Dracula a connu bien des destins. Ces dernières années, il tomba entre les mains de Dario Argento pour une relecture bien piètre, pour repasser chez Universal et un Dracula Untold qui a montré, malgré le plaisir coupable qu'il demeurait, que le studio ne savait plus vraiment quoi faire de son mythique bestiaire.
Si cette version des showrunners de la très appréciée Sherlock devait se rapprocher de l'une d'entre elles, ce serait sûrement la série de 2013, crée par Cole Haddon et portée par le très convaincant Jonathan Rhys Myers. Dans cette dernière, Dracula y incarnait la modernité sous les traits d'Alexandre Grayson, riche visionnaire industriel venu se venger de ceux de ses pires ennemis. Si la série n'était pas complètement convaincante, elle était déjà porteuse de cet esprit de modernité que recelait le vampire mythique.
Mark Gatiss et Steven Moffat vont encore plus loin en prenant le pari d'une perpétuelle surprise. Leur Dracula est ainsi bien plus qu'une relecture mais se révèle être une modernisation savoureuse du célèbre vampire. Les showrunners prennent ainsi un malin plaisir, au détour de trois minis-films (trois épisodes d'1h30) , de rejouer les passages du roman de Bram Stoker en les démontant un à un avec une réelle volonté contemporaine.
Le personnage est ainsi montré et moqué dans ses limites, de bête assoiffée de sang véritable suppôt de Satan au séducteur invétéré, ici ouvertement bisexuel. En insufflant un humour ravageur aux personnages, et ce en dialoguant perpétuellement avec l'oeuvre originelle, Gatiss et Moffat prennent de véritables risques qui s'avèrent payants.
Ainsi, si le premier épisode étonne et instaure les nouvelles règles établies et que le deuxième commence à montrer ses limites, sauvé une fois de plus par la surprise, le dernier épisode, se déroulant de nos jours, permet enfin aux showrunners d'aller au bout de leur vision. Cette dernière fait l'état, d'un amour réel et d'un profond respect pour le personnage qui n'avait connu si joli sort depuis le Bram Stoker's Dracula d'un certain Francis Ford Coppola en 1992.
Reliées toutes deux par ce même aspect de modernité, cette version 2020 se permet plus de risques pour inscrire Dracula comme un monstre de notre époque, rongé par ses limites et désormais mis à nu pour un dépoussiérage bienvenu, pétri d'humour et d'amour. Il n'aurait sûrement pas rêvé mieux, et nous non plus.