Columbo
6.7
Columbo

Série ABC (1968)

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Quand un imperméable froissé et un cigare font plus de dégâts qu’une brigade entière de détectives

Columbo, c’est un peu comme si Sherlock Holmes s’était réincarné en un type qui a l’air de ne jamais savoir où il a laissé ses clés, mais qui, en réalité, sait tout sur tout, avant même que tu aies eu le temps de planquer ton alibi. Imagine un détective en apparence brouillon, traînant son imperméable beige froissé et mâchouillant un cigare qui semble avoir vu plus d’affaires criminelles que la majorité des experts médico-légaux. C’est dans cette allure faussement négligée que réside toute la magie de Columbo : il est tellement normal qu’il devient invisible, et c’est là que les criminels tombent dans le piège.


Ce bon vieux lieutenant Columbo, incarné par le légendaire Peter Falk, c’est le roi de l’apparence trompeuse. Il débarque sur une scène de crime en trainant des pieds, l’air un peu perdu, avec son fameux "Oh, une dernière chose..." qui fait suer à grosses gouttes les coupables qui pensaient s'en sortir. Et pourtant, dès les premières minutes, tu sais que Columbo a déjà résolu l’affaire. Ce qui fait le sel de la série, c’est que ce n’est pas un "whodunit", mais plutôt un "commentdédie". Dès le départ, tu sais qui est le criminel, mais ce que tu attends avec impatience, c’est de voir comment Columbo va les piéger avec la subtilité d’un maître du poker qui joue son dernier as.


Là où Columbo brille, c’est dans son approche tout en douceur. Pas de courses-poursuites effrénées, ni de coups de feu à tout va. Non, ici, le lieutenant te traque à coup de questions innocentes et de remarques anodines qui finissent par devenir un filet dont tu ne peux plus sortir. Il est la définition du "slow burn" : plus il traîne dans les parages, plus tu sens la tension monter chez le criminel, jusqu’à ce qu’il craque sous le poids de sa propre culpabilité.


Le format de la série est presque immuable : chaque épisode te présente d'abord le crime et le coupable. C’est un ballet parfaitement orchestré où le criminel pense avoir commis le crime parfait, un plan si bien ficelé qu’on se demande même comment Columbo va le démêler. Et puis, Columbo débarque, l’air de rien, avec son cigare et son imper froissé, et commence à poser ses petites questions, toujours distraitement. C’est là que le génie opère : les coupables, toujours intelligents et raffinés, sous-estiment systématiquement ce petit bonhomme qui semble plus préoccupé par l’endroit où il a garé sa voiture que par l’affaire en cours. Mais ils se trompent. Toujours.


Peter Falk incarne ce personnage avec un tel naturel que tu en oublies presque que c’est un rôle. Sa démarche nonchalante, sa manière de tituber dans une enquête comme s’il cherchait juste à comprendre pourquoi son chien ne l’écoute jamais, tout cela te fait sous-estimer, comme les criminels, l’incroyable machine à déduction qu’il est réellement. Et c’est là la beauté de Columbo : tu ne le vois pas venir. Ses méthodes sont aussi déconcertantes que brillantes. Il pourrait te demander la marque de ton dentifrice, et trois minutes plus tard, te faire avouer un meurtre juste en te montrant un bout de papier froissé.


Les criminels, quant à eux, ne sont pas des voleurs de bas étage. Oh non, ici on a affaire à l’élite des assassins : des chirurgiens, des chefs d’entreprises, des célébrités. Tous convaincus qu’ils sont bien plus intelligents que ce vieux lieutenant à l’air fatigué. Mais c’est ça le piège : ils se croient trop malins, et Columbo, avec sa fausse naïveté, finit toujours par détruire leur illusion de contrôle.


Visuellement, la série n’a jamais besoin d’effets spéciaux spectaculaires ni de grands décors pour captiver. Les scènes de crime sont souvent simples, parfois dans des décors très chics, mais le véritable spectacle se joue dans les dialogues et les petits moments de tension qui s’accumulent doucement, comme la fumée du cigare de Columbo. Le charme est dans les détails : les petits objets insignifiants qui deviennent des indices, les regards fuyants des criminels qui se rendent compte trop tard qu’ils ont fait une erreur fatale.


Un des plaisirs de Columbo, c’est aussi de voir comment chaque criminel finit par succomber à cette pression douce mais implacable que le lieutenant exerce. Ils essaient de le duper, de le détourner de l’affaire avec des faux indices ou des explications alambiquées, mais à chaque fois, Columbo revient, toujours avec "une dernière question". Ce fameux moment où le coupable pense s’en être sorti, et Columbo, prêt à partir, se retourne et lâche ce "Oh, au fait..." qui fait tout basculer.


En résumé, Columbo est une série qui ne vieillit pas. Son rythme lent mais sûr, son héros apparemment maladroit mais redoutablement intelligent, et ses dialogues savoureux en font un classique intemporel. C’est une véritable masterclass en jeu d’acteur, en écriture, et en tension. Avec son imper froissé et son cigare éternellement allumé, Columbo est un détective qui, sans jamais lever la voix ni brandir une arme, arrive à démanteler les plans les plus machiavéliques avec un sourire en coin et beaucoup de perspicacité.

CinephageAiguise
8

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Créée

le 15 oct. 2024

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