Bakemonogatari ("Histoires de monstres") commence sur une scène qui fixe à elle seule tout l'anime : une fille tombe du ciel et le regard du protagoniste se pose longuement sur...sa culotte. Dix secondes s'écoulent au ralenti, tandis que les yeux qui clignent frénétiquement semblent être deux appareils photos capturant la moindre image capable de nourrir la perversité de leur maître.
Koyomi Araragi, ancien vampire, rencontre un jour Hitagi Senjougahara, victime de la "malédiction du crabe lourd" : elle a mystérieusement perdu son poids. L'aider à vaincre le démon à l'origine de ses soucis va désormais être la mission que s'attribuera Hitagi, tout de même bien plus motivé, il faut le dire, par l'attirance qu'il ressent pour cette aguichante tsundere que par amour du service rendu...
Bakemonogatari est une histoire de regards, longuement appuyés par des zooms incessants sur les yeux, en permanence accompagnés de cliquetis d'appareil photo. Une "histoire de monstres", où les monstres sont les humains et leurs démons intérieurs, naissant de leur rancœur et de leurs souffrances cachées pour dévorer...du regard. Les démons possédant leurs victimes sont secondaires, tout autant que l'exorcisme pratiqué. Le véritable sujet est le suivant : quelle blessure de l'âme pour quel mal à guérir ? Entre mensonges et jeux de regards, les enquêtes d'Araragi et de son mystérieux mentor sont pleines de surprises.
Le mensonge est le grand thème de l'anime, côte-à-côte avec ce qui me semble être, après coup, une dénonciation d'une société où, au lieu d'aimer l'autre pour lui, on l'arrache pour soi. Il est amusant de constater que les multiples histoires d'amour évoquées au cours des quinze épisodes sont toutes éphémères et toutes empreintes de la même volonté de posséder l'autre, de le manipuler, pour finalement le rejeter. Le regard de cette fille, empreint de désir, ce regard en coin, moqueur, et encore ce regard-ci traduisant une passion qui ne demande qu'à être partagée... toute cette frustration, ce besoin de domination, est magnifiquement traduite par des yeux écarquillés, des regards dévorants d'envie et de désir, ainsi que par ce qui est pourtant le plus futile au premier abord : sourires en coin, disputes prétendument absurdes et non-sens énigmatiques.
Particulièrement fin et drôle, bourré de clins d'yeux - littéraux et imagés - et surtout terriblement rebutant par sa forme (le montage est haché, sans cesse ponctué d'arrêts sur images, de plans morts, de kanjis surgissant de nulle part et de photos accompagnés de légendes), Bakemonogatari est l'un des anime les plus perturbants qu'il m'ait été donné de voir, mais aussi l'un des plus ouverts aux interprétations. Il est probable que chacun s'en fera sa propre idée en fonction de sa sensibilité mais j'y ai vu, pour ma part, une brillante série visuellement à part, mélange de psychanalyse, d'ecchi, d'absurde et de jeux de regards. A voir.