Survival of the kitschest
Au milieu des années 60, Batman n'était pas encore le dark knight qu'en fera Frank Miller. Pour sa première incursion sur le petit écran (les suivantes ne se firent que par dessins animés interposés), le super-héros sans super-pouvoirs mais avec plein de super-gadgets semble tout droit sorti du comic de Bob Kane : les couleurs sont uniformément criardes et saturées, les bruits de lutte ou les onomatopées apparaissent à l'écran dans des bulles imitant celles des bandes dessinées et les dialogues semblent être écrits pour des enfants de 8 ans.
Batman était destiné au prime time familial : violence ou mauvais langage interdits. Complètement. Jusqu'à l'absurde. Il était par exemple exclu que les "méchants" tuent qui que ce soit, même un honnête figurant : par conséquent, toutes les intrigues partent d'un vol ou d'une menace imprécise, mais ne comportent en aucun cas de meurtre ni même d'effusion de sang. Quant aux dialogues, on ne peut qu'imaginer (et espérer avec la même force) que les auteurs y insufflaient une bonne dose d'humour et de second degré : pris au premier degré, ils sont confondants de niaiserie béate; pris au second, ce sont souvent des petits bijoux de nanar volontaire.
"Robin : Batgirl ! Tu en as mis du temps !
Batgirl : Vous auriez vu ces bouchons ! Et tous les feux étaient contre moi ! Vous n'auriez pas voulu que je les grille, quand même ?
Robin : Et voilà ! Tu joues à la bonne conductrice, et ça a failli nous coûter la vie.
Batman : Non, Robin, elle a raison. Les règles sont les règles."
Voilà. Et dans Batman, c'est tout le temps comme ça. Ajoutez à ça des aventures invraisemblables, toutes construites en deux épisodes autour du même cliffhanger (les deux héros capés à la merci du méchant de la semaine et sur le point d'être découpés en rondelles, démembrés, enterrés vivants…).
Les multiples guest-stars (Batman devient très vite the place to be pour tout Hollywood). Et les audiences délirantes. Car Batman fut immédiatement un succès colossal pour les soirées de ABC. Si la série apparait aujourd'hui comme un monument de la merde télévisuelle, il ne faut pas oublier qu'elle était déjà perçue comme telle par une grande partie de son premier public : les aimables aventures pour les enfants, le sourire au second degré pour les parents. Une réussite sur toute la ligne.