Toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existé, n’est pas fortuite, et sert de terreau fertile à cet impressionnant thriller social mené par le duo Eric Cantona et Alex Lutz. D’un côté, Alain Delambre (Cantona), ancien cadre sénior brisé par 6 ans de chômage, et de l’autre, Alexandre Dorfmann (Lutz), jeune capitaine d’industrie sur la sellette, à la tête de la société Exxya, fleuron de l'aéronautique et de l’armement français. Les deux hommes n’auraient jamais dû se rencontrer, mais, un entretien d’embauche, la précarité sociale, l’abandon, la colère et le néolibéralisme menant à un licenciement de masse, en décideront autrement. Ziad Doueiri (“Baron noir”), entraîne le spectateur durant 6 épisodes de 50 minutes, dans un engrenage infernal, à travers l’itinéraire chaotique d’Alain Delambre. Ce quinqua à la dérive ayant perdu toute illusion et joie de vivre, ne se considère même plus comme un être humain. Seul l’amour de sa femme Nicole (Suzanne Clément) et de ses filles, l’empêche de sombrer, mais Alain va bientôt commettre l’irréparable. Librement inspiré par le livre de Pierre Lemaitre “Cadres Noirs”, on aurait pu imaginer au casting de “Dérapages”, Albert Dupontel - ayant déjà adapté Lemaitre avec “Au revoir là-haut - dans le rôle d’Alain Delambre. Il n’en sera rien, car Delambre sera Eric Cantona, ou plutôt, Eric Cantona sera Delambre, un choix plus que judicieux, au vu de l’incroyable performance du comédien. La mini-série fait d’ailleurs la part belle au casting, que ce soient les rôles principaux ou les seconds rôles, aucune fausse note. En Schizophrène malgré lui, abandonné comme tant d’autres - voir le rôle de Charles Bresson, joué par Gustave Kervern - par un monde du travail impitoyable, qui broie et rejette l’individu au dépend du profit - Alain Delambre ne peut plus contenir sa rancoeur, cette violence sous-jacente qu’il ne peut maîtriser, va finir par refaire surface. Sous fond de lutte des classes et de drame social sans concession, cette fiction d’Arte, ancrée dans une sordide réalité, nous pose la question essentielle : “la fin justifie-t-elle les moyens” ?