Dérapages
6.4
Dérapages

Série Arte (2020)

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La perception qu'on aura de ce Dérapages sera forcément différente suivant qu'on aura lu ou non le Cadres noirs de Pierre Lemaitre dont il est l'adaptation. Sur les adaptations, j'ai une théorie (pas d'une originalité folle, je préviens) : plus un livre est littéraire, plus c'est casse-gueule de tenter de l'adapter. Adapter Proust ou Flaubert requiert ainsi une certaine dose d'inconscience. Et il faut être un génie du cinéma, comme Orson Welles, pour se frotter avec succès à Shakespeare ou à Kafka. Les romans de Pierre Lemaitre ne sont pas très littéraires, leur saveur repose surtout sur sa capacité à nouer des intrigues pleines de rebondissements. Cadres noirs est pour moi sa meilleure production, j'avais pris un immense plaisir à en découvrir les multiples rebondissements. J'étais donc curieux de découvrir l'adaptation, moi qui ne regarde jamais de séries - non par mépris pour le genre, mais parce que je trouve l'activité trop chronophage.


Bref. Cette critique va forcément comparer le film et le livre.


Je dirais qu'on est au milieu du gué. Examinons d'abord quelques personnages.


Cantona s'avère vraiment convaincant dans le rôle principal. Le long speech aux otages requiert d'authentiques qualités de comédien (j'ai expérimenté : ce qui est dur au cinéma, ce n'est pas quand il y a une réplique courte, c'est quand il y a plus d'une phrase à dire !).


Suzanne Clément aussi, bien que, c'est marrant, j'imaginais Nicole dans le roman beaucoup moins jolie. Mais on est au cinéma, il faut que ce soit un peu glamour quand même.


Fontana en Noir, ça non plus je ne l'imaginais pas, et pourquoi pas ? Dans le roman, il fait vraiment peur, là il est limite ridicule, tout le temps floué par Delambre. L'effet dramatique s'en trouve atténué, un peu dommage.


Dorfmann me semblait beaucoup plus âgé, ce n'était pas un jeune loup aux dents longues. Mais Alex Lutz propose une composition qui ne tombe pas trop dans la caricature, c'est plutôt bien.


La vraie bonne surprise de la série, plus encore que Cantona, c'est Gustave Kervern. Non seulement le cinéaste a un talent comique naturel (sa voix pâteuse, sa neutralité, font mouche), mais il est assez émouvant dans les scènes où Delambre lui demande d'espionner sa femme.


La série en elle-même à présent. Si les ressorts de l'intrigue sont assez bien rendus, le film de Ziad Doueiri tombe à mon sens dans deux travers :
- L'excès de sentimentalisme. "Je pouvais supporter la prison ; pas de perdre Nicole"... c'est beau l'amouououour ! Ou bien encore sa fille qui pleure à la fin de sa plaidoirie. Charles qui se sacrifie pour son copain dans l'ultime collision (fin qui diffère d'ailleurs de celle du livre : Charles se sacrifiait aussi, mais d'une autre façon, un peu plus crédible peut-être). Autant de scènes tire-larmes qui ne grandissent pas, à mes yeux, le film.
- Des longueurs. La série réussit moins bien que le livre à maintenir une tension. Le discours de Delambre évoqué ci-dessus, même bien joué donc, est interminable. Les auteurs ont-ils voulu que les 25 mn nécessaires au piratage de l'informatique soient reproduites en temps réel ? Je n'ai pas vérifié, mais cela ne changerait rien à mon ressenti. Autre exemple, le procès, ici tiré en longueur, alors que le livre développait davantage la course contre la montre vers Beauvais, ici bâclée.


M'a manqué aussi la scène du "sourire" : dans le livre, c'est un bref sourire que perçoit Fontana sur le visage de Delambre, emmené par les flics, qui lui fait comprendre qu'il s'est fait avoir. J'avais trouvé ça très fort, mais le film n'a pas repris l'idée.


Formellement, ce n'est pas très inspiré, mais c'est correctement réalisé. Quelques fausses notes, des plans laids, comme ceux faits de la moto de Delambre, qu'on dirait fait par une gopro (c'est peut-être le cas ?).


Si l'ensemble tient la route et se regarde avec plaisir, il y a donc des limites, qui tiennent essentiellement à la volonté de faire pleurer dans les chaumières - même sur Arte donc -, registre dans lequel ne verse pas trop Pierre Lemaitre dans ses romans. Des limites pour moi, qui suis rétif au procédé. Un atout pour d'autres ?

Jduvi
6
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le 21 avr. 2020

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7 j'aime

Jduvi

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