Better Off Ted par Antevre
L'absurde. C'est un art tellement difficile à maitriser. Beaucoup n'y arrivent pas, et à ce jeu franchement mieux vaut ne pas trop essayer si l'on a pas le feeling que ça marche. Et encore, tout le monde n'y est pas réceptif de la même façon. J'ai par exemple beaucoup de mal personnellement avec Arrested Development, pourtant très soignée à ce niveau (à tel point que malgré mes souvenirs très négatifs de cette série je comprends instantanément et ris à gorge déployée devant les différentes running jokes et memes que l'on en a sortis). J'ai été convaincu presque instantanément par Better Off Ted.
Better Off Ted raconte le quotidien d'une section R&D de la société Veridian Dynamics dans un futur (très) proche. Que produit Veridian Dynamics ? Tout ce qui peut leur rapporter de l'argent (donc du létal, majoritairement). Cette section est dirigée par deux personnes : Ted, jeune premier brillant et très bienveillant envers ses employés, et sa supérieure, Veronica, un genre de Terminator humain qui a rejeté tout ce qui peut faire obstacle à sa carrière - son humanité, en somme. Parmi les employés, l'on compte le binôme de chercheurs Lem et Phil, brillants génies asociaux qui produisent des résultats hallucinants quand ils oublient de se chamailler, et Linda, chargée des tests de prototypes, qui exorcise son dégoût de Veridian Dynamics en volant des fournitures de bureau. Ted se retrouve souvent coincé entre sa volonté d'être bien vu de la compagnie et la protection de ses subalternes, en particulier lorsque l'un d'eux, Phil, est cryogénisé par la compagnie pour une expérience...
Ca commence un poil casse-gueule, mais ça se rattrape très vite, en produisant un numéro de funambule remarquable sur la vingtaine d'épisodes qui ont vu le jour. L'efficacité de la série repose grandement sur son esthétique épurée qui fleure bon l'idéal hypocrite de perfection de l'ultracapitalisme : ainsi Ted ressemble à un genre de Ken (de Barbie) humain, tandis que Veronica incarne la femme de pouvoir parfaite, le tout donnant l'impression d'un univers de plastique. Toute la réalisation tourne autour de cette idée, parodiant subtilement les codes de la communication d'entreprise. S'instaure également un décalage entre la vision naïve des patrons, convaincus qu'ils connaissent tous les trucs pour manipuler leurs employés, et ceux-ci, ayant souvent beaucoup de mal à comprendre ce que l'on peut bien leur vouloir. Bref, Better Off Ted moque avec intelligence notre société moderne, tout en conservant un ton doux-amer du meilleur goût. le tout ponctué de fausses publicités pas toujours subtiles, mais faisant très souvent mouche, restant parfaitement dans l'esprit de la série et adoptant un humour caustique efficace.
Le jeu d'acteur n'est pas en reste, la palme revenant largement à Portia de Rossi, Veronica, qui nous pond un personnage impitoyable et pourtant outrancièrement attachant. Jay Harrington, Ted, livre également une interprétation plutôt bonne, celle d'un homme tiraillé entre l'ivresse des sommets et ses responsabilités de meneur d'homme.
Je ne suis pas sûr que la série aurait pu continuer plus longtemps comme cela, mais force est de reconnaitre que les deux saisons parues fonctionnent franchement bien.