Je vais balancer des idées, pas encore totalement construites. Peut être reviendrai je corriger ce texte plus tard.
Light est un humaniste misanthrope. Il ne se retrouve pas dans cette société moderne qui assassine les vertus, la vie intérieure, du paraître, de la sur socialisation (Kaczinsky), falsification des rapports humains qui, dans le christianisme orthodoxe, sont des énergies divines incréées (il y a participation à la nature divine, sanctification, quand nous sommes des êtres humains vrais, aimants, désintéressés). Il couvait en lui cette haine, provenant d'une profonde déception. Aimer l'homme mais voir chaque jour ce qu'il devient, comment il devie de son telos bien qu'il soit libre de le faire, comment il est incapable de reconnaître Jésus dans son semblable, est un véritable défi. Mais le divin maître nous a montré la voie, son seul commandement est celui de l'amour désintéressé. Et il veut que tout le monde soit sauvé (ainsi l'enfer n'est pas éternel dans le christianisme oriental). La est l'échec de Light dans son imitation de Jésus Christ, puisque son amour a été érodé.
Un jour, il tombe sur le death note, un livre qui a la prétention de faire mourir tout ceux dont le nom est écrit dedans. Il décide de provoquer un deuxième Déluge. De prendre le rôle d'un ange vengeur de l'Apocalypse et se renverser la marmite pleine de magma. Pour lui, une homme qui a eu la volonté de faire du mal à son prochain et qui met cette pensée en pratique dans une froide détermination n'est pas un être humain et mérite d'être éclipsé de la surface de la terre. Mais il a conscience que la chair est faible, ainsi celui qui fait preuve de profond repentir et de volonté de lutter contre l'appétit et les démons n'est pas inquiété.
Ryuk, l'ancien possesseur du cahier et "Dieu de la mort" (il n'est assurément pas Dieu par nature puisqu'il n'est vecteur que du pouvoir du cahier et est soumis à des lois, il est sous le règne de l'heteronomie et non l'autonomie car il trouve en plus ces règles absurdes et ne les connait pas tous) explique à Light qu'il n'ira ni au paradis ni en enfer, et qu'il connaîtra des peurs et des angoisses uniques. Mais Light fera preuve d'une maîtrise de ses émotions incroyables, et jamais il n'aura besoin de se confier à quelqu'un. Il a conscience qu'il se sacrifie et le fait aussi simplement que l'action de respirer.
Les états ont toujours échoué dans leur but initial, qui est de faire régner l'ordre et la paix. Comme l'a démontré Jacques Ellul, c'est également la vision qui est transmise dans la Bible, ou systématiquement les puissances sont sources de souffrance pour les Hébreux, ou encore que le pouvoir est corrupteur comme pour David et Salomon. Le pouvoir finit toujours par dévier de son but noble et devient oppresseur, car seule la volonté de subsister, d'être l'intermédiaire dans tout les rapports humains (telle la pieuvre soviétique) finit par rester. Les agents ont autre fois créé la fiction politique du polythéisme pour maintenir l'esprit civique et annihiler tout désir de révolte. C'est toujours les mêmes méthodes aujourd'hui.
Finalement Light est l'image de celui qui ne supporte pas le déroulement inéluctable de la société et tente l'impossibilité pour stopper le processus plutôt que de devenir ermite (l'une des options qui se présentent à nous). Voilà pourquoi seule un artefact surnaturel peut l'aider à le faire. Il a stoppé la guerre dans le monde, et la criminalité est quasi inexistante. Les hommes sont contraints de se comporter vertueusement. L'institution perdant son monopole, sa seule raison de vivre (Light étant en train de prendre sa place) elle n'a d'autre choix que de rentrer en concurrence avec lui et l'éliminer. Car pourquoi cela la dérangerait qu'on tue son prochain ou que les vertus soient fausses (seulement motivées par la peur), ce qui ne l'a jamais dérangé auparavant ? Le meurtre des agents secrets ou celui de Naomi étaient nécessaires. Et je réponds : qu'est ce qui est préférable, des idiots utiles bien que moraux mais qui font perdurer un système immorale et malsain, satanique, ou Light qui poursuit un but noble et est ainsi contraint d'écarter une dizaine d'individu qui veut l'empêcher de sauver l'humanité ?
On pourrait rétorquer également que tuer son prochain est un crime et est interdit par l'un des dix commandements. Mais à partir du moment où nous décidons d'être dans la société et le Monde, nous faisons forcément face à des limitations. Dans, et seulement dans cet optique la, l'action de Light était bonne (sur le plan consequentialiste, ce que je dis ne sera pas accepté par un kantien je pense).
Il est aisé de voir que la confrontation avec Near est truquée scénaristiquement, et que Light devait l'emporter (le manga aurait dû se terminer avec la victoire de Light l'apollinien face au L dionysien). Conclusion tragique qui n'aurait sûrement pas été accepté dans la société japonaise actuelle. Et le comble, la blague glissée peu subtilement, est que c'est le simplet Matsuda, incapable de se poser des questions existentielles, qui est ironiquement contraint d'outrepasser sa morale et vide son revolver sur Light. Clou du spectacle : Ryuk écrit le nom du héros dans son propre death note, peut être encore un clin d'œil du mangaka car un dieu de la mort récupère la vie restante de l'homme qu'il tue (ça n'aurait dont aucun intérêt de faire ça s'il restait disons 1h à vivre agonisant à Light, et que le recent spinoff Minoru nous montre que même des années plus tard il était le dernier nom écrit par Ryuk dans son death note). Le monde semble s'acharner sur son sauveur. Comme une fatalité.
Édit : le manga semble vouloir nous questionner au sujet de la peine de mort ce qui est futile car le spectateur ou liseur moyen n'a de toute manière aucun pouvoir de décision et tandis que nous pataugeons dans la fange à cause d'une poignée d'êtres humains cette fausse défaite de Light, qui devait "payer pour ses crimes" semble être une critique qui nous est directement adressée pour avoir trouvé certains côté bénéfique à son action et cet "anti héro"