It's going to happen. Again, and again, and again. It has to happen.
Vous vous souvenez de ces quelques phrases ? Ces mots soufflés dans la nuit, qui nous faisaient vibrer, qui nous excitaient ? Mêlés aux musiques mystiques et inquiétantes de Daniel Licht, ces mots devenaient plus forts, plus sombres, et naissait alors une ambiance unique, froide, mortuaire. L'ambiance de Dexter. Tonight is the night. C'est sur ces mots qu'a commencé notre histoire d'amour pour le serial killer le plus marquant de la télévision ces dernières années.
Et cette ambiance froide se liait à un personnage tout aussi froid, celui de Dexter Morgan. Sa silhouette surgissant des ténèbres, il était là, il guettait, attendait sa proie. Car ce qui a tout de suite attiré les spectateurs c'est la folie de ce personnage, de cet anti-héros, de ce tueur sans pitié.
Oh, on ne le niera pas, on a apprécié le voir tuer, et s'imaginer tuer avec lui. Ah, la magie de la catharsis, reflétant en nous ce qu'il y a de plus noir ne demandant qu'à être assouvi... The Dark Passenger est un peu en nous tous, finalement.
Oui on a aimé tuer avec lui et ce n'est pas sans raison : ses épisodes étaient bien foutus, bien racontés, la mise en scène était excellente et certains plans mettaient mal à l'aise, les musique nous envoûtaient, ses différents meurtres et autre chasses aux tueurs étaient fascinants. Et si on a autant apprécié tout cela, c'est aussi grâce au talent de Michael C Hall, un acteur brillant qui a su avec majesté passer du gay qui ne s'assume pas dans Six Feet Under au mâle dominant tueur sociopathe dans Dexter.
Ce cher Dexter (ou ce Darkly Dreaming Dexter), on l'a vu évoluer, faire sa place dans le nid social qu'il se créait pour se fondre dans la masse. On l'a vu découvrir l'humanité normale, apprendre à l'imiter,balbutier et échouer, et c'était fantastique. Tel un nouveau né, notre serial-killer apprenait à faire ses premiers pas dans la vie de couple, puis dans la vie de famille de monsieur tout le monde. Au fond, je crois que c'est ce que j'ai préféré chez Dexter. Ce regard extérieur, ce recul sur notre vie vue par un psychotique ne pouvant la comprendre mais pouvant en saisir le fonctionnement, ce décalage. Ca rendait le personnage fascinant, complexe... et toujours aussi froid et sombre, mais d'autant plus attachant.
Et quand petit à petit, on l'a vu prendre ses marques, coller à sa petite vie, ça avait un côté charmant. Tout ça c'était pour de faux, mais au fond on savait que ce n'était pas si faux que ça, qu'une part de lui s'attachait, irrémédiablement... à sa soeur, à sa femme, à ses enfants, à ses quelques amis.
Et pendant ce temps, Dexter se battait contre des psychopathes encore plus dangereux que lui, dans des affrontements à la fois bien ficelés et intenses. Dans ces affrontements, le plus grand ennemi de Dexter restait lui-même, car il était toujours à la recherche de sa véritable nature, tel un adolescent se posant des questions existentielles. Au départ, il cherchait ses origines au sein de son affrontement contre le Ice Truck Killer, puis il cherchait à découvrir le véritable sens de l'amitié auprès de Miguel, puis il a voulu savoir comment fonder une famille normale en se battant contre Trinity.
Entre temps, il a aussi du se battre contre ses amis les plus proches dans une saison où il était l'homme le plus recherché de la région. Saison qui reste la plus intimiste, la plus intense, la plus glauque de la série. Une saison dérangeante également, car elle nous amène à regarder Dexter d'un oeil extérieur, celui de Doakes notamment, et à comprendre que ce n'est pas forcément que le gentil serial-killer qu'on aime, mais que ça reste un monstre. La meilleure en somme.
Ce petit manège a duré quatre saisons, on était complice de notre Dexter adoré, on était passionné. Et soudain le drame, Clyde Phillips, le showrunner de la série, quitte le navire avec la plupart de son équipe, et laisse notre série quasiment orpheline.
A partir de ce moment, c'est le retour à la case départ. Dexter tâtonne à nouveau, mais non pas pour s'intégrer dans sa vie sociale, mais pour réussir à reprendre ses marques en temps que série. On tente des idées, par-ci, par-là, on essaie de renouveler sans trop y arriver. On a l'impression que les producteurs investissent plus dans les scènes de sexe ou de filles dénudées que dans une écriture sérieuse de l'aventure. Et finalement visiblement on change d'avis quatre fois par saison tellement il y a d'idées tuées dans l'oeuf.
Le potentiel gâché est le plus grand fléau du Dexter post-Saison 4. Dans la saison 5, on met en place un duo de frères gangsters, qui sera abandonné du jour au lendemain sans savoir pourquoi et sans que ça n'ai servi à quoi que ce soit. Dans cette même saison, Quinn découvre un truc de fou, et il l'oublie dans les saisons qui suivent. On rajoute des sous-intrigues passionnantes, avec Luis dans la saison 6, Zack dans la 8, et on fait tout disparaître car bon finalement ça ne nous allait pas. De plus, les morts de personnages principaux, pourtant de grands moments dramatiques sur l'instant, sont éclipsées ou oubliées très rapidement pour éviter de ce coltiner les inconvénients narratifs, et cela quasiment à chaque fois !
(SPOIL Saison 4 : Dexter doit gérer 3 enfants à lui tout seul ? Trop compliqué, on en met deux chez une grand mère, et on file Harrisson à une super nounou qui sert de bonne excuse pour s'en débarrasser).
Sans parler du fait que les personnages secondaires se retrouvent soudain en roue libre totale, les scénaristes ne sachant plus du tout quoi en faire. Si les histoires de Baptista, Quinn, Laguerta, Masuka étaient simples dans les premières saisons, elles apportaient leur petit quelque chose au background général de la série. Mais plus les saisons avançaient, plus on sentait que ces intrigues étaient rajoutées pour combler un vide scénaristique. Baptista et Laguerta se marient dans une saison, divorcent dans la suivante, Quinn et Debra changent de petit copain/copine toutes les saisons sans que ça n'apporte quoi que ce soit ; on monte en grade, on rétrograde, mais finalement ça n'apporte rien et on a l'impression parfois d'être dans les feux de l'amour de la police.
Pire encore, avec toutes ces digressions, on se focalise moins sur le véritable personnage qui nous intéresse : Dexter.
Attention, je ne dis pas qu'il ne fallait pas s'intéresser aux personnages secondaires, je les aime, ils ont leur place, mais il fallait leur donner des rôles qui influent sur la direction de la série. Or tout ceci tourne en roue libre et n'apporte pas grand chose.
Alors que dans les premières saisons notre personnage d'amour, Dexter, était fort de sa froideur, de sa violence, de sa folie, de son dark passenger, il l'est beaucoup moins dans les dernières. Dans celles-ci, il n'est globalement que réduit à un rôle de héros lambda devant s'occuper des menaces qui l'entourent, résoudre les problèmes auxquels il est confronté. Il chassera de plus en plus rarement, il deviendra plus un héros sombre qui tue pour s'en sortir qu'un serial-killer qui tue pour son simple plaisir.
C'est peut-être une évolution logique, mais c'est quelque chose qui ne m'a pas vraiment plu.
Le développement de sa personnalité, pourtant le point fort de la série à mes yeux, tournera lui aussi en rond. Au bout d'un moment, il semble que la seule question que peut se poser Dexter sur sa nature est celle de l'Amour, et on nous fera trois saisons sur le sujet. Et trois saisons pour une série qui parle d'un tueur sans émotion, c'est beaucoup.
Il y a pourtant cette saison 6, pourtant mal aimée que moi j'aime beaucoup, où Dexter se posera de vraies questions. Des questions sur la religion, sur le vieillissement des tueurs, sur sa véritable nature encore une fois (suis-je bon ou mauvais ?). Le tout dans une saison classique, imparfaite certes mais très efficace, injustement décriée.
Mais si Dexter, la série, perd en force, tout n'est pas à jeter. Les épisodes sont toujours agréables à suivre, et même s'il y a beaucoup d'idées nulles il y en a aussi des bonnes (même si certaines sont tuées dans l'oeuf). Le personnage de la soeur de Dexter, Debra Morgan, brillera beaucoup plus dans les dernières saisons que dans les premières, y tenant un rôle principal. C'est quelque chose que j'ai apprécié, d'autant que l'actrice, Jennifer Carpenter, est phénoménale elle aussi.
Tout n'était pas parfait du temps de Clyde Phillips également. La série avait son lot de petites tares, notamment dans ses facilités, ses deus ex machina, ses ellipses arrangeant bien le personnage, ses quelques idées sous-exploitées et un ou deux twists étranges. Mais le tout restait cohérent et suivait une direction logique, sans perdre son spectateur, avide d'un divertissement malin et efficace.
Finalement, si Clyde est parti en fin de saison 4, c'est aussi car il sentait qu'il avait tiré toutes ses cartouches.
Je serai moins négatif que la plupart des avis sur ce site concernant la fin de la série. Et par "fin" j'entends les trois dernières saisons. Oui, la toute dernière est incroyablement décevante, c'est contraire à toutes nos attentes, en terme d'intensité c'est complètement raté et ça souffre énormément de la comparaison avec le final de Breaking Bad qui sort en même temps, et c'est la saison que j'ai le moins aimé. Mais non, tout n'est pas à jeter, car malgré tout ça se suit toujours sympathiquement grâce aux quelques bonnes idées. Le final en lui-même, bon ou mauvais peu importe, a réussi un truc étonnant : nous prendre de revers en faisant le seul truc qu'on n'avait pas imaginé à l'avance. Mais on a du mal à croire que cette fin soit la véritable conclusion sur le long terme du personnage. Mais avouons tout de même que l'idée utilisée en épilogue est particulièrement mauvaise, ou en tout cas très mal traitée par rapport au potentiel que l'on pourrait (éventuellement) lui trouver.
Il y a du bon dans le Dexter post-Saison 4, mais beaucoup de choses moyennes également, et d'autres mauvaises, Globalement, le plus dur reste de comparer la première moitié de la série à la seconde, puisqu'on est passé d'une série géniale à une série juste "sympa". Les fans des personnages apprécieront toujours, mais c'est à regarder en baissant ses attentes, en débranchant son cerveau. De nouvelles situations amorcée en fin de saison 6 et également grâce à de nouveaux personnages intéressants aideront à maintenir notre accroche, mais le tout n'aura jamais la saveur d’antan.
Tonight is the night. Dexter, tu es à présent terminé. Oui, je regrette ton potentiel gâché, mais je t'ai quand même bien aimé, et c'est pour cela que je m'en tiens à cette note. Tu m'as bien fait vibrer au début, puis tu m'as rendu indifférent. C'est triste mais c'est la vie, des fois ça ne colle pas. Tu méritais bien mieux, c'est certain. Mais on se remémorera tous nos premières années à tes côtés, assurément les meilleures.