Très étrange comme série. Le sujet est bon. Mais Oliver Stone ne peut pas faire ce qu'il veut, pas sûr qu'il ait pu poser les questions qu'il aurait voulu poser en ayant carte blanche ; Poutine est malin, pèse chaque mot, sait exactement quoi dire sans jamais révéler la moindre émotion, sa froideur est d'ailleurs son gros défaut car même lorsqu'il essaie de faire le décontracté, il a l'air sur ses gardes. Ou bien est-ce une autre projection ? Parce que cette série est assez ambigue pour que les spectateurs puissent y projeter pas mal de choses. Par exemple, beaucoup ont pris ce docu au premier degré : Oliver est anti-américain et adorerait lécher le trou de balle de Poutine. Sisi, des gens penses ça, ça se voit surtout dans les commentaires de la vidéo sur Youtube, mais aussi sur d'autres forums, où des gens soulignent l'intelligence et la transparence de Poutine. D'autres y voient juste de la malhonnêteté de la part de Oliver Stone, de la propagande anti-américaine.


Et c'est vrai que si l'on se contente d'écouter le docu sans faire attention aux images, on a l'impression que Oliver se contente d'écouter Poutine faire son show, comme s'il était à sa botte. Mais lorsqu'on regarde les images, on se rend compte qu'il rigole parfois ouvertement des réponses de Poutine, que certaines remarques font rire jaune, comme sa fameuse blague sur les militaires gays ou d'autres sur les femmes qui ne sauraient pas contrôler leurs émotions. On remarque aussi qu'il y a des silences, des silences de gêne, pas des silences pour contempler le "Dieu Russe", non, bien des silences où le bougre vient de donner une réponse qui ne répond pas vraiment, ou bien de faire un gros mensonge. C'est comme si Oliver Stone n'avait pas eu le droit de dire que Poutine raconte des salades, sinon son film serait annulé. Mais là aussi, ça pousse à la projection : et si Oliver était un génie qui avait su tourner en ridicule Poutine, monter à quel point il est un mauvais menteur ? Je n'en suis pas sûr non plus parce qu'il y a des moments où Oliver semble vraiment d'accord avec Poutine.


En fait, Oliver aborde son sujet avec neutralité, pointe les problèmes (le silence et les réponses types du président en disent long mais clairement, on aurait préféré une réponse plus généreuse, plus sincère) mais aussi les bonnes choses que le président a su apporter. Et c'est tout-à-fait louable. Mais au vu des réponses timorées du président, est-ce que cette série vaut vraiment le coup ? Oui dans le sens où ça reste un objet cinématographique au sujet un peu fou, casse-gueule, osé. Mais non aussi pour plusieurs raisons.


D'abord parce que le contenu est principalement composé de silences, de sous-entendus et qu'au bout d'un moment, on se lasse. On est d'autant plus surpris lorsque Poutine commet des erreurs et se révèle, comme pour la fameuse blague gay, dont il aurait pu éviter le dérapage tellement facilement. Mais en même temps il s'en fout. Soit. Ensuite, parce que le portrait est mince : certes Poutine n'est pas le démon que l'on supposait, n'empêche qu'il est comme à la télé : stoïque, froid, réfléchi, il écoute, il emploie des mots forts, il sait argumenter. Ce personnage médiatique, on le connaît. Le découvrir en train de jouer du Hockey, pour moi, c'est tout aussi pathétique et faux que quand Barack fait du basket et traîne avec des jeunes. Je n'ai pas eu l'impression de rencontrer quelqu'un de vrai, d'authentique, mais juste une personnalité médiatique.


Enfin, ce qui me gêne avec ce docu, c'est qu'il dépend essentiellement des propos de Poutine. Oliver veut parler politique, il a des archives pour argumenter, mais ses archives ne servent qu'à illustrer directement ou de façon opposante, les réponses de Poutine. Pas d'autres interviews. Que ce soit pour dresser le portrait de l'homme ou du président, il me semble que d'autres intervenants auraient dû être montrés. Il reste le choix de la discussion qui elle aussi fonctionne assez peu, car l'équipe est tout le temps là. C'est peut-être à cause du concept scénique que cet aspect ne prend pas, car Oliver aurait pu cadrer de manière à ne montrer que lui. Au lieu de ça, on les voit tout le temps entouré de gens, pas forcément des gardes du corps (donc on ne peut pas dire que ce soit Poutine qui cherche à se protéger ou à intimider), et puis il y a ce traducteur qui parfois est littéralement collé entre les deux hommes, rendant les scènes de complicité un peu surréaliste.


Pour moi, donc, ce docu n'est pas abouti ; je ne pense pas que Oliver soit pro-Poutine et anti-américain ou l'inverse, mais je trouve qu'il n'a pas (pu?) aller aussi loin que ce que le docu nécessitait (Poutine ne se révèle pas assez et ne révèle pas assez ses intentions), et du coup, ça ne valait pas tellement la peine de le sortir ; certes on apprend des choses, les sous-entendus aussi sont riches, mais ils ont une limite, et même s'il est vrai que le dernier épisode est plus rentre-dedans, on ressent un manque très vite et surtout l'impression de tourner un peu en rond.

Fatpooper
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le 14 juin 2024

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