Des échos et des escaliers dans la lumière

Je ne crois pas me tromper si j'écris ici que cette série-là propose quelque chose de vraiment nouveau, son originalité reposant sur une prouesse technique qui me laisse pantoise. En fait, je suis à ce point admirative de l'exécution que je me sens obligée d'en parler pour la faire connaître — j'enfile pour de vrai ma casquette d'éclaireuse, partie en quête de nouveauté à l'étranger.

Ce drama-ci se présente dans sa première moitié comme un huis clos mettant en scène seulement quatre personnages qui se réveillent en pleine nuit, sans souvenirs, dans un club privé labyrinthique, et qui essayent de comprendre ce qu'ils font dans cette situation. Trois de ces individus sont amis, il s'agit de Fai, Mew et A, venus fêter l'anniversaire de la première ; le quatrième personnage, Billy, est une simple connaissance, semble-t-il un manager du club en question. Je n'écrirai rien de plus sur l'histoire, satisfaisamment déroutante.

Ce qui stupéfie le plus, c'est la façon dont cette série a été tournée. Déjà, l'image est verticale, comme capturée par un téléphone ; le son enregistré donne aussi cette impression, il est un peu feutré. Ensuite, la caméra suit spécifiquement un seul personnage à la fois, sans être subjective : le spectateur voit le personnage mais ne voit pas ce que le personnage voit. Or, le format choisi, en portrait, réduit le champ de vision au corps de l'acteur, à ses mouvements et réactions. Cela ajoute à l'ambiance étouffante, par moments angoissante, installée dès le début par l'errance d'un tel ou un tel dans les couloirs de l'établissement mal éclairé et plein de portes secrètes.

Comprenez donc que les quatre premiers épisodes suivent les quatre personnages de façon individuelle. Et là où la série fait dans l'incroyable, c'est que ces quatre épisodes sont non seulement des plans-séquences, de plus de vingt minutes à chaque fois, mais aussi qu'ils sont parfaitement synchronisés. Il est ainsi possible de les regarder en même temps — d'ailleurs, le décompte vers trois heures du matin au début de chacun d'entre eux est une invitation évidente à le faire ; la musique, les répliques, les mouvements... tout est raccord, à la seconde près ! Ainsi, le spectateur peut choisir son visionnage : soit il regarde les quatre épisodes un à un, dans l'ordre qu'il veut, soit il en regarde un seul, puis les trois suivants ensemble, soit il les regarde tous en parallèle sur un même écran ou sur des écrans différents... Les combinaisons engendrées par cette innovation sont nombreuses et permettent d'apprécier la minutie de la réalisation.

Évidemment, aucune caméra n'est jamais visible, ce qui implique qu'au moins quatre versions de cette histoire ont été tournées. Il faut là applaudir les acteurs qui savent exactement où ils doivent être et ce qu'ils doivent dire à chaque seconde qui passe. À moins que tout ceci ne soit qu'un spectaculaire tour de magie.

Les quatre épisodes suivants jouent eux aussi avec la temporalité, explorant cette fois-ci les heures précédant le blackout des personnages. Abandonnant l'individu pour embrasser le groupe, ils retrouvent une forme de régularité, certes pleine de flashback, et doivent donc être regardés l'un après l'autre — même si subsistent quelques chevauchements. Le mode portrait est toujours activé et sied assez bien au ralentissement physique des personnages. Cette seconde moitié du drama est toutefois moins saisissante, paradoxalement parce qu'elle met l'accent sur le récit, au détriment de sa forme.

Surprise supplémentaire, il est possible de regarder légalement ce drama sur YouTube avec un sous-titrage anglais plutôt correct : Blackout.