Teddy Daniels, un US Marshal, débarque avec son nouveau coéquipier sur la sinistre île de Shutter Island, où sont enfermés les criminels les plus fous et dangereux du pays. Une détenue, Rachel Solando, s’est échappée. Mais sur l’île, les choses ne semblent pas tout à fait être ce qu’elles paraissent. Daniels a le sentiment que ce qui se trame sur cette île le concerne… personnellement !
Scorsese, c'est un peu l'anti-M. Shyamalan : ici pas d'artifices cinématographiques, pas de retournements de situation complètement improbables qui viennent plomber la crédibilité du scénario. La grande force du film, c'est d'amener les révélations et les interrogations avec suffisamment de justesse pour entretenir le doute dans l'esprit du spectateur entre les deux explications possibles à tout cela (folie de Daniels ou bien vrai complot du gouvernement). Si la première partie du film est vu uniquement à travers les yeux du personnage principal, la seconde montre subtilement quelques incohérences au récit qu'il se fait, jusqu'à la mémorable scène de la tour, ou tout ce que lui et nous croyions savoir est remis en question. C'est donc quasiment jusqu'à la fin, en réalité, qu'on est tenus en haleine.
Scorsese a pris le parti d'une grammaire cinématographique simple mais diablement efficace pour nous plonger dans l'ambiance. Cela se voit d'ailleurs dès les premières scènes : un plan large de cette île inquiétante enveloppée de nuages noirs, comme une matérialisation de l'esprit humain lorsqu'il devient sa propre prison suite à un trauma... Les scènes se déroulant dans la psyché de Daniels/Laeddis sont traitées avec beaucoup de délicatesse. Oui, le réal nous montre du sang et des morts, mais la réalisation est d'une pudeur remarquable. Chapeau à lui, d'ailleurs, pour avoir réussi à susciter la compassion envers des fous furieux criminels qu'on a plutôt envie de dézinguer, honnêtement. Le personnage principal est pathétique au sens propre du terme, ayant été obligé de supprimer sa femme devenue folle et infanticide... Un personnage torturé, forcé de faire des choix atroces, qui n'aura jamais supporté d'être devant la vérité. Un authentique héros de tragédie grecque, qui finit d'ailleurs tragiquement...
Il y a essentiellement deux écoles : ceux qui considèrent qu’un bon film est avant tout une bonne histoire bien racontée, les autres qui y voient avant tout une expérience visuelle, une ambiance. Scorsese réunit les deux avec une maîtrise forçant le respect, bien aidé par des acteurs en grande forme (mention spéciale à la performance de Di Caprio) et une bande-son aux petits oignons.
Je n’ai pas trouvé de grands défauts à ce Shutter Island, en réalité, si ce n’est de ne m’avoir pas touché personnellement que d’autres films du réalisateur — sans doute car je suis moins sensible à la thématique. C’est la seule chose qui explique que je ne lui aie pas mis une note plus élevée.