Cette chronique a été publiée initialement sur enlightenerds.com
En plus de produire de très bonnes séries telles que Daredevil, Narcos, The Killing ou encore Sense8, Netflix produit aussi de très bons documentaires, genre auquel je m’intéresse d’habitude assez peu. Etant très client de la nourriture japonaise traditionnelle, je m’étais régalé devant le très bon Jiro Dreams Of Sushi que m’avaient conseillé plusieurs amis. On y suit le parcours d’un des sushikas étoilés les plus réputés du Japon, Jiro Ono, qui cherche a perfectionner sans cesse ses sushis et tous leurs ingrédients depuis plus de quarante ans à la recherche de l’umami parfait. Ce qui est fascinant dans la tradition des sushis, c’est que contrairement à la nourriture européenne où la recherche des nouveaux goûts passe souvent par l’association d’une grande quantité d’ingrédients, le sushika recherche son umami plutôt avec des recettes simples qui vont sublimer un seul ou une très petite quantité d’ingrédients pour faire ressortir leur goût de manière pure et unique. Ce reportage est une ode au jusqu’au boutisme et la réalisation est très bien faite.
Fort de son succès, le réalisateur de ce documentaire, David Gelb, s’est lancé dans la création d’une série complète, faite de saisons de six épisodes, Chef’s table. On y suit dans chaque épisode le parcours d’un chef renommé. Loin d’être tous des stéréotypes du chef étoilé, ce qui est extrêmement intéressant dans cette série c’est que chacun a une vision, une philosophie et une mise en pratique totalement différentes. Leur seul point commun est de faire de la nourriture remarquable, mais dans la pratique les chemins empruntés sont incroyablement variés. L’un va revisiter une cuisine traditionnelle pour la remettre au goût du jour, l’autre reproduit une cuisine extrêmement rustique ancestrale au feu de bois ou en fosse en pleine nature. Certains se concentrent sur le fait de trouver les meilleurs produits au marché chaque jour. Un autre va essayer de maitriser ou d’assumer toute la production de tous les produits qu’il utilise, allant jusqu’à expérimenter sur les céréales à cultiver dans un champ entre deux récoltes de tomates pour en optimiser le goût, et offrant ainsi des expériences inédites comme goûter des beurres faits chacun à partir du lait d’une vache unique pour en sentir les variations, d’habitude perdues dans la production de masse.
La réalisation est incroyable, et pour moi qui m’y intéresse un peu, on sent qu’il y a dù y avoir des mois de travail en amont de chaque épisode pour en maximiser l’expérience. En dehors des plans photographiques magnifiques, on a le droit à une immersion totale qui n’est jamais ennuyeuse. On a l’impression que les restaurateurs et leur entourage nous racontent leur histoire de manière totalement fluide, sans jamais qu’il y ait de coupures entre les images documentaires et la narration, sans qu’on ait jamais l’impression de sentir la lourdeur d’interviews. Dès le premier épisode, on rentre chez Massimo Bottura par la petite porte en quelques secondes en partant de l’histoire de sa ville et de son investissement dans l’économie locale suite à une tremblement de terre pour utiliser au mieux des quantités astronomiques de fromage avant qu’il déperisse. Le format classique du documentaire culinaire est totalement sublimé, on est au cinéma.
Chaque épisode de Chef’s Table est une gourmandise. Je n’ai pas pu binge-watcher cette série, je n’ai regardé les épisodes qu’au rythme d’un par jour, pour m’offrir une heure de rêve. Et je n’ai pas encore regardé la saison 2 qui vient de sortir, je me la réserve pour un moment adapté.