J'ai essayé, bon sang, j'y suis allé avec le moins d'a priori possible, je suis parti pour être indulgent, ne pas penser à la série d'animation, j'ai fait comme Spike, un oeil vers le passé, un oeil vers l'avenir, j'y ai mis du mien, vraiment.
Je suis même allé jusqu'à pardonner l'absence d'Ed, parce que même dans le milieu du porno hardcore, ils auraient eu du mal à trouver quelqu'un d'aussi flexible.
Mais non, impossible, trop c'est trop, même avec la meilleure mauvaise foi du monde, il ne s'est pas passé trois minutes avant que je ne commence à déchanter. Le Blues du spectateur trahi. On a tous connu ça.
Cowboy Bebop, ce n'est même pas nul "rigolo", c'est nul "triste", nul "souffrance".
Hormis les CGI et la musique (quelques morceaux de Yoko Kanno inédits, ça ne se refuse pas), chaque aspect de cette série est une punition : les acteurs jouent comme des patates, jusqu'au moindre second rôle ("t'as pas compris c'est pour faire décalé" - ça, je confirme, prendre des gens dont le métier est de jouer la comédie et leur demander de faire le contraire, c'est décalé, c'est sûr, le rendu "spectacle de Noël de la Mairie" est parfaitement transcrit, il ne manque que les mandarines et les papillotes), le rythme est narcoleptique, la narration s'endort au moins autant que le spectateur lui-même (ben oui, étirer sur 50 minutes des épisodes de 25, quand on n'est pas doué, c'est chaud, un peu), les combats sont molasses, les punchlines inédites sont cringe (holalala, les toilettes du Bebop sont sales, qu'est-ce qu'on rigole, qui veut du caca ? Et ne parlons pas de ce fail dès les premières minutes du premier épisode, quand Jet fait une vanne prout-prout sur le fonctionnement de la gate comme si c'était la toute première fois de sa vie qu'il en empruntait une et qu'il en découvrait le fonctionnement... Glandiose) ; mais le pire, le pire, c'est encore la réalisation elle-même, qui reprend à son compte tous les effets visuels de la série d'animation, jusque dans les cadrages, les close up, les flashback, sauf que les mecs, ça ne marche pas, les séries d'animations ont leurs codes, les séries live aussi, ce n'est pas juste pour la galerie, c'est parce qu'il y a des trucs qui fonctionnent en live et qui ne fonctionnent pas en animation, et vice versa, c'est bien pour ça que les deux médias existent et sont complémentaires. C'est votre métier à vous de savoir ça. Alors oui, Oshii arrive à équilibrer un entre-deux, et dans ces deux registres. Mais c'est Oshii. Ici, tout est raté, excessif dans le mauvais sens du terme, tout sonne faux, tout sonne mal, tout sonne kitsch, chaque infime petit plan est loupé, on voit bien les effets qu'ils tentent de transcrire, et on voit encore mieux à quel point c'est loupé.
La scène où la rose tombe dans la flaque d'eau ? Emblématique dans l'animé, elle n'a plus aucun naturel ni aucune puissance en version live. On dirait le rush d'une pub Interflora réalisée par un aspirant cinéaste comme TP de fin de premier cycle. Le flashback ? Il semble tout droit sorti d'un de ces films érotiques à 10 balles le lot de 40 que M6 diffusait jadis en deuxième partie de soirée (séquence nostalgie) - jusqu'à son filtre instagram Le Grand Bleu. Les plans, tout aussi emblématiques, où la caméra cadre les pieds d'un personnage qui se déplace ? L'acteur est obligé d'adapter son pas pour le rendre filmable et lisible au tout venant, de sorte que là encore, en dépit de ses efforts, sa démarche perd tout naturel, on sent que le pas est forcé. Etc, etc, etc... A chaque minute qui passe, ses mauvais exemples.
Mais le pire, du pire, du pire, c'est que les 3/4 des plans sont filmés en diagonale (dutch angle, pour les intimes), une fois à droite, une fois à gauche, pis re-à-droite, puis à re-gauche, mangez léger les gens, pas de choucroute avant Cowboy Bebop : on se croirait dans une attraction Disneyland (ça explique les couleurs et les décors en carton-pâte - étonnamment réussis, eux. Comparé au reste, s'entend). Durant les rares séquences miraculeusement filmées à l'horizontale, on savoure l'accalmie, mais ça ne dure jamais assez longtemps pour qu'on y prenne un quelconque plaisir, même coupable.
Et ça, c'est sans même parler de l'adaptation en elle-même, de cette Faye sans relief (et je ne parle pas du physique, hein. Je suis un gentleman), de ce Vicious Malefoy tout droit sorti d'un fan-film espagnol de Saint Seiya (ou d'un pastiche XXX de Final Fantasy, selon les préférences), de cette Julia les-Feux-de-l'Amour et de son tatouage réalisé par des enfants de maternelle en centre aéré moyenne section, ça n'en vaut pas la peine. Ou alors si, la peine, mais au sens de chagrin. Profond.
Pourtant, au vu des moyens déployés, des décors, du matos, on se dit que oui, admettons, peut-être bien qu'ils auraient pu la réussir, finalement, leur foutue série, s'ils avaient pris davantage de distance avec l’œuvre d'origine et s'ils avaient eu plus de talent que de cahier des charges.
C'est peut-être encore ce qui rend le visionnage le plus pénible, en définitive. De se dire qu'ils auraient peut-être pu le faire, mais qu'ils sont complètement passé à côté.
Après, vous faites comme vous voulez.
Moi je retourne sur la série d'animation (ou à Firefly, tiens, qui était une adaptation live infiniment plus réussie). Je n'ai plus assez de larmes dans mon corps pour tenter d'aller au bout de cette saison 1, et la saison 6 de The Expanse débarque dans trois semaines...
En plus, ce soir, c'est choucroute.