Big Little Lies
7.7
Big Little Lies

Série HBO (2017)

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Big Little Lies, la puissance de l'intime. Chapeau !

Je ne suis ni mère, ni fortunée, et pourtant, je suis pleine d’empathie pour les personnages de Big Little Lies. J’ai trente ans, je suis célibataire, je n’ai pas une vue imprenable sur l’océan, et pourtant, je me sens familière avec le décor de l’océan Pacifique.


   Comment une série, si éloignée de mon univers, a réussi à    susciter une telle adhésion, à m’accrocher, à me happer, à m’impliquer et bien sûr, à me séduire ? Ce sont précisément ces    questions qui m’amènent à m’intéresser à cette série ! 
Big Little Lies est une série américaine créée par David E. Kelly (The Practice, Ally McBeal...) d’après le roman best-seller du même nom de Liane Moriarty paru en 2014, et entièrement réalisée par Jean Marc Vallée (Dallas Buyers Club, Wild, Demolition).

Initialement conçue comme une mini-série de 7 épisodes de 50 à 60 minutes, diffusée entre février et avril 2017, sur HBO (et sur OCS city en France), son renouvellement pour une seconde saison a été annoncé officiellement par HBO en décembre 2017.


   On y suit le quotidien de mères de famille (très, très) aisées du    petit village de Monterey (30 000 habitants) en Californie, qui va    être bouleversé par l’arrivée d’une outsider, Jane Chapman    (Shailene Woodley),  

allant jusqu’au meurtre d’un protagoniste


. L’arrivée de Jane, mère célibataire, au passé trouble mais combative et pleine d’amour pour son fils, moins aisée, moins sophistiquée, moins apparemment parfaite, va raviver les tensions et les clans entre les mères de famille dont les enfants entrent en primaire à l’école fictive, Otter Bay, « Une école privée au prix d’une école publique », raison suffisante pour déménager. Son fils Ziggy est accusé dès le jour de la rentrée en primaire, d’avoir étranglé la timide Amabella, fille de la wonderwoman CEO et mère poule très protectrice Renata Klein (Laure Dern). Madeline Martha Mackenzie est jouée par Reese Witherspoon. Madeline est la mère de la précoce et music freak, Chloé, fruit de son remariage avec le sensible Ed (Adam Scott) et de Abigail, (Kathrin Newton), adolescente, fille d’un premier mariage avec Nathan (James Tupper). Véritable madame « je me mêle de tout », insolente et pleine de compassion, Madeline prend immédiatement Jane sous son aile. Céleste (Nicole Kidman) est la meilleure amie de Madeline, c’est une femme triste, mystérieuse et magnifique, à la vie de rêve


, mais qui s’avère être une femme battue par son mari, le terrifiant Perry (Alexander Skargård), brutal et possessif.


Céleste est une avocate brillante qui a abandonné son travail pour s’occuper de ses jumeaux Max et Josh (et accessoirement, pour prouver son amour pour son mari). Jane, Madeline et Céleste forment un trio qui ne se séparera plus. On suit les récits individuels et le récit entrecroisé de ces trois personnages principaux, complété des manigances de la « méchante » Renata.


   Le pilote expose les situations dramatiques, les conflits et caractérise nos personnages féminins : le mystère de la venue de Jane et de son passé opaque avec ses courses à pied qui lui    permettent d’exulter ce que l’on pressent être sa rage intérieure ; la difficulté pour Madeline, control freak, de voir sa fille Abigail    lui échapper dans un conflit cristallisant son ressentiment envers    son premier mari, remarié avec « la gentille » Bonnie (Zoë    Kravitz), archétype de la hippie sans failles, modèle de    tempérance ; l’interrogation sur le voile de tristesse de Céleste ;    la douleur enragée de Renata face à l’agression qu’a subie sa    fille. Big Little Lies propose une guerre des clans sur fond de    rivalité et de jalousie, avec une instrumentalisation des enfants :  des enfants parfois plus matures que certains parents, dont Ziggy et    Chloé en tête, qui sont tous les deux malins, intuitifs et pas naïfs pour un sou. Le mystère est la clé d’entrée de la série et    sa pierre angulaire. Il se décline sur les intrigues et s’incarne chez tous les personnages, car même les personnages secondaires ont des secrets.  

Tous deviennent des suspects potentiels du meurtre ! Promesse d’un suspens pour le moins excitant !


    La série commence par un flashforward où l’on comprend qu’il y a    eu un meurtre au sein de cette communauté. On nous annonce que    l’enquête sur la mort d’un personnage sera, a priori, l’intrigue    principale. Big Little Lies s’inscrit dans la lignée d’un whodunit.    En revanche, on ne sait pas qui est mort, ni qui est le coupable, ni les circonstances exactes de ce meurtre, tout ce que l’on sait c’est    qu’il a eu lieu lors de l’événement caritatif d’Otter Bay, le soir de la Trivia night. Les sept épisodes de la mini-série racontent    ainsi la montée en tension jusqu’au meurtre, sous la forme d’un long flashback. On comprend rapidement que le meurtre n’est qu’un prétexte pour dérouler des intrigues plus intimes. 

À l’instar de The Affair, le meurtre est un Mc Guffin classique, sans être pour autant trop poussif. L’adaptation et l’écriture de David E. Kelley jouent avec le spectateur, se démarquant ainsi de la masse des whodunits. Le dispositif narratif de l’enquête emprunte à Damages (2007-2010) et sa formule des bonds en avant, car il est rythmé par les interventions sous formes de sauts dans le futur des séances d’interrogations des habitants (non sans rappeler la saison 1 de True Detective...dans un tout autre mode), narquois et jaloux, de la ville de Monterey. Ils opèrent tel un chœur grec, narrateur omniscient qui sait déjà tout, mais qui ne nous donne que ce qu’il souhaite.


Il tient en haleine et rythme les épisodes avec un montage, qui distille ces interventions de manière impromptue. Les habitants de Monterey représentent la « foule », ils expriment les sentiments que les personnages peuvent inspirer aux spectateurs. La présence de ce chœur apporte une certaine ironie dramatique en contrepoints au sous-texte émotionnel difficile. Gimmick et exagération, parfois volontairement grossier, il fait sourire, il est utile pour caractériser les personnages et pour lancer des fausses pistes et faire monter le suspens. C’est une tactique narrative qui repousse la révélation, le chœur brouille les pistes, lance de nombreux harengs rouges, et divertit les spectateurs. De plus, lorsque nous plongeons dans les méandres de nos héroïnes, il nous rappelle (non sans plaisir) à l’ordre : un incident accident a eu lieu ! Les habitants, n’ont pas un rôle frontal dans le développement des intrigues, cependant, ils ont une véritable fonction dramatique. Au-delà de la tonalité comique qui apporte de la légèreté, il incarne un avant-goût de ce qui nous attend ! Nous savons qu’un meurtre va se produire, nous ne savons pas qui ni comment... mais nous sommes tout de même en avance sur les personnages principaux. Et nous ressentons les frissons du spectateur récompensé, qui est dans la confidence, même partielle ! En ce sens, il appuie l’adage de Charles Dickens "Make them laugh, make them cry, make them wait”.


   À l’heure où les adaptations sont de plus en plus privilégiées pour produire une série, il est intéressant de souligner à quel point David E. Kelley propose un travail remarquable. S’il reprend la    clé du chœur grec, il s’extirpe du narrateur omniscient à la    troisième personne du roman, non pas par une voix-off, mais, et ce, avec l’aide de Jean-Marc Vallée, par d’autres moyens qui nous    permettent de pénétrer dans l’intériorité de ces femmes et du    tumulte de leurs émotions : ils utilisent avec tact les flashbacks, rêves, cauchemars, fantasmes et symboles. La narration non linéaire    pourrait sembler périlleuse, cependant, sa justesse dans le traitement est admirable : une vraie leçon de dramaturgie, excitante à décortiquer, ainsi qu’un enseignement sur les moyens pour apporter une plus-value lors du passage de l’écrit à l’audiovisuel. Un exemple de la plus-value de l’œuvre audiovisuelle peut être illustrée par le véritable rôle narratif de la musique, où une chanson peut nous aider à comprendre une émotion, une intention ou la dissonance d’une scène.
La sortie des épisodes de Big Little Lies s’est souvent accompagnée de critiques sur ses accointances avec le soap, sur des personnages clichés et inaccessibles, sur le chœur parfois raillé pour son emphase et le ton « gossip » qu’il insuffle ; de mon point de vue, tous ces aspects servent la narration et le propos et font que cette série a trouvé un écho très profond en moi. Ils opèrent une tension systématique entre le réel et l’imaginaire, entre le monde de l’intime et celui de la représentation, entre l’intériorité et l’extériorité. Nous sommes sur un fil, en équilibre, et c’est peut- être ce qui participe de son caractère addictif. Cette particularité donne une dimension singulière à ce qui aurait pu s’apparenter à un soap cheesy banal. En apparence, on peut s’interroger sur l’originalité de Big Little Lies avec des thématiques vues et revues mille fois. Pourtant, la série se démarque vite et trouve son unicité. Certes, nous suivons des personnages beaux, riches, glamour, à l’image d’un soap opera américain diffusé en journée, mais il s’agit de personnages qui sont loin d’être stéréotypés, au contraire, ils sont multi-facettés (avec des exceptions parfois légèrement regrettables, notamment sur les personnages masculins un peu trop archétypaux). Certes, Big Little Lies s'intéresse à des figures féminines qui souffrent, mais sans pour autant les poser en victimes. Elles sont actives de leur changement, elles sont indépendantes, et pourtant, elles sont vulnérables. En ce sens, il s’agit d’un mélodrame sans fard ni sensationnalisme. Leurs grands petits mensonges sont les nôtres. Il n’est pas nécessaire d’avoir un dressing digne des plus grandes fortunes pour mentir aux autres et pour se mentir à soi-même.

Tandis que le spectateur est dans la confession des mensonges, nous voyons évoluer les personnages qui en subissent les conséquences d’un point de vue intime. Elles luttent et cette lutte résonne en nous : la difficulté d’être une femme, la difficulté d’être une mère, le poids des injonctions, le désir d’être aimé et la peur de ne pas plaire, l’angoisse du jugement, la honte et bien sûr, le mensonge ou comment le mensonge peut, à la longue, nous définir, au point de ne plus pouvoir en sortir tandis qu’il s’agit parfois d’une question de vie ou de mort.


(pour Céleste qui risque sa vie alors qu’elle pense protéger sa famille en restant et en endurant les coups de son mari) .


Big Little Lies n’est pas un divertissement cheesy. L’intrigue posée au départ à la sortie de la rentrée des classes peut sembler superficielle « Ziggy est-il le bully d’Amabella ? ».


Rétrospectivement, on comprend qu’elle est en fait bien plus déterminante : en effet, lorsque Céleste apprend que son fils, Max, est le vrai bully, elle comprend que ses enfants ont vu et entendu les violences conjugales dont elle est victime. Tandis qu’elle était prête à tout endurer pour protéger sa famille, en se confrontant à la vérité, elle comprend que c’est justement ce qui risque d’abîmer ses fils. Plutôt que de punir Max, elle le console et casse le modèle de son mari abusif.


Big Little Lies c’est l’« âme parlant à l’âme », selon la formule de G.H. Lewes à propos de Jane Eyre, ou plutôt, « d’âmes parlant à l’âme », car ce sont bien tous les personnages qui résonnent en nous.


Big Little Lies est un mélodrame centré sur la figure de la mère, mais il ne s’adresse pas uniquement aux femmes au foyer désespérées. Big Little Lies a du caractère et de l’élégance, sans aucun doute, mais c’est aussi une série dramatique réaliste, qui joue avec des incursions dans la comédie noire (l’hystérie névrotique de Renata Klein face à son impuissance devant le mutisme de sa fille et la transposition de son trauma d’enfance, elle même ayant été harcelée).


Par son ancrage et son réalisme, Big Little Lies se singularise d’un Desperate Housewives aux situations parfois abracadabrantesques. Par ailleurs, les incursions dans les commérages permettent de mettre en lumière le poids des apparences et des secrets qui rythment la vie des personnages, en réalité bien plus nuancés que la surface qu’ils donnent à voir au monde. C’est ce jeu sur les secrets, retranscrit dans le dispositif narratif qui nous manipule, qui donne de la hauteur à la série et qui lui donne sa spécificité. On vient peut-être pour le casting et le glamour, on reste probablement pour la véracité des émotions et la maîtrise du suspens. On accroche pour le soap (ce n’est pas une critique), on reste pour le mystère de l’intime, la représentation de la colère et de la violence qui nous hantent tous.
Au final, nous sommes face à une œuvre à la fois, puissante et attachante. Elle exploite les codes du mélodrame pour mieux appuyer un réalisme poignant. C’est assez inédit et une part de l’originalité de la série repose sur cette la difficulté de la « ranger » dans une case. Pour toutes ces raisons, Big Little Lies sort du lot.


Big Little Lies est un puzzle. Un puzzle sur les sentiments et les émotions humaines.


Un puzzle dans sa construction non linéaire efficace et maîtrisée, où la forme soutient ainsi le fond, et c’est souvent le signe d’une série complète, cohérente et in fine, réussie.


Big Little Lies a eu un démarrage plutôt discret, mais a vu son audience doubler entre le premier et le dernier épisode. Avec the Handmaid’s Tale, Big Little Lies est l’autre grande gagnante des Emmy Awards, avec huit statuettes : meilleure mini-série, meilleure actrice pour Nicole Kidman, meilleur second rôle pour Laura Dern, meilleur acteur dans un second rôle pour Alexander Skargård, meilleure réalisation pour Jean-Marc Vallée, sans oublier la musique, le casting et les costumes contemporains. De même, avec quatre Golden Globes 2018 : meilleure mini-série, meilleure actrice pour Nicole Kidman, meilleur second rôle pour Laura Dern, meilleur acteur dans un second rôle pour Alexander Skargård. La série, sortie huit mois avant l’éclatement de l’affaire Weinstein, entre incontestablement en résonance avec son époque


; notamment avec la mise en avant de figures féminines et de l’horreur des violences conjugales ou extra conjugales avec les histoires de Céleste et de Jane.


De plus, elle s’inscrit dans la dénonciation du puritanisme - où la storyline de Madeline dans sa quête pour défendre une pièce de théâtre un peu subversive avec des marionnettes qui font l’amour, parlent d’homosexualité, de religion et de racisme - fait écho au repli conservateur des Etats-Unis et à la politique réactionnaire de Donald Trump.


Toutefois le succès de Big Little Lies ne tient pas uniquement dans ce timing favorable (et dans son casting quatre étoiles époustouflant).


En effet, son succès tient en grande partie aux mérites de son scénario, qui parvient à nous captiver jusqu’à la résolution brillamment exécutée au cours de l’épisode final, où le spectateur est littéralement sur l’avant de son siège.


Au-delà du timing propice, Big Little Lies exploite les opportunités du format sériel et plus spécifiquement, celui de la mini-série, avec une proposition équilibrée et surprenante :



  • Suspens habilement mené tout au long des sept épisodes et maitrise du triptyque : anticipation - expectation - surprise,


    où l’action se déploie d’abord doucement, s’accélère à partir de l’épisode 3, et éclate en apothéose dans un épisode final haletant, qui clôture l’ensemble des arcs narratifs et qui comble le spectateur avec une image finale symbolique forte : o Perry est la victime. On se doute que Perry sera la victime, cela ne pouvait pas ne pas être Perry ! Perry est terrible. Perry est violent. Pourtant je me suis laissée surprendre par cette découverte. Spectatrice naïve ? Certes, mais c’est si bon. o Max, un des jumeaux de Céleste est le bully d’Amabella depuis le départ et c’est la goutte d’eau pour Céleste, qui ne peut plus se voiler la face sur les implications des violences conjugales sur ses enfants. o Perry est le violeur de Jane, père de Ziggy. Le jeu de regards entre Jane, Madeline et Céleste est une vraie leçon de la part de ces actrices et du réalisateur. En effet, dans le script initial ainsi que dans le roman, les femmes verbalisent cette prise de conscience. Or, dans la série, leurs silences et leurs regards donnent une hauteur et une puissance redoutable à ce moment clé. o Bonnie est la coupable qui a poussé Perry dans les escaliers, alors qu’il tabassait Céleste avec rage, repoussant violemment Madeline, Renata et Jane.
    Ce fut une vraie surprise de voir cette femme habituellement conciliante, donner le coup de grâce à cet homme monstrueux.
    Enfin, la dernière image de la série avec ces femmes unies sur la plage, regardant tendrement leurs enfants, représente le symbole de la réconciliation et de la solidarité des femmes dans l’épreuve. Le petit bruit caractéristique du Zippo de la détective, qui ne croit pas aux déclarations de ces cinq femmes complices, au langage identique et donc suspect, lorsqu’elles relatent l’incident selon lequel Perry aurait trébuché dans les escaliers, laisse le spectateur sur une petite note d’excitation. Petite friandise, la cherry on the top, qui scelle la fin d’une série complète et cohérente.


    • Dévoilement d’intrigues secondaires et de leur répartition assez équilibrée entre les personnages : s’il faut s’accrocher pendant les deux premiers épisodes, un peu longuets, la série prend ensuite son envol et apporte son lot de rebondissements :


      nouveaux harcèlements d’une Amabella enfermée dans son mutisme accentuant l’impuissance hystérique de Renata; réminiscence de l’histoire extra-conjugale d’une Madeline lassée par la monotonie de sa vie, son combat pour la représentation de sa pièce, et la découverte du projet secret de sa fille de vendre aux enchères sa virginité pour Amnesty International ; Jane en prise à des angoisses et des cauchemars de plus en plus récurrents, partant activement à la recherche de son violeur ; Céleste qui comprend peu à peu son déni face à un mari abusif, notamment au cours de scènes pleines d’enjeux et de sous-textes, chez sa thérapeute.


    • Simplicité des intrigues inversement proportionnelle à la complexité des sentiments humains dont traite la série : honte, jalousie, ressentiment, culpabilité... Aussi, l’identification fonctionne malgré la distance géographique, économique et sociale avec ces femmes. Cette identification est notamment facilitée par un travail remarquable sur les personnages avec une emphase marquée sur la profondeur des émotions plutôt que sur des transformations radicales. En effet, on assiste à une montée en tension de l’ensemble des personnages qui les poussent à agir ! Illustrant ainsi la clé d’un bon scénario, où le personnage est l’action, l’action est le personnage.


    • Vrai rôle de la mise en scène : le décor n’est pas choisi au hasard, en écho à la phrase d’Aaron Sorkin (Créateur et scénariste de À la Maison Blanche, oscarisé pour l’adaptation de The Social Network) : « Un film c’est l’histoire d’un personnage, une série, celle d’un lieu ».
      Monterey est traité comme un personnage, porteur de tensions et de conflits : par exemple, l’endroit où l’on dépose les enfants à l’école sert la narration et représente un lieu où mères et enfants se confrontent. L’océan rythme la série comme une métaphore de la violence des sentiments humains.



Lors de la scène du meurtre, les coups de Perry sont montés en parallèle avec des vagues qui s’explosent avec fracas sur les roches : ce n’est pas très subtil, et alors ? Cela crée un sentiment d’urgence : il faut que cela cesse !


On retrouve les caractéristiques de l’exigence des séries HBO avec un scénario ficelé, un montage astucieux, une réalisation léchée et un jeu d’acteurs subtil de la part de l’ensemble du casting. Big Little Lies fut initialement conçue comme une mini-série, et donc, sans suite, tout comme le roman qu’elle adapte à l’écran, et pourtant, sa poursuite pour une saison 2 a été officiellement annoncée par HBO en décembre 2017 : réponse au tempo sociétal et aux succès Emmy/Golden Globes ? Très certainement, et alors ?


Soyons optimistes. D’une part, la suite fut envisagée en réalité bien plus tôt, et ce, dès la fin de la saison 1 en avril 2017, d’autre part, comme le précise Nicole Kidman, interrogée par TV Line, dont voici un extrait traduit : "S'ils nous proposaient quelque chose d'assez fascinant et extraordinaire, est-ce qu'on serait prêtes à camper à nouveau ces femmes ? Ce serait magnifique, oui".


Il s’agira pour la cinéaste britannique Andrea Arnold (Fish Tank, American Honey) qui remplacera Jean-Marc Vallée à la réalisation, d’apporter sa touche personnelle et de renouveler l’originalité de cette série. Mon seul point de vigilance concerne le temps alloué à la création. Rappelons nous l’interview de Michael Lombardo, alors directeur de la programmation de HBO, concernant la saison 2 de True Detective, dont voici un extrait traduit de son intervention à la radio américaine : "Nous avons poussé l'auteur à écrire pour une date avancée, au lieu de lui donner du temps (...) La première saison de True Detective était quelque chose que Nic Pizzolatto avait pensé, mûri, pendant une longue période. Avec la saison 2, j’ai trop pensé comme un directeur de chaîne (...) j’ai appris quelque chose de cet échec. Je ne referai plus les choses ainsi.”.


Dans l’univers de la création, du développement et de la production des séries, le temps est une denrée rare mais comme pour toute œuvre d’art, il faut du temps pour créer et aussi laisser une place au recul et à la réécriture. De plus, la série est une œuvre d’art collaborative, or, le temps permet aussi l’échange et favorise l’émergence des synergies. Alors qu’une photo du tournage vient juste de paraître dans la presse, intérieurement, je me dis qu’avec des productrices aussi chevronnées et perfectionnistes que Reese Witherspoon et Nicole Kidman, la saison 2 de Big Little Lies ne saurait nous décevoir. L’optimisme et l’excitation l’emportent sur le doute. 


Gageons que l’implication de l'auteure Liane Moriarty dès la conception et de David E. Kelley pour l’écriture, sauront prolonger la série avec justesse. De plus, réjouissons-nous de l’arrivée de l’extraordinaire multi-oscarisée Meryl Streep, campant la mère du terrible Perry, dans un casting déjà quatre étoiles.

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le 3 janv. 2018

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Agathe Simonin

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