Engluée dans un magnifique noir et blanc, Bella Baxter (un bébé dont le cerveau a été greffé sur la mère de celle-ci après le suicide de cette dernière) finit par échapper au manoir où son créateur (un Willem Dafoe couvert de cicatrice) la gardait jusque là enfermée. Elle va alors découvrir le monde dans toutes ses couleurs, dans sa beauté stylisée et éclatante comme dans ses recoins les plus sombres. Cette ode à la découverte du monde s’accompagne d’une ode à la découverte de soi : en effet, Bella va également découvrir son corps, notamment sa sexualité au travers tout une série d’expériences.
Son récit initiatique va partir d’un rapport enfantin et naïf au monde et à son corps, justifié par son cerveau d’enfant, avant de se développer au fil des rencontres à divers altérités (son amant, un cynique, une syndicaliste…) pour s’achever sur une Bella émancipée, capable de juger le bon et le mauvais du monde, de sa vie et de son créateur, ainsi que de choisir sa vie, sa découverte du monde l’ayant conduite à son émancipation personnelle.
A première vue, Pauvres Créatures semble donc nous présenter une inversion du mythe de Frankenstein, où c’est le savant qui est couvert de cicatrices, et où la créature est applaudie pour sa beauté. Cependant, considérer le film comme un total opposé de Frankenstein serait une erreur, l’on peut par exemple entendre Mark Ruffalo désigner Bella Baxter (Emma Stone) comme étant une créature venue apporter les enfers sur Terre, un propos que n’aurait pas renier le Victor Frankenstein de Mary Shelley.
Lanthimos nous plonge donc à la manière d’un Eraserhead un univers onirique et imprévisible servant de théâtre à d’excellents acteurs au service d’une ode à la découverte et à l’émancipation.