Comme un retour aux sources, aux origines, Chef's Table nous propose un moment d'introspection. En prenant le temps, sans lourdeur, des chefs nous racontent leur histoire personnelle face à la nourriture, ce qui les a amenés à ouvrir leur restaurant et à devenir (parfois) les célébrités qu'ils/elles sont.
D'où vient cette nourriture proposée dans nos assiettes ? Adeptes du storytelling culinaire, ces restaurateurs.rices de fine gastronomie nous ouvrent la porte de leur lieu de travail mais aussi de leur enfance. Qu'ils/elles viennent d'Italie, du Pérou ou d'Amérique, ils/elles nous parlent de leur rapport à la nourriture, face caméra, de manière réfléchie. On (re)découvre avec eux.elles leur passé, pour mieux apprécier leur vie présente. Comment ne pas oublier Alex Atala nous dévoilant son ancienne vie de punk et ses recherches culinaires actuelles, mystiques et envoûtantes, en Amazonie, Massimo Bottura nous expliquant sa vision sociale, empathique de la nourriture, Virgilio Martinez travaillant aux quatre coins du monde pour se rendre finalement compte que son âme se trouve dans chaque brin d'herbes de ses racines péruviennes ou encore Ivan Orkin, new-yorkais tentant sa chance au Japon en ouvrant un restaurant de ramen ? Eux et tou.te.s les autres sont passionnant.e.s dans leur réflexion et leur absolutisme.
Au coeur de tous les épisodes, on cherche du sens. Pourquoi ouvrir un restaurant, à tel endroit ? Qu'est-ce que cela signifie, pour soi et pour les autres ? Quelle est l'histoire du lieu, de la région, du pays, et comment leur histoire personnelle va-t-elle entrer en collision/en collaboration avec celle-ci ? Que peut-on apporter à des clients, de plus qu'un autre collègue ? Qu'est-ce que les plats proposés dans notre menu racontent sur nous, en tant que personne et en tant qu'être humain? Tout est pensé, par ces hommes et ces femmes, artistes sans le revendiquer toujours, pour (se) créer un sentiment de légitimité, comme si ils/elles étaient né.e.s pour occuper cette fonction. La richesse de ces histoires est sans fond, car elles résonnent avec notre vie à tou.te.s.
À côté de ces chefs qui se racontent, des critiques culinaires nous livrent leur version des faits, et tentent d'expliquer comment ces restaurateurs.rices ont pu adopter un regard différent sur la nourriture, au bon endroit, au bon moment.
Chef's Table se déguste. La nourriture, servie avec perfection, les aliments sortant du four ou arrachés à la terre, tout est sublimé. La mise en scène est travaillée, usant dès fois de ralenti à outrance, chaque plans tentant d'exprimer en images l'histoire racontée. Par la grâce du montage, les mots dits traversent les séquences filmées de manière naturelle, comme avec évidence. Rien n'est juste fonctionnel ou décoratif, que ce soit en cuisine, en salle, en interview, dans les champs ou dans leurs jardins, tout doit être beau, non pas artificiel, mais faire sens, tout autant que le propos.
La série fait de la nourriture une oeuvre d'art, non pas de manière vaine et cynique, mais avec une foi en l'humanité et en son savoir-faire historique. On revient à l'essence des choses, on ré(apprend) à se connecter avec nous-mêmes. Les aliments sont palpés, touchés, mangés, sentis, avec l'énergie savoureuse des premières fois, et les yeux qui pétillent de bonheur. Comme la mise en scène de la découverte originelle des premiers fruits et légumes par l'être humain. On savoure cette nourriture qui est la nôtre, qui est à la fois notre héritage ancestral et notre avenir, celle que nos grand-parents nous servaient à manger et celles que nos enfants chériront dans leurs souvenirs. C'est un retour aux sources, aux origines.