Pourquoi s'embêter à coller à l'Histoire quand on peut l'inventer ?
Da Vinci's Demons est un peu mon cas de conscience du moment. Au premier visionnage du premier épisode, j'ai eu l'impression de me retrouver devant un gigantesque navet, une espèce de ré-écriture un peu bizarre du personnage historique qu'est Léonard de Vinci, et j'avoue avoir eu une grande compassion en l'imaginant se retourner dans sa tombe en voyant ce qu'on avait pu faire de lui...
Sauf qu'après plusieurs épisodes, j'ai été obligée d'admettre ce fait terrible : c'est un massacre, c'est foncièrement mauvais dans son concept mais... mais j'aime bien quand même.
Parce qu'en fait, le « génie » de cette série tient précisément dans le fait que c'est une réecriture entière de De Vinci. Grosso modo l'idée principale est d'expliquer au spectateur que le Léonard qu'on connaît est en fait une mauvaise image que l'histoire a gardé, car des personnages obscurs (facile à repérer dans la série : ils sont en noir comme les méchants de Disney) ont préféré nous dissimuler la vérité sur ce qu'il était et ont donc manipulé la postérité en ce sens. Du coup pas besoin de se faire chier à avoir un semblant de rigueur historique, on peut TOUT faire. Et c'est bien ce qu'on nous offre, un gros n'importe quoi.
La série est fascinante à regarder justement parce qu'elle va sur des terrains que la santé mentale nous interdirait, habituellement, de rejoindre : Léonard invente tout et n'importe quoi, depuis une fausse arbalète géante jusqu'à l’ancêtre du Bat-signal par la suite. Il est une sorte de mélange entre Sherlock Holmes et McGyver, flanqué de sidekicks sans grande profondeur mais qu'on ne parvient pas tout à fait à détester, et œuvrant dieu sait pourquoi pour Laurent de Médicis... alors que ce dernier semble être une girouette en matière de respect, parvenant à le monter aux nues puis à lui enfoncer le nez dans sa merde selon l'épisode. L'ensemble est donc assez improbable et finalement in-devinable pour rester distrayant, pour peu qu'on ouvre grand les shakras.
A cela s'ajoute une intrigue en fil rouge des plus alambiquées : Léonard recherche activement des informations sur sa mère, disparue alors qu'il avait 6 mois, et en vient à côtoyer une pseudo-secte représentée par un turc sous krack qui le pousse à chercher un artefact contenant soit-disant la connaissance absolue. Malheureusement pour lui, Rome (comprendre le Pape et ses sbires) convoite également l'objet, d'où des confrontations régulières au court des épisodes … c'est très, très mauvais. Et convenu pour le coup. Mais dieu, qu'on rigole au fond !
Je ne devrais éprouver que dédain pour une telle série, mais je n'arrive qu'à avoir une sympathie et une tendresse assez inexpliquée pour les péripéties de ce pauvre Léonard, incarné par un Tom Riley qui ne sait apparemment pas trop s'il doit rire ou pleurer de ce qu'on lui fait jouer. Da Vinci's Demons est, je trouve, une petite surprise distrayante, de qualité bien moindre mais qui parvient quand même à accrocher et qui, si elle ne bouleversera jamais votre horizon audio-visuel, vous fera passer un bon moment si voir l'Histoire se faire massacrer ne vous blesse pas au plus profond de votre âme.