Le dur reflet de notre société dans une série de génie
Dans la vie, il y’a trois types de séries : les mauvaises, les moyennes/bonnes et les exceptionnelles. Black Mirror est une série exceptionnelle.
Consommateur de séries en quantités industrielles, je possède bien évidemment un avis partagé et changeant sur une bonne majorité d’entre elles. Mais, il m’arrive aussi bien souvent d’avoir une opinion complètement tranchée et ne laissant aucune place à la demie teinte. Ainsi, certaines séries se retrouvent dans la catégorie « O MON DIEU CER TRO BIEN !!§» (Sherlock, Firefly, The Chicago Code, Spartacus, BSG, The Newsroom…etc.), soit dans la catégorie « LOL CER DU CACA » (Revolution, Alcatraz, Platane, Prison Break/Lost/Heroes après la S01…etc.). Vous l’aurez deviné (ou non, si vous êtes un peu bête), la série Black Mirror dont je m’apprête à vous parler est dans la catégorie des séries qu’il FAUT avoir vues.
Black Mirror est une série anglaise (ce qui explique déjà beaucoup les raisons de son génie), créée par Charlie Brooker à qui l’on doit notamment la courte, mais assez marrante série Dead Set. Black Mirror dispose pour le moment de deux saisons dont chacune est composée d’uniquement 3 épisodes de 45 à 60 minutes. En plus de ce format court et original, il est important de noter que chaque épisode est totalement indépendant puisque chacun raconte une histoire complètement différente sans aucun lien avec le précédent ou le suivant. C’est pourquoi vous ne trouverez pas qu’un seul synopsis dans cette critique. De plus, les acteurs sont aussi différents à chaque épisode, de même que les réalisateurs et scénaristes alternent. On a donc presque affaire à un court-métrage à chaque fois.
Unique et intelligente
À cause du caractère réellement unique de chaque épisode, je vais critiquer rapidement et sans spoiler autant que possible chacun des 6 épisodes de Black Mirror. Néanmoins, quelques aspects sont communs à chacun. Chaque épisode met le doigt avec talent et finesse sur un aspect de la société d’aujourd’hui, de notre manière de vivre et de ce qu’elle pourrait devenir dans 10 minutes si nous sommes maladroits (ou si le genre Humain persiste dans la direction inquiétante qu’il prend). Tous font réfléchir devant son écran comme peu de séries arrivent à le faire et le casting est réellement impeccable : aucun acteur dans aucun épisode n’est pris en défaut. La réalisation est aussi irréprochable et le rythme est maîtrisé. Cette réussite du côté technique ne fait que renforcer les frissons que procure la série. Black Mirror est un ovni et un bijou, tout simplement.
Pour ceux d’entre vous déjà emballés par ce principe et souhaitant conserver la surprise de l’histoire de chaque épisode, arrêtez votre lecture ici et foncez.
1.1 The National Anthem
Totalement contemporain, le premier épisode de Black Mirror se déroule au Royaume-Uni, dont le héros n’est autre que le Premier Ministre. Lorsque la princesse de la famille royale fictive Susannah est enlevée, le ravisseur demande au Premier Ministre d’avoir des rapports sexuels avec un porc en direct à la télévision afin de la restituer. Malgré la volonté du gouvernement de cacher l’affaire et l’interdiction pour la presse de parler de cette demande, les réseaux sociaux diffusent allégrement la vidéo postée par le kidnappeur sur YouTube. Se met alors en place un dilemme affreux pour le Premier Ministre : coucher oui ou non avec le porc pour la libération de la princesse, sachant que des sondages indiquent que l’opinion publique est majoritairement pour… Cet épisode se concentre donc sur la puissance et la potentielle dangerosité des réseaux sociaux et sur les dilemmes politiques.
1.2 15 Million Merits
Le second épisode est clairement mon préféré de la première saison, c’est aussi le plus long. Le spectateur suit le quotidien de Bing Madsen, un jeune homme qui vit dans une sorte de bâtiment gigantesque et futuriste où son quotidien, et celui de centaines d’autres jeunes gens, se résume à faire du vélo d’intérieur afin de gagner des crédits. Entourés par les écrans, les émissions de télé-réalité et les publicités, ces pédaleurs utilisent les crédits gagnés pour s’acheter de la nourriture, des objets pour leur avatar virtuel ou encore passer les publicités qui leur sont imposées. Concentré sur la télé-réalité et l’aspect totalement malsain et absurde de ce mode de vie à pédaler sans aucun but connu, cet épisode possède une réalisation et des décors réellement magnifiques. La chute est aussi extrêmement dure, mais horriblement réaliste. Afin de ne pas spoiler, je n’en dirais pas plus, mais sachez que cet épisode m’a réellement secoué.
1.3 The Entire History Of You
Comme le second épisode, le troisième est un peu plus futuriste et orienté science-fiction que le premier, mais tout en restant dans un futur potentiel proche. Dans ce futur, presque tout le monde possède une « Grain », une puce implantée derrière l’oreille permettant de stocker l’intégralité de ses souvenirs (concrètement tout ce que l’on a vu et entendu) afin de les consulter à loisir. Pratique pour ne jamais oublier quelque chose ou pour montrer ses vacances à ses amis sur un écran à première vue, ce système peut néanmoins avoir une influence malsaine. Les héros de cet épisode forment un couple où le mari commence rapidement à avoir des doutes sur la fidélité de sa femme. Celui-ci va commencer à être totalement obsédé et obnubilé et ainsi mener son enquête à l’aide de sa puce. La jalousie et la dangerosité de la technologie sont donc ici au centre d’un épisode frappant.
2.1 Be Right Back
C’est un autre couple qui est à l’honneur de ce quatrième et premier épisode de la saison 2. Martha et Ash sont amoureux et emménagent à la campagne dans la maison d’enfance de Ash. Ce dernier est accro à son téléphone et aux réseaux sociaux, au grand dam de Martha. Malheureusement, Ash meurt dans un accident de voiture et cet évènement génère le premier thème de cet épisode : le deuil. Mais, futur proche oblige, un système existe pour les personnes ne supportant pas la perte d’un proche, comme Martha. Ce système se base sur un algorithme qui exploite les données publiques en ligne (messages, photos, vidéos, voix…) de la personne décédée afin de faire dire de manière logicielle ce qu’aurait dit la personne. Martha commence alors à chater avec « Ash », puis à lui parler au téléphone, s’enfonçant toujours un peu plus dans la dépendance et le déni. Le deuil, le manque et l’aspect potentiellement malsain de la technologie sont encore une fois exploités avec finesse et l’épisode ne peut laisser indifférent.
2.2 White Bear
Cet épisode m’a mis une telle gifle. Je pense que c’est mon préféré de la S02 et peut-être bien mon préféré égalité des deux saisons avec Million Merits. L’héroïne, Victoria, se réveille dans une chambre, amnésique. Très rapidement dans l’épisode, on apprend qu’un symbole, diffusé sur tous les écrans du monde (TV, téléphones, ordinateurs…), a affecté 9 personnes sur 10, les transformant en « zombies spectateurs ». En effet ces derniers passent leur temps à suivre et épier l’héroïne perdue, tout en la filmant avec leur téléphone sans jamais lui venir en aide ni lui parler. Je n’en dévoilerais pas plus, mais le rythme est excellent et dès les premières secondes de l’épisode on est captivés et intrigués. Toujours dans l’optique de ne rien spoiler, je dirais juste que le thème abordé dans cet épisode est réellement percutant et laisse hébété à la fin des 45 minutes.
2.3 The Waldo Moment
Le dernier épisode de cette saison 2 est, pour moi, le moins bon de la série. Qu’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas dit, cela reste malgré tout d’un niveau bien au-dessus d’un paquet de séries. Comme le tout premier, il est complètement contemporain et s’axe autour de la politique en Angleterre. Waldo est un ours bleu virtuel issu, au départ, d’une émission éducative pour les enfants. Celui-ci finit par se retrouver dans un talk-show du soir et s’avère être au final complètement anarchique, satyrique et impertinent envers les invités pris complètement par surprise. Jamie Salter, le comédien raté qui prête sa voix au personnage, n’y connait rien à la politique et n’est là que pour faire le clown. Malgré tout, devant le succès du personnage et notamment son clash avec le conservateur Liam Monroe, la production impose que Waldo, et donc Jamie, participent aux élections dans lesquelles Monroe est engagé. Cet épisode se concentre donc sur les dilemmes de Jamie, la politique, et surtout l’absurdité de la télévision dans la surenchère de la bêtise et de la provocation pour de l’audience.
J’avais attribué 8/10 à Black Mirror sur senscritique dans un premier temps, mais à la fin de la S02 (et surtout de l’épisode 2) je l’ai remontée à 9/10. Une telle constance dans la qualité, la justesse et l’intelligence force le respect. Si vous n’avez pas beaucoup de temps à consacrer aux séries et que vous ne deviez en choisir qu’une, foncez sur Black Mirror sans l’ombre d’une hésitation. Putain d’anglais.