés du genre est d’ailleurs tellement grande dans mon esprit que je ne pouvais pas m’empêcher d’être obsédé par les éventuels faux pas à chaque épisode. Je ne suis définitivement pas le seul dans le cas, et je pense que Tsuki ga Kirei a joué sur ces craintes, les synopsis de chaque épisode sont par exemple délibérément trompeurs, au point d’arriver à créer une tension palpable auprès du spectateur lors de ses scènes les plus sérieuses. Si on ajoute à cela les nombreux malaises induits par le caractère introverti des deux protagonistes, l’atmosphère de la série aura de quoi rendre nerveux plus d’un.
Cependant Tsuki ga Kirei reste un anime très plaisante à regarder. L’histoire est parsemée de moments innocents, d’événements mignons, et d’échanges de mails tout simplement adorables. Même le rythme et la structure des épisodes sont agencés de manière à donner une progression gratifiante à la romance, et ce malgré ses hauts et ses bas. L’anime possède en outre des sketches de fin d’épisodes qui en plus de donner le sourire permettent également d’explorer d’autres types de relations entre garçons et filles de cet âge à travers les personnages secondaires.
Un point sur lequel les plus pinailleurs risquent de s’appesantir est l’aspect technique de l’anime. Bien que la plupart du temps Tsuki ga Kirei soit agréable à regarder, et est parfois très agréable à regarder lors de certaines séquences je dirais même, il est évident que la production possède des lacunes qui font régulièrement surface. Il y a notamment une utilisation très visible d’une 3D assez médiocre pour modéliser les figurants. Même la version finalisée de l’opening n’est apparue qu’au bout de sept épisodes. Bien que regrettable, ces défauts sont davantage dus à un manque de moyen plutôt qu’à la négligence de l’équipe en charge et il ne faudrait pas oublier les nombreux soins apportés dans d’autres aspects : les chansons insérées lors des moments clés de l’intrigue ou encore les « chats » des fins d’épisodes.
Sans aucun doute, le facteur personnel et l’échec de ses nombreux confrères ont grandement contribué à mes louanges mais je pense sincèrement que malgré ses prémices génériques, Tsuki ga Kirei se place comme le meilleur anime romantique de cette décennie. Non je ne suis pas tombé sous le charme des protagonistes, oui la fin, même si très bien tournée, est un peu trop vite expédiée, et je pourrais encore lister d’autres défauts mineurs. Mais au final, cette oeuvre se distingue pour ma part comme l’une des très rares histoires d’amour simples et réussies comme je les aime, et occupe en conséquence une place unique dans mes expériences de l’animation japonaise.