Dark
7.6
Dark

Série Netflix (2017)

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Cette série n’est pas parfaite, c’est une évidence. Le rythme est très lent. Elle est difficile à suivre de par sa complexité. Les personnages ne sont pas attachants et trop nombreux. Ce n’est pas si novateur que ça (Twin Peak, Stranger Things…). Il y a des énormités ici et là (la cheffe de la centrale qui descend dans la grotte toute seul avec sa corde en talons aiguilles, le flic qui ordonne une démolition dans une centrale nucléaire…).


Rien de de tout ça n’a tellement d’importance car ce qui est vraiment raté est le concept même de la série.


Dans les histoires de voyages dans le temps, on applique en général une des deux règles :



  • Soit on peut changer le cours du temps, comme dans Retour vers le futur par exemple.

  • Ou alors c’est en voulant changer les évènements qu’on les provoque, déterminisme qui s’applique à cette série.


Et là, on a un gros problème.


Car dans la série, on a ce qu’on appelle une boucle de causalité. C’est-à-dire, on a un évènement 1 qui déclenche l’évènement 2 qui lui déclenche l’évènement 3 et ce dernier déclenchera l’évènement 1. On a donc une boucle qui se répète ad vitam æternam.


Sauf que cette boucle doit être mise en place à un moment donné, sinon ça ne tient pas la route. On peut alors imaginer un personnage A qui va voyager dans le passé et provoquer l’évènement 1, et qu’une fois que la boucle est lancée, l’un des trois évènements préviendra la naissance de A. Et donc, on se retrouve alors avec une boucle autonome car l’élément déclencheur a mystérieusement disparu.


Mais le fait de déclencher une boucle de causalité est incompatible avec le déterminisme établi de la série. Pourquoi est-ce que personne ne pourrait rien changer alors que l’on a bien réussi à faire autant de dégâts initialement ? On ne peut pas nous imposer une telle boucle immuable sortie de nulle part sans en expliquer la cause, car ça n’a aucun sens et c’est complètement arbitraire.


Se contenter d’un déterminisme systématique relève de la pure paresse scénaristique. Il faut dire que c’est bien commode de pouvoir justifier tous les paradoxes qui s’accumulent en masse : les personnages qui se rencontrent eux-mêmes, on apprend des choses sur son propre avenir, on entre dans le tunnel temporel comme dans un moulin… pourquoi s’en passer ?


Du coup, les révélations deviennent extrêmement répétitives car elles s’inscrivent toutes dans la même logique, avec le rythme lent, on passe de ad vitam æternam à ad nauseam. Faites la même histoire avec quatre ou cinq personnages seulement et les limites du mystère sauteront aux yeux. On peut faire la même critique qu’au film Inception : compliqué ne veut pas dire intelligent…


Le déterminisme est logiquement impossible à tenir dans la durée puisqu’il ne mène à aucun vrai rebondissement et n’aboutira inévitablement qu’à des incohérences. Concrètement :


Dans la saison 2 Claudia tentera de prévenir la mort de son père mais ne fera que la déclencher involontairement en voulant l’éviter car elle connaissait uniquement le lieu et la date.


Ça passe encore, mais quand on dispose de suffisamment d’informations, on n’a plus aucune excuse :


Dans le dernier épisode de la saison 2, le Jonas plus âgé savait très exactement comment Martha allait mourir (en passant, c’est juste absurde de vouloir menacer quelqu’un d’un pistolet en prétendant vouloir lui sauver la vie). Il n’avait qu’à la prévenir en lui donnant les détails à elle ou au Jonas jeune, leur fournir un moyen de se défendre... Et pourquoi vouloir la sauver puisqu’il avait largement bien compris le principe du déterminisme ?


Voilà le péché originel : la résignation. Les auteurs se sont abandonnés à leur logique de déterminisme avec un jusqu’auboutisme austère quasi-religieux. Quand on voit la façon dont apparaissent les portails temporels qui ressemble presque à de la magie. Quand on entend les termes scientifiques qui ne sont qu’un copier/coller bâclé de Wikipedia. Quand on comprend que la logique des évènements relève de la vérité révélée. Quand on est racolé par le mysticisme grossier : la porte du passage temporel gravé en latin, la secte mystérieuse, deux personnages incarnant le bien et le mal, les références bibliques, un prêtre en méchant (comme dans Da Vinci Code)... Cette série s’est clairement trompée de genre, ce n’est pas une boucle de causalité, c’est une malédiction.


L’intrigue est profondément imprégnée de philosophie, le déterminisme illustre la vanité et l’absurdité de l’existence comme nous le fait partager l’horloger dans la série, mais même le message est à jeter.


Outre le fait que ce soit franchement déprimant, il ne faut pas confondre le caractère illusoire du libre arbitre avec le principe de causalité, sinon il y a vraiment de quoi devenir cinglé…

Lepidoptep
4
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le 15 nov. 2020

Critique lue 449 fois

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Lepidoptep

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