Quelques traits épais, une animation minimaliste : il n'est guère besoin d'ajouter des fioritures quand on a du talent. Daria c'est une chronique sociale désenchantée qui piétine le rêve américain et les illusions grandiloquentes pour envoyer au monde combien tout cela est pathétique, combien les gens sont futiles et leurs prétendus idéaux fatalement assis sur le mensonge.
Je me replonge en ce moment même dans cette délicieuse série qui manie si bien le verbe. Le plus amusant est que je termine en parallèle un ouvrage compilant les traces laissées par la philosophie cynique antique et dans le ton, plus d'une correspondance peuvent se trouver entre notre lycéenne blasée et les plus vifs esprits de l'école philosophique d'Antisthène. En effet Daria lève tous les faux semblant derrière lesquels les gens se retranchent pour ne pas reconnaître combien ils se trahissent eux-même. Elle le fait au moyen d'une violence verbale crue et ironique qui n'est pas sans rappeler les saillies d'un certain Diogène de Sinope. Là s'arrête le parallèle et il ne faudra pas compter sur Morgendorffer pour vivre dans un "tonneau" (elle est un peu vénale la coquine).
Daria est une satire et cette série joue très habilement avec les codes du genre sans jamais être en dissonance, si ce n'est peut être avec cet atroce épisode en mode comédie musicale : je hais les comédie musicale!
Quoiqu'il arrive, en ces temps troublés, où la culture est ravalée au rang des curiosités, où la futilité érigée en loi universelle, où l'idéal est dompté, Daria est un bol d'air frais à mettre de toute urgence entre les mains des plus jeunes pour qu'ils délaissent un peu cette nauséabonde course à la popularité, aux sourires de façade, à la dictature de l'image. Oui, tout cela est militant, mais Daria ne s'en cache pas!