Il y a 10 ans, le 9 juillet 2006, était diffusé le premier épisode de NHK ni youkoso ! (soit « bienvenue à la NHK !» en français), adaptation réalisée par le studio Gonzo du light novel du même nom écrit par Tatsuhito Takimoto paru en 2002 (qui a aussi eu une adaptation manga en 2004). Tatsuhiro Satou (oui, seulement une lettre de différence), 22 ans, est un hikikomori, en outre une personne sans emploi, ne poursuivant pas d'étude, cloîtrée chez elle et qui n'a pas la moindre interaction sociale élaborée. En effet, le terme est péjoratif. Celui-ci va rencontrer Misaki Nakahara, une adolescente mystérieuse (ça sonne idiot comme qualificatif mais c'est vraiment le cas contrairement à la plupart des synopsis utilisant le terme « mystérieux » sans trop de justification) de 18 ans qui veut l'intégrer à son « projet ».
On retrouve Satou un matin, avec presque quatre ans de quasi-cloisonnement au compteur, dans son petit appart' à l'image d'une décharge miniature (cendrier débordant de mégots, sac poubelles remplies jonchant le sol, canettes vides). Comme tous les matins depuis quelques mois son voisin le réveil avec le générique d'animé bishoujo qu'il écoute trop souvent et décidément trop fort. Satou veut aller lui remettre les pendules à l'heure, mais il a trop peur d'affronter la réalité qu'il fuit depuis des années, alors pendant un instant il angoisse, contemple la somme de ce qu'il est, somme qui se reflète visuellement à travers l'état son appartement, seule preuve de sa vie sur Terre. Cependant, dans un éclair de génie il comprend que tous ses tracas viennent du fait qu'il est la cible d'une conspiration de la NHK (service public de télévision et radio japonais), d'ailleurs c'est probablement vrai puisque son mobilier le lui confirme (dans un instant de délire comique, son frigo et autres objets de son appartement le rassurent sur sa découverte, dire à quel point il est seul).
Les premières scènes annoncent la couleur, l'animé est très spécial dans les thématiques qu'il aborde et la façon dont il les met en scène, si on retire principalement de la trop longue illustration écrite ci-dessus une sensation de malaise, sachez que l'ambiance générale de la série est le résultat d'une balance qui penche tantôt dans le comique absurde et tantôt du côté mélancolique. Dans la première partie de l'animé l'humour sera plus présent, inversement dans la seconde où l'ambiance sera nettement plus triste, mais toujours avec une habile cohabitation des deux et plusieurs fois au sein de mêmes scènes. Par exemple :
- Au premier épisode Satou s'étrangle de ses propres mains dans une scène comique pour se « punir » de la honte qu'il a subi au comic-store, la scène change de tonalité en un instant lorsque qu'il remarque avec sérieux qu'il ne pourrait pas se tuer ainsi, puisque inconscient ses mains relâcheraient l’étau autour de son cou.
-La bataille de boules neige avant la séparation avec Yamazaki qui se transforme en bagarre à sens unique.
- Satou émet l'hypothèse qu'il est dieu pour expliquer sa solitude et essaye de faire revenir son ami perdu grâce à ses nouveaux pouvoirs divins mais n'y parvient pas.
L'animé nous montrera les destins croisés du protagoniste et de deux autres personnages principaux (en fait il y en a un peu plus que cela, mais ils sont bien moins mis en avant et sont plus ou moins développés). En effet notre héros solitaire côtoiera Misaki, la mystérieuse fille du synopsis et Yamazaki, ancienne connaissance du lycée. On suivra ceux-ci sur 24 épisodes se découpant en plusieurs arcs narratifs traitants chacun de sujets spécifiques tout en continuant de développer les thèmes globaux de la série. On y trouvera des sujets assez généraux comme la dépression, le suicide, la dépendance, les arnaques, la religion, l’échec socio-professionnel, certaines dérives de la culture otaku, l'agoraphobie et d'autres sujets plus ou moins précis qui, comme ceux déjà cités, n'ont que peu d'utilité à être listé ainsi, si ce n'est pour dire qu'on trouve en général son compte dans cet animé tant et si bien que l'on est réceptif à ce qu'il nous propose.
C’est là que le bât blesse, le show n'est pas fait pour plaire à tout le monde. Des sujets un peu tendus en rebuteront certains, ou alors ce sont les non-prises de positions de l'animé sur certaines problématiques qui pourront troubler, mais à la bonne heure. NHK ni youkouso à l'intelligence de pousser la réflexion sans faire la morale (dans l'absolu il la fait parfois, mais on n'est jamais pris pour des benêts) . De plus on trouvera peut-être les personnages un peu « repoussants » au premier abord. Puisque ceux-ci sont bourrés de défauts (dans le sens où ils sont vraiment faillibles et non mal écrits), mais au contraire, c'est bien à travers ceux-ci qu'ils s’apprécieront le plus, à tel point qu'ils finissent par en devenir « beau ».
Autant dire qu'une grande partie de l’intérêt de la série provient des interactions entre les deux duos de Satou, (le protagoniste avec Yamazaki et Misaki, ces deux derniers ne se côtoieront que très peu). De vraies relations se forment entre les personnages et nous et les personnages entre eux, probablement car l'anime prend le temps de bien faire les choses, de les faire « naturellement » grâce à un rythme lent qui permet la prise de conscience des doutes et aspirations de chacun (pas de révélation tardive sur un événement dans le passif d'un personnage pour justifier qu'on doit l'aimer à partir de la prochaine scène). L'Autre est un grand mystère pour Satou, il se demande souvent ce qu'il pense, sans en toucher un mot, il cogitera beaucoup sur sa situation et celle de son nouvel entourage, qu'il soit présent à l'écran ou non. Alors, il y aura beaucoup de non-dits de petits mensonges entre eux et des liens complexes se tisseront en filigrane. L'implication émotionnelle qu'on en retire rendra certaines scènes vraiment touchantes voire bouleversantes, à tel point qu'au moment venu où l'on doit quitter cette petite bande, et ce même si cela se fait dans une extrême douceur, on sait qu'ils vont nous manquer.
Petit point sur la réalisation, pour un animé de 2006 l'animation est plutôt bonne avec tout de même quelques maladresses par-ci par-là. Les doubleurs sont au poil. Mention spéciale pour l'ost, qui en plus d'être de très bonne facture, est à tout moment d'une cohérence viscérale avec ce que l'anime veut transmettre.
Depuis 2006 la production d'animé continue de croître au pays du soleil levant (on passe de 18 à 46 show TV entre les saison été 2006 et été 2016) et malgré cela NHK ni yokouso ne trouva ni de fidèles descendants ni de pauvres ersatz, que ce soit en terme d'adaptation comme d’œuvre originale. En cela NHK se vit comme une expérience unique dont les thématiques et personnages singuliers auront de grandes chances de vous toucher, ou de vous laisser indifférent (dommage). Reste que NHK ni yokouso ! s’apparente à ce genre de perle que l'on recherche des jours durant en vain mais que l'on finit par dénicher par hasard, qui sait, au détour d'une critique. Bon visionnage!