Avec ou sans Barbe-Noire (mais surtout sans, en fait)
Basée sur le livre The Republic of Pirates de Colin Woodard, adaptée pour la télévision par Neil Cross (Spooks, Doctor Who, Luther…) et réalisée par David Slade (Awake, Hannibal…), Crossbones est une série américaine sur une communauté de pirates menée par Barbe Noire dans leur quête d’un appareil permettant de se déplacer avec précision en mer. La diffusion de la première saison est en cours depuis le 30 mai sur NBC, et le pilote de la série a réuni près de 4.89 millions de téléspectateurs.
La saison 2013-2014 est définitivement celles des pirates ! Il y a d’abord eu la folie autour de Pirates des Caraïbes et de ses multiples – et similaires – suites entre 2003 et 2007. Puis un début d’hystérie chez les fans de la version Once Upon a Time sur ABC du Capitaine Crochet incarné par Colin O’Donogue avec plus de poils que de charisme. Il y a aussi eu – sur consoles, cette fois - Assassin’s Creed: Black Flag (Ubisoft) fin octobre 2013, puis Black Sails en janvier 2014 sur Starz… Ces dernières années ont apporté leur lot de pirates bondissants et/ou impitoyables, souvent pour notre plus grand bonheur ! Avec une telle sur-représentation, il aurait pu être risqué de se lancer sur ce créneau, mais NBC s’en sort plutôt bien avec cette adaptation.
Mais Crossbones ne s’arrête pas à la simple mise en scènes de pirates, de vaisseaux gigantesques et de paysages luxuriants. C’est là qu’entre en scène Barbe Noire, pirate mythique et ex-commandant du Queen Anne’s Revenge, dont la tête a été mise à prix par les autorités britanniques. Le personnage est incarné par John Malkovitc, qui a vraiment été mon point d’entrée dans la série dont je n’avais pas entendu parler jusque-là. Petite déception par contre, parce que si l’acteur a largement été mis en avant dans la rare promo dont a bénéficié la série, le personnage est vraiment secondaire et l’histoire que raconte la série n’est pas la sienne. Ce qui m’amène à dire que ce choix plutôt étrange au départ – Malkovitch est un excellent acteur, mais son personnage n’est pas aussi central que ce qu’on a voulu nous laisser entendre – permet d’attirer des spectateurs qui n’étaient pas forcément clients d’histoires de pirates au départ, mais qui pourraient éventuellement se laisser tenter par un Barbe Noire à la sauce Malkovitch. C’est évidemment mon cas.
Malkovitch
La série commence avec un abordage de vaisseau britannique par des pirates visiblement très bien renseignés, à la recherche d’un chronomètre très particulier. Une scène d’ouverture qui n’est pas sans rappeler celle de Black Sails, avec dans les deux cas un équipage qui se retranche à l’intérieur plutôt que de continuer à se battre, et un personnage qui se dépêche de mémoriser / dissimuler un élément que les pirates ne doivent pas obtenir. Mais la comparaison s’arrête là pour moi, parce que les deux séries n’ont que peu de choses à voir, tant au niveau de la réalisation que du scénario et du casting.
Des personnages à peine étoffés
Si la présence de John Malkovitch et la mention de Barbe Noire m’avaient fait dresser l’oreille, je suis bien forcé d’admettre que le résultat a quelque chose de franchement décevant sur ce point. Loin du pirate tel qu’on le connait, on nous sert un pirate usé par l’âge, fatigué, et bien heureux de laisser croire aux gens qui ont mis sa tête à prix qu’il est mort depuis des années. Ça aurait pu être admissible si ça avait été amené de manière un peu plus intéressante. Barbe Noire m’a fait l’effet d’un vieillard un peu sénile, capable encore de donner du fil à retordre à ses ennemis, mais en proie à la maladie, aux hallucinations, et incapable de déceler les traîtres dans ses rangs… Grosse, grosse déception de ce point de vue.
Seconde déception: le héros, Tom Lowe (Richard Coyle), qui est chargé de tuer Barbe Noire dès le premier épisode et qui tente de faire croire à tout le monde qu’il n’est qu’un médecin désireux de mener la grande vie avec les pirates. En réalité – et on le sait depuis les premières minutes du pilote – l’homme est un officier britannique en mission d’infiltration à la demande du Gouverneur de la Jamaïque. Alors bien sûr, Lowe fait tout ce qu’il veut et ne se fait jamais démasquer. Et en même temps, il est aussi compétent qu’un véritable médecin, pour ne pas dire meilleur… En résumé ? Lowe sait tout faire, est plus intelligent que tout le monde parce qu’il réussit à tromper les pirates, mais aussi Barbe Noire, réputé pour être un homme très intelligent qui a toujours plusieurs coups d’avance. Mais non…
Ultime déception: les personnages secondaires sont quasiment inexistants. S’ils ont la chance d’avoir un nom ou qu’on évoque leur histoire, cela relève presque du miracle. Tous semblent n’être là que comme des spectateurs du petit jeu du chat et de la souris entre Lowe et Barbe Noire… Et c’est dommage, parce qu’il y aurait eu pas mal de personnages intéressants à propos desquels il aurait été possible de développer des intrigues secondaires. Mais non, les scénaristes ont préféré faire de Lowe le héros et se concentrer sur ses échanges avec Barbe Noire au détriment de tout le reste…
Je suis un peu partagé concernant Crossbones. Je m’attendais à une aventure épique avec des pirates et Barbe Noire, et je me suis retrouvé avec un Barbe Noire en second plan, des pirates qui vivent paisiblement sur une île à l’écart du monde, et un héros improbable qui aurait normalement du être démasqué cinquante fois pendant les 4 premiers épisodes, mais qui au final fait passer tout le monde pour des abrutis. Malgré tout, la performance de John Malkovitch est suffisamment bonne pour que je continue à suivre la série, au moins par curiosité et pour voir comment l’histoire va se terminer. Malheureusement, même si les épisodes sont globalement bien meilleurs que le pilote vraiment médiocre, Crossbones n’est pas une série que j’ai envie de recommander.