Ça a cartonné, ça c'est sûr !

Ah, cette bourrasque de nostalgie en pleine tronche, dès que je songe à cette émission... Une belle partie de mon enfance et une madeleine de Proust immédiate ; je peux difficilement l'évoquer sans émotion. Ça cartoon !, c'était mon avant-dernier moment peinard du week-end (j'enchainais ensuite sur les excellentes Nouvelles aventures de Lucky Luke après), avant la reprise des cours le lundi. Pour rien au monde, je n'aurais manqué ça !

L'émission était constituée d'une trame principale entrecoupée de dessins animés, d'abord issus de la Warner Bros. puis d'autres horizons (Walter Lantz, DePatie-Freleng etc), lorsque Canal + perdit le droit d'utiliser le catalogue de la Warner. On y trouvait des têtes d'affiche comme Daffy Duck ou Vil Coyote (toujours à la poursuite de son Bip-Bip), mais aussi des moins connus comme Chilly Willy ou les Tijuana Toads. N'oublions pas le plus hexagonal des toons, Pépé le Putois, basé sur quelques stéréotypes peu flatteurs sur les Français (chez nous, il a un accent italien mais en VO il a bel et bien un accent français !)

Dans les saynètes de la trame principale, les personnages animés étaient intégrés à des prises de vue réelles, donnant l'illusion que les animateurs interagissaient avec eux. Un procédé anodin aujourd'hui, mais à l'époque, voir une émission jeunesse en clair utilisant cette technique, quelques années seulement après la sortie de Qui veut la peau de Roger Rabbit ?, c'était une petite révolution. Le programme aura même eu droit à ses propres toons : George l'âne et Alfred le busard.

La formule Ça cartoon ! est au fond un format bien pensé au service de dessins animés qui comptent toujours parmi les classiques de l'animation, et qui n'ont pas pris une ride. J'ai toujours beaucoup respecté les programmes jeunesse qui prenaient le parti d'offrir de la qualité à leurs spectateurs, au lieu de les prendre pour des demeurés en leur balançant des daubes ni faites ni à faire, et pendant plus de 20 ans, Ça cartoon ! a été la Rolls Royce des émissions jeunesse.

Outre le fait d'avoir rendu les grands classiques de l'animation américaine accessibles à un public francophone, c'est le charisme de Philippe Dana qui a beaucoup contribué au succès de l'émission, je pense. La présence, la voix, la passion : rares sont les animateurs réunissant les trois qualités, mais Dana en fait partie. Passionné par cet univers depuis sa plus tendre enfance, il a tenu la barre de l'émission du début à la fin, et son côté un peu sérieux mais bon enfant se mariait étrangement bien avec la folie douce typique de l'univers de Bugs Bunny et consorts. Le bonhomme, actif sur les réseaux, est pourtant étrangement absent des grands médias, alors qu'il a une actualité culturelle (un récent livre sur les toons et un autre sur le peintre Vasarely).

Ça cartoon ! aura marqué des générations de gamins, au même titre que le Club Dorothée, les Minikeums et autres émissions qui se transformèrent en véritables phénomènes populaires. Elle faisait également partie de l'esprit Canal, au même titre que Nulle part ailleurs ou Les Guignols de l'info, et a grandement contribué au succès tant commercial que critique de la chaîne. Une perle !