Malgré le médiocre début de cette série, le niveau est vite relevé et la saison est globalement bonne, avec de bons acteurs et de meilleurs effets spéciaux que la série de 2005.
Cependant le format est trop court : 8 épisodes ne sont pas suffisants pour développer suffisamment le Docteur, qui manque d’une part sombre que possédait ses prédécesseurs et qui participait du tragique de la série. Détaillons donc point par point avant de conclure.
Personnages secondaires
Doctor Who est une série qui avait pris l'habitude, pour chaque épisode, de s'attarder sur un personnage secondaire, qui allait susciter l'empathie du spectateur et l'aider à s'impliquer dans les enjeux de l'histoire. Les personnages secondaires étaient déjà une faiblesse des dernières saisons, mais force est de constater qu'ils sont totalement absents (ou inintéressant) dans les deux premiers épisodes. Aucun lien ne se tisse entre le spectateur et les bébés ou la Nanny de Space Babies. Aucun lien ne se tisse entre le spectateur et les Beatles. A ce niveau-là, le troisième épisode est bien plus réussi, et donne une véritable chair aux personnages secondaires, que l'on a l'impression de connaître en quittant l'épisode. Concernant le quatrième épisode, difficile de juger au vu de sa structure narrative et du fait que le personnage secondaire n'est pas si secondaire que ça, de même pour le cinquième dont un personnage secondaire de la série tient le premier rôle de l'épisode. Le sixième épisode quant à lui renoue avec la qualité d'un épisode de qualité moyenne de la série de 2005 en termes de personnage secondaire, avec des personnages intéressants, mais qui ne vont probablement pas marquer sur le long terme malgré le potentielle de Rogue.
Antagonistes
Les antagonistes des deux premiers épisodes sont également assez pauvres. Le croque-morve me fait penser à des créatures qu'on a déjà pu voir, comme les monstres de poussières de rêve de l'épisode Dans les bras de Morphée (Sleep no more), en moins bien traité et en moins intéressant. Le Maestro est intéressant et avait un fort potentiel, mais n'arrive pas à la cheville du Toymaker, du Maitre, ou des autres antagonistes humanoïdes de la série (même si son look c'est du 10/10, que l'actrice est bonne et qu'il y a de l'idée, c'est l'exécution qui pèche). L'épisode 3, de par son absence de méchant dans le sens usuel du terme, se démarque et est bien plus intéressant. Et l'épisode 4 est également très intéressant à ce niveau-là. L'épisode 5 retombe dans une pauvreté des antagonistes, avec des créatures peu marquantes, sans identité et peu défini. L'épisode 6 caractérise un peu plus les antagonistes, mais ils sont un peu « méchants parce qu'ils sont méchants », ce qui est dommage. L’antagoniste des deux derniers épisodes est quant à lui très intéressant, mais sort malheureusement un peu de nulle part et aurait pu être davantage développé, surtout avec deux épisodes.
Le ton
Un autre problème que j'ai avec cette saison, c'est le ton. C'est beaucoup trop léger, désinvolte. Doctor Who est une série qui a su présenter de véritables moments de tragédies et d'intensité brutale. Il n'en est rien ici. Cela viendra peut-être dans les saisons suivantes, espérons-le, car c'est ces moments-là qui donnaient à la série de 2005 toute son intensité et son ampleur, et qui donnaient une aura aussi intense au Docteur. A noter que l'épisode 3, bien qu'un peu plus sombre, garde un côté légèrement trop désinvolte à mon goût, la mort de divers personnages manque de tragique par exemple, et bien que cela ait un sens (la foi donne une autre connotation et enlève le tragique de la mort), je trouve ça un peu dommage. La série parvient enfin à avoir du tragique avec l'épisode 4, mais à la fin de l'épisode, ce tragique est fini, sans marquer les protagonistes, une occasion manquée donc. L’épisode 6 présente plus de tragique, mais encore une fois sans marquer durablement les protagonistes, tout comme l’épisode 8.
Le Docteur
Chaque Docteur à sa psychologie et des leçons à tirer de la vie : Christopher Eccleston doit faire face à sa culpabilité et apprendre à pardonner et voir le positif des choses ; David Tennant était caractérisé par la peur de la perte des êtres qui lui sont cher et de la solitude etc. Qu'en est-il de Ncuti Gatwa ? Il déborde d'optimiste et semble dénué de toute part d'ombre. Lorsque le Docteur mentionne que son âme a été séparé en deux dans l'épisode 2 et qu'il ne survivrait pas si ça arrivait à nouveau, je me suis dit que ça serait peut être développé, peut-être qu'il en souffrirait ou que sais-je. Ça n'est au final pas le cas. Je me questionne donc sur les thématiques et l'évolution psychologique que pourrait avoir le personnage. Peut-être aura-t-il un chemin psychologique tragique ? Passer d'un optimiste souriant dénué de tout problème à un être traumatisé par quelconques évènements ? Ça pourrait être intéressant, mais malheureusement je n'y crois pas trop, mais bon, on verra, l'épisode 6 m'a fait un peu espérer un tel cheminement avec la fausse mort de Ruby et la vraie mort de Rogue. J'espère juste qu’ils feront vraiment quelque chose et qu'ils ne vont pas nous donner un Docteur juste heureux et dénué de tourments autres que passagers. D’ailleurs l’on peut noter que le Docteur déclare dans l’épisode 8 avoir changé au contact de Ruby, je n’ai cependant pour ma part constaté aucun changement, le docteur du premier épisodes me semble être le même que celui du dernier, une absence d'évolution assez dommage, même si il reste encore probablement deux saisons à ce docteur pour évoluer.
Conclusion
Une bonne saison, meilleure que les dernières de la série de 2005 mais pas au niveau du prime de cette dernière. Des acteurs livrant d’excellentes prestations, une mise en scène banale, mais qui fait le taf et possède même quelques moments de bravoure. Des personnages secondaires cependant trop peu développés, et un manque de tragique. Espérons que les prochaines saisons améliorent ces défauts, et ne retombent pas dans ceux du médiocre Space Babies. La fin de cette saison laisse présager du bon, car nous sommes en droit de supposer que du tragique nous attends et attends le Docteur, pour mon plus grand bonheur. L’on peut également noter que les moins bons épisodes ont été les premiers de la saison, et que le niveau a remonté par la suite, dans une tendance qui, je l’espère, se maintiendra dans les prochaines saisons.
Détails épisodes par épisodes
Episode 1 : Space Babies
Un épisode qui ne fonctionne absolument pas. Si l'idée peut être sympa sur le papier, l'exécution ne suit pas. En effet, dans beaucoup de scènes, l'un des bébés dit quelque chose sur un ton joyeux tout en ayant une expression faciale contradictoire, ce qui casse toute l'illusion. Ensuite, le dénouement de l'épisode laisse fortement à désirer. De plus, l'épisode nous remontre à plusieurs reprises des scènes que l'on a déjà vu à peine 20 minutes plus tôt pour être sûr qu'on n'a pas oublié, c'est vraiment prendre le spectateur pour un con.
Episode 2 : The Devil's Chord
Un épisode bien plus intéressant, avec de l'audace visuel, par les notes mais aussi la scène de comédie musicale. Nettement supérieur au premier épisode, celui-ci est pourtant loin d'être parfait. Le Maestro aurait pu avoir un immense potentiel et est extrêmement bien incarné, mais force est de constater qu'iel n'arrive pas à obtenir l'intensité et l'aura qu'avait son père, le Toymaker. De même, si la scène de comédie musicale était aussi surprenante que bienvenue, le côté méta avec le clin d'œil au spectateur et la mention d'un twist était un peu lourd, heureusement que les autres épisodes reprennent beaucoup moins ce ton-là
Episode 3 : BOUM
Excellent épisode. Steven Moffat nous offre un épisode brillamment écrit, avec des personnages secondaires approfondis et une intrigue originale, celle-ci étant dénuée d'antagoniste au sens propre du terme et étant extrêmement minimaliste : un unique lieu, peu de personnages, peu d'événements, l'on se concentre sur la tension, les dialogues et les personnages. La mise en scène est également assez simple, ce qui est un peu dommage, mais le résultat global reste très bon, surtout comparé aux deux précédents épisodes, et aux dernières saisons de la série de 2005.
Episode 4 : 73 Yards
Petite claque que cet épisode, qui se démarque du reste de la série avec une narration atypique et permet enfin de développer le personnage de Ruby, tout en se payant le luxe d'un docteur quasi absent (peu d'épisodes ont fait ce choix, l'on peut citer Les Anges Pleureurs, mais l'absence était moins radicale). Je trouve également une vibe Black Mirror à cet épisode.
Episode 5 : Oeil et Cerveau Bulle
Episode encore une fois aux aires de Black Mirror (il ne faudrait pas que ça devienne une habitude), également inscrit dans une narration atypique. L'épisode se centre sur un personnage secondaire, ce qui est une très bonne chose, même si j'avoue préférer quand ce développement de personnages secondaires se fait à la manière de BOUM, sans éclipser le Docteur et son acolyte. La mise en scène est classique, j'ai également l'impression d'avoir vu cette colorimétrie et cette identité visuel dans 10000 autres séries, ce qui est dommage. L'univers est peu développé, les antagonistes restent très peu définis, on se serait attendu à un dialogue entre le Docteur et les créatures ou entre le Docteur et le système, mais l'explication est malheureusement assez bâclée de même que la thématique du racisme qui est abordé mais peu creusée. L’épisode n’est quand même pas mauvais, meilleur que les deux premiers, mais moins bon que BOUM et 73 Yards.
Episode 6 : Rogue
Des extra-terrestres au look un peu cheap, des personnages secondaires marquants, la nécessité de courir et de se cacher, pas de doute, on est bien dans un épisode typique de Doctor Who ! Un des rares de la saison, qui se paie même le luxe d'amener du tragique à son récit. La mise en scène est assez classique, sans intérêt particulier, de même pour le scénario, mais c'est aussi ça Doctor Who, des tas d'épisodes sympa sans être époustouflant, et Rogue aurait pu faire un personnage récurent intéressant à la Jack Harkness, mais on dirait que ce n'est pas la direction que va prendre la série. Bref, un plutôt bon épisode malgré des antagonistes un peu trop cliché.
PS : un joueur de Donjon et Dragon qui ne sait pas ce qu’est le cosplay ? Sérieusement ?
Episode 7 & 8 : La Légende de Ruby Sunday & L’Empire de Mort
Une très bonne fin, avec une excellente dimension apocalyptique et une mise en scène efficace. Je dois avouer cependant ne pas avoir été très convaincu par les explications, à la fois sur la résurrection des personnages et sur la raison de l’importance de la mère de Ruby. Je ne suis également pas totalement convaincu de la manière dont cet épisode à été teasé tout au long de la saison, notamment par la neige qui tombe dont l’explication est assez évasive et peu convaincante (c’est un moment du temps qui est sensible car la mère de Ruby n’est pas n’importe qui, elle n'est pas n’importe qui car on la considère importante, même si de fait c’est une random).