J'ai d'abord été rebutée par le caractère très classique de la forme de cette série : rythme lent, acteurs guindés, images magnifiques mais assez lisses. Je me suis ensuite dit que cela correspondait à l'enjeu de l'histoire : cette héroïne si belle, si douce, aux émotions si mesurées était-elle celle qu'elle paraît être ? Cependant, le principal problème pour moi de cette histoire tient dans sa dramaturgie : le seul ressort qu'elle utilise est le mystère. On se demande ce qui s'est vraiment passé et c'est pour ça qu'on regarde. Pas d'ironie dramatique, pas de suspens, pas de surprise,
hormis à la fin de l'histoire. Il n'y a aucun rebondissement et les seuls obstacles que rencontre le jeune docteur qui écoute sont le temps (qu'on voit nous aussi défiler), les interruptions de la jeune femme de la maison, et la mémoire de Grace...autant dire des obstacles sans grand enjeu. L'un des obstacles qui pourrait être intéressant, son désir pour Grace, assez lourdement suggéré, n'est même pas utilisé comme réel obstacle à la révélation de la vérité.
C'est l'autre problème de la série : l'absence totale de subtilité. Ou plutôt la confusion entre pudibonderie et subtilité. Les obstacles qui se présentent à Grace sont montrés au spectateur de façon très évidente quand Grace elle-même, met deux épisodes à les comprendre. Quand elle les comprend.
On voit que le fils de la maîtresse de maison va poser problème dès l'instant où il apparaît à l'écran, et on comprend également très rapidement que Mary Withney a une aventure avec lui quand Grace n'y voit que pouic jusqu'à...ben tout le temps. Pareil pour ce qui se passe chez Kinnear : on imagine tout de suite ce que cela peut être, quand elle met un temps infini à le savoir...ça m'a semblé longuet.
ça en fait une héroïne un peu bétasse, enfermée dans le carcan des femmes de son époque. C'est vraisemblable mais c'est ennuyeux : cet enfermement n'est pas utilisé dans l'histoire, elle ne comprend pas ce qui se passe et il n'y a aucune conséquence narrative à ça. Sans compter que c'est également assez déprimant.
Évidemment, on pourra m'opposer qu'elle se libère lors du dernier épisode, ou plutôt qu'on comprend à ce moment-là à quel point elle est enfermée et l'option qu'elle a du choisir pour être libre. Je trouve long d'attendre cette révélation presque 5 heures, sans autre procédé narratifs. Surtout que cette libération est comme le reste de la série, très lisse et pas si surprenante.
Le seul mérite que je reconnais à cette série est de faire un portrait sans concession de la condition des femmes à cette époque et de l'ascendant que les hommes ont sur elles. La série met également en exergue les rapports de classe très violents de cette époque. Il est d'autant plus dommage qu'elle n'en fasse pas grand chose.
Enfin, ce classicisme, ce rythme lent, ces images d'épinal auraient eu une utilité dramaturgique si la forme avait évolué au long de la série, comme un écho du combat intérieur de Grace. Mais tout reste tranquille, jusqu'à la fin, jusqu'à Grace elle-même. A peine un battement de cil plus haut que l'autre.