Saison 1 :
A l'origine de "Dix pour Cent" et de son succès, il y a l'excellente idée de la part "d'agents" comme le fameux Dominique Besnehard, (immortalisé par Pialat dans "A nos Amours", quand même...) de retranscrire en série certaines de leurs mésaventures professionnelles - forcément transformées par la fiction puisqu'on suppose que la réalité serait souvent embarrassante, voire compromettante pour nombre de stars du cinéma français...
Dans une jolie tradition que l'on peut faire remonter - si l'on est généreux - à certaines screwball comedies de Hawks, "Dix pour Cent" travaille donc l'imbroglio sentimentalo-comique entre vie professionnelle et vie amoureuse de quatre agents (et de leurs assistant(e)s) qui ont bien du mal à séparer leurs ambitions au sein d'une société qui prend l'eau et leurs désirs, le tout sur un rythme souvent bien enlevé qui ravira les aficionafos - comme moi - d'un certain classicisme hollywoodien.
On retrouve d'ailleurs parfois le nom de Cédric Klapisch au générique, et on a le droit de penser qu'il s'agit là de l'un de ses tous meilleurs travaux, son style enlevé se mettant parfaitement au service de scénarios bien trouvés, et d'interprètes parfois même en état de grâce : Camille Cottin, assez loin de son terrain de jeu habituel, trouve en particulier l'occasion de démontrer un talent inhabituel, au point de justifier à elle seule le visionnage des 6 épisodes de cette première saison.
Mais le coup de génie de la série, et ce qui lui a valu sa popularité, c'est d'inviter dans chaque épisode un ou deux acteurs notables, voire célèbres, à jouer leur propre personnage, ou du moins une version un peu décalée mais crédible de celui-ci : j'imagine que c'est notre côté "midinette fan de "Voici" ou de "Closer" qui entre en jeu, mais c'est assez délicieux d'être témoin de la jalousie professionnelle entre Line Renaud et Françoise Fabian, des conflits mère-fille de Nathalie Baye et Laura Smet, ou encore d'une relation torride entre Julie Gayet et Joey Starr...
Au fur et à mesure que la série avance, on note d'ailleurs plus d'audace de la part des scénaristes et plus de prise de risque de la part des comédiens, ce qui laisse bien présager de la suite...
[Critique écrite en 2018]
Saison 2 :
La seconde saison de "Dix pour Cent" poursuit dans l'exacte continuité de la première, avec un imbroglio classique d'intrigues sentimentalo-professionnelles chez nos agents préfèrés, et l'ajout plus pu moins efficace d'une "star" française qui apporte la caution (et l'aspect faussement "méta") de son nom et de sa (supposée) vraie personnalité. Si du côté des agents, Camille Cottin, impériale, reste la meilleure raison de regarder la série, on notera que ce sont - sans grande surprise d'ailleurs - Fabrice Luchini et Juliette Binoche qui enchantent le plus leurs épisodes respectifs : l'un apporte cette curiosité intellectuelle qi'on lui connaît et qui réactive notre intérêt pour le métier d'agent, tandis que la seconde, dans un épisode "engagé" dénonçant - de manière un peu trop soft peut-être - les nécessaires (?) compromissions avec le monde de l'argent, tout en annonçant l'arrivée d'une vraie parité dans le métier, se montre superbement pétillante et combative. Ça nous ira encore bien pour cette fois... même si la formule mériterait un petit renouvellement.
[Critique écrite en 2019]
Saison 4 :
Produite par Netflix, la quatrième saison de "Dix pour Cent" souffre un peu du syndrome de la redite de trop, chacun des fils narratifs ayant déjà largement dépassé sa date de péremption, et ne pouvant guère déboucher sur grand-chose de nouveau : on déplorera même que Mathias, qui semblait pourtant superbement irrécupérable, décide finalement de se racheter une conduite à la suite d’une crise cardiaque, ce qui caresse un peu trop le spectateur dans le sens du poil et trahit une naïveté consensuelle désolante !
Cette saison, tout au moins jusqu’à son dernier épisode sur lequel on reviendra, tient donc avant tout sur le charisme de certaines des « guest stars » : Sigourney Weaver emporte tous les suffrages dans le cinquième épisode où elle se « vend » non sans auto-dérision comme une septuagénaire croqueuse de minets ; Sandrine Kimberlain ne craint pas le ridicule en se représentant comme mauvaise comique de stand up ou faisant de la capoeira dans les rues de Paris ; José Garcia se montre sous un jour inhabituel en amoureux passionné et pusillanime… Bref, une fois de plus, beaucoup de très bonnes scènes, drôles ou émouvantes pour maintenir notre intérêt, jusqu’à ce fameux épisode final qui semble diviser les téléspectateurs – peut-être à cause d’une prestation qu’on oubliera vite de Jean Reno…
Pourtant, il y a quelque chose de courageux dans la manière dont "Dix pour Cent" fait le choix final de l’échec, du désastre même : à la fin de cette saison, ce sont, comme dans la vie, les « méchants » qui gagnent (Anne Marivin, vénéneuse, est d’ailleurs superbe…), et il ne reste aux vaincus plus qu’à disparaître, à s’imaginer d’autres vies ou à accepter les mauvais compromis qu’on leur offre. Cette tristesse grisâtre, que diffuse la conclusion de la saison, ce sentiment que, même si l’on a perdu sur quasi tous les tableaux – sentimental, professionnel, familial – la vie continuera, avec ou sans nous, fait le prix d’une série qu’il est facile de négliger sous prétexte de sa popularité, mais qui a fini par nous dire quelque chose sur notre monde. Et sur nous-mêmes.
PS : on écrit ça, satisfaits d’une conclusion intelligente à cette série, et puis on apprend qu’une cinquième saison pourrait bien exister. Déception…
[Critique écrite en 2021]
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