La ligne rouge

Thèmes : Armée / Service militaire obligatoire / Corée du Sud / Harcèlement*

Appelé à l'armée pour son service militaire obligatoire comme tous les Coréens de son âge, An Jun-ho est un jeune soldat ordinaire, calme et aussi discret que possible, mais tenace. Le sergent Park Beom-gu, ayant remarqué ses capacités d'observations, va le transférer au D.P., diminutif de Deserter Pursuit, dont la tâche est de retrouver et d'attraper les soldats déserteurs. C'est ainsi que Jun-ho va faire équipe avec l'excentrique caporal Han Ho-yeol pour remplir cette mission.

Note Nautiljon : L'auteur original, Kim Bo-tong, s'est inspiré de sa propre expérience pendant son service militaire à la section d'arrestation des déserteurs pour écrire cette histoire.

Je vais avoir du mal à écrire une critique plus intéressante que celle de Julhee, à laquelle je renvoie un éventuel lecteur de cette page.

D.P. est une série très intéressante sur l'univers militaire. Jamais vu je pense dans l'univers des kdramas. Nous suivons un jeune appelé au service militaire obligatoire en Corée du Sud (durée moyenne : 18 mois). Il faut savoir que le pays étant officiellement toujours en guerre contre la Corée du Nord, tous les jeunes hommes sont appelés à remplir leur devoir. Et il est très mal vu d'y échapper.

Ici, notre personnage principal, campé par Jung Hae-in, est d'entrée de jeu confronté à la violence et à l'humiliation, qu'il en soit lui même la victime ou bien qu'il soit témoin de comportements déviants. En étant incorporé au D.P., il va être encore davantage amené à découvrir des récits difficiles, chacun incarnant l'absurdité et l'effrayante réalité de cet univers dégénéré. Un compte à rebours vient aussi au cours de la série nous rappeler le nombre de jours restant au jeune homme avant de quitter l'armée. On pourrait se dire que les scénaristes vont faire s'écouler les deux années sur la totalité des 6 épisodes de la série. Pas du tout. Le temps passe lentement, très lentement pour Jun-ho. Le nombre de jours à offrir à l'armée n'est pas prêt d'approcher le zéro. Entre la dureté des scènes auxquelles nous sommes confrontés et ce compteur qui semble faire du sur-place, on souffre avec le jeune homme.

Jung Hae-jin est très bien, comme souvent. Il incarne celui à travers qui nous découvrons ce monde à part. Il est le témoin. J'imagine que le scénariste a mis beaucoup de lui dans Jun-ho, comme il a du mettre aussi de sa personne dans les personnages des différents déserteurs que l'on croise au fil des épisodes...

C'est une série vraiment effrayante où les cas mis en avant sont terribles (le dernier est terrifiant). On le ressent d'autant plus quand on a l'habitude de regarder des kdramas, où l'on parle de cette violence quasi institutionnalisée qui perdure dans les différentes sphères de la société coréenne : l'école, le travail, la maison, l'armée... En gros, tu peux potentiellement subir des humiliations et des agressions à chaque stade de ta vie dans les milieux -censés être sécurisés- que ne peux pas éviter... Et reproduire ces humiliations et ces agressions (D.P. évoque le cas d'un harcelé devenu harceleur d'ailleurs). Au delà de D.P. , on prend vraiment conscience, en regardant des kdramas, de la cruauté présente dans la société sud-coréenne. A travers des histoires souvent qualifiées de mièvres, les séries évoquent vraiment une société dure et violente, humiliante. On peut citer Misaeng (pour le monde du travail), Mother (pour ce qui est de la sphère familiale, mais pas que : on a beaucoup de personnages confrontés à l'abandon et/ou à la violence d'un parent dans les séries). Côté scolaire, on a plutôt l'embarras du choix, qu'il s'agisse de séries évoquant le harcèlement dans un arc narratif secondaire (My name, Itaewon class, Taxi Driver...) ou principal (la toute récente The Glory).

A l'instar d'un Juvenile Justice (qui parle de la délinquance) ou d'un Extracurricular (la prostitution des ados), D.P. est d'autant plus flippant qu'il aborde son sujet de manière frontale. Une série comme All of us are dead par exemple, parle magistralement de la violence de la société également, mais sous couvert de série de zombie. Bref, j'imagine que la série a fait son petit effet au pays du matin calme et qu'elle contribuera à une réflexion sur cette institution archaïque aux méthodes rétrogrades...

En résumé, une excellente série, coup de poing, à ne pas mettre devant tous les yeux. Des épisodes courts et nerveux et une réalisation très efficace. D'excellents comédiens avec des seconds rôles sont impeccablement campés : notamment Kim Sung-kyun (toujours parfait) et Koo Kyo-hwan, qui apporte une touche de légèreté en incarnant le caporal qui bosse avec Jun-ho et qui déborde -heureusement- un peu des cases.

*Voir page d'accueil de ma liste pour plus d'explications : https://www.senscritique.com/liste/Kdramas_vus/2850094