Le divin chauve
Merci à toi ô divin chauve de nous tenir éclairé de tout ce qu'il se passe dans ce monde de fou furieux.
le 17 sept. 2022
A plusieurs reprises on m'a posé cette question : pourquoi, moi qui semble me reconnaître dans les valeurs de gauche, je passe mon temps à m'en prendre aux Usul et autres Bouseux pour leurs sophismes et autres "dérapages" idéologiques alors que pendant ce temps-là je laisse bien tranquilles les tribuns qu'on pourrait poliment qualifier "de droite" et parmi lesquels ce "Bruno le Salé" est régulièrement cité comme l'un des représentants les plus fameux ?
A ce genre de question je réponds toujours la même chose, m'étonnant que ma réponse n'apparaisse pas telle une évidence : mais que voulez-vous que je dise quand on n'a que "ça" face à soi ?
On aurait parfois tendance à l'oublier mais la critique reste un exercice littéraire qui a ses codes. Or l'un de ces codes consiste à fournir une analyse de l'oeuvre critiquée. Et pour qu'il y ait analyse il faut qu'il y ait de la matière à analyser. Or, désolé de le dire aussi crument, mais chez ce Bruno le Salé il n'y a rien ou presque.
Parce que bon, de quoi est faite cette chaîne ?
Dans les faits : d'une multitude de pastilles dont la forme est visiblement une préoccupation inexistante.
On a face à nous un homme qui parle sans aucun sens du jeu de corps, de l'intonation et de la narration, mais qui malgré tout s'impose à nous par un triste jeu de raccords dans l'axe sans imagination et des inserts de "memes" tous aussi moches qu'éculés.
D'ailleurs, comme un symbole de cette absence totale de sensibilité à la forme, Bruno le Salé nous gratifie d'incrustations sur fond vert random à la composition plus que discutable ; fond vert qui lui coupe d'ailleurs parfois des membres au cours de certains mouvements trop amples par rapport à son cadre d'incrustation.
Mais bon, visiblement quand vient le moment du montage, pour Bruno ce genre d'aberration ça passe crème. Pas besoin de reshoot. Pas plus qu'il ne semble en avoir besoin pour corriger tous ces moments où il bafouille ou quand il opère un faux-raccord avec ses vêtements lors d'une insertion de son contenu sponsorisé (lui aussi random, ce qui donne d'ailleurs souvent des décalages assez drôles).
A croire que tout ça n'est pas important pour lui.
A croire aussi que tout cela ne pèse rien à côté de ce que le bon Bruno entend nous fournir pour nous satisfaire : ses analyses "salées".
Car oui, Bruno le Salé se targue de nous fournir des analyses.
Un jour il entend révéler ce scandale hallucinant selon lequel le mouvement Black Lives Matter reverse l'essentiel de ses dons à des compagnes d'élus démocrates (quand bien même l'information est publique : quel scoop !), un autre jour il nous targue d'une analyse sur les expositions publiques d'art contemporain où il constate que - quand même - c'est la plupart du temps du gros enfumage bourgeois (encore une fois : quel scoop !) et un troisième jour il va conspuer une campagne de sensibilisation au harcèlement de rue, nous démontrant bien que si on ne se prive pas de faire preuve d'inclusion et de diversité pour représenter les victimes, on se garde bien de le faire quand il s'agit de représenter les harceleurs.
Alors soit - super ! - des vidéos de 20 minutes mal montées et mal narrées pour au final tirer sur les mêmes ambulances aux pneus crevés que tous les autres.
Quel gain...
En fait, Bruno n'a rien à dire.
Bruno ne fait que réagir. Il prend les quelques ambulances qui sont à sa portée et il tire dessus histoire de se sentir un temps soit peu exister, quand bien même le bonhomme manque singulièrement de répartie, d'arguments, de sources et se contente simplement de quelques saillies de pilier de bar.
A chaque fois les démonstrations sont légères et n'aboutissent à aucune réflexion plus aboutie sur la société. Bruno rage sur quelques détails comme un papy ralerait sur la mise en place du tri sélectif dans sa commune, mais sans jamais parvenir à aller au-delà de ça.
En fait Bruno se contente de râler à vide. Il est finalement celui qui tire sur l'ambulance sans balle ni fusil. Alors du coup la plupart du temps il fait des mimes avec ses mains tout en criant "Pan pan" avec la bouche.
Donc oui, c'est clair que sur ce plan-là, à côté de ces vidéos produites par ce triste Bruno, celles d'Usul ont l'air tout de suite bien meilleures.
Usul parle mieux, il joue mieux, il maîtrise mieux le format vidéo, il a davantage de culture et a le mérite de se risquer à une proposition idéologique, toute pétée soit-elle.
Donc pour ceux qui voulaient mon avis là-dessus : voilà c'est fait.
Maintenant, de mon point de vue, ça ne retire rien au fait qu'à côté de ça, niveau pertinence intellectuelle et politique, l'un et l'autre ont quand même du mal à se départager.
Parce qu'en termes de biais, d'attaques faciles, de choix orientés dans les sujets, dans l'attention portée à la paille dans l'oeil du voisin mais pas à la poutre qu'on a dans le sien, je considère que nos deux tribuns - qu'ils soient de droite ou de gauche - se valent largement.
D'un côté on va suivre l'argent de Black Lives Matter tandis que de l'autre on va éplucher les pratiques douteuses des ministres.
D'un côté on souligne l'incohérence des comportements des pourfendeurs de la pensée décoloniale tandis que de l'autre on conspue les raids de harcèlement issus de la fachosphère.
Jamais on ne s'intéresse aux errements des copains. Toujours pinaille-t-on sur les défauts de l'ennemi.
On chausse ses oeillères parce que c'est confortable.
On parle et on partage non pas pour penser, construire ou déconstruire, mais plutôt pour se convaincre qu'on n'a aucune raison de sortir de notre paresse intellectuelle.
Donc voilà. C'est dit. Intégralement. Sans coupe.
Est-ce que les gens sont contents maintenant ?
...Et surtout est-ce qu'on va enfin pouvoir hausser le niveau du débat public ?
Parce que bon, il serait peut-être temps d'aborder la vraie question qui fâche dans toute cette histoire.
Car le vrai débat ce n'est pas de savoir qui a le plus raison (ou le moins tort) entre Usul et Bruno le Salé, la vraie question ce serait plutôt de savoir si on accepte de se contenter de ces tribuns de l'émotion facile pour alimenter notre réflexion sur la société ?
Je sais bien qu'on vit tous aujourd'hui dans une société de l'instantaneïté, de la pensée express et de l'émotion facile et qu'il est aisé - voire tentant - de succomber à l'hystérie collective et de se convaincre qu'il y a forcément du juste et du vrai dans ce qui permet de nous soulager un bref instant.
Sauf que non. Pas forcément.
La pensée c'est un effort. Pas un soulagement.
Quant à la politique c'est une pratique, pas juste un discours.
Alors qu'on se réunisse et qu'on réapprenne un peu à parler et à écouter, à laisser nos émotions de côté pour qu'on puisse réfléchir collectivement. Et agir tant qu'on y est.
C'est cet effort là qui soulagera bien des consciences et résoudra bien des problèmes.
...Pas les discours de tribuns en chambre à coucher.
Créée
le 22 oct. 2020
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