Deserter Pursuit par Romain Glbt

Le postulat de Deserter Pursuit était vraiment intéressant. Le service militaire coréen par lequel passe pourtant chaque homme pendant 18 mois de sa vie n'a jamais été un sujet (à ma connaissance) sur lequel des créateurs se seraient penchés pour les côtés négatifs (Descendants of the Sun aborde les positifs sur l'armée). Une frilosité à aborder librement ce thème en Corée, où l'audace n'est pas toujours bien accueillie par les chaines et le grand public ? En tout cas, on salue l'effort de Netflix de mettre les pieds dedans bien que le drama reste inspiré d'un webtoon. Le service de VOD offre certainement un contenu en dramas un peu plus différent, plus mature, qui n'est pas déplaisant (même si tous ne m'intéressent pas).

Le pari semble au moins tenu lorsqu'on démarre Deserter Pursuit avec un très bon générique et une mise en contexte très réaliste. Des jeunes intègrent leur service militaire obligatoire : séparation avec la famille, premières pressions et souffrances... Des extraits de Constitution, de l'ex-Présidente Park Geun-hye, etc.

Le drama ne nous épargne pas de la culture violente omniprésente lors du service militaire coréen (intimidation, harcèlement, etc). Néanmoins il vire aussi en une série d'action semble t-il moins authentique mais suffisamment noire et très rythmée avec notre duo de soldats préposés à la chasse aux déserteurs et donc le plus majoritairement du temps à l'extérieur. Jung Hae-In a le rôle le mieux écrit tandis que son compère a un ton moins crédible mais pas trop agaçant. A noter aussi la présence de deux acteurs parmi leurs supérieurs que j'ai eu un plaisir à retrouver : Kim Sung-Kyun (Reply 1888) et Son Seok-Koo (Be Melodramatic).

Je ne dirais pas que Deserter Pursuit questionne aussi profondément que je l'espérais au départ le service militaire. On nous met davantage devant des faits qu'on en aborde le fond. Mais on reste sur un drama suffisamment pertinent et sombre pour faire mon bonheur, surtout condensé en 6 épisodes de 45 minutes. On a pour une fois pas l'occasion de se lasser. D'ailleurs, le Korea Times utilise quand même les termes d'une représentation réaliste sans précédent de l'armée et des propos/exemples ressortent cette même violence aperçue dans DP. Des dirigeants se sont même exprimés à la sortie du drama, preuve que son existence n'est pas vaine même si un travail a déjà été entrepris depuis longtemps. Selon des données récentes du ministère de la Défense, 42 soldats sont morts par suicide en 2020, en forte baisse par rapport aux 97 recensés en 2011. Le nombre d'AWOL (= déserteurs) est tombé à 122 en 2018, contre 643 en 2013. Le droit d'utiliser le téléphone portable depuis l'an dernier est expliqué comme une raison de l'amélioration de l'atmosphère.

Sur une actualité aussi récente que le drama, j'ai appris que les soldats de base (dont j'ignorais l'existence de cette tâche) ne seraient plus assignés à la recherche de déserteurs à partir de 2022 (source). C'est justifié par une diminution des cas de désertion, comme chiffré ci-dessus. En lisant cet article on voit également une légère résonance entre la réalité et les situations du drama : à qui impute la responsabilité de rechercher les déserteurs ?