Je ne connaissais pas le travail de Philippe Haïm, une rapide enquête m'apprenant seulement que ce n'est pas sa première réalisation dans le genre du policier/thriller (ex: Secret défense - 2008) et qu'il n'a selon toute apparence pas souvent convaincu. Ici, il est réalisateur, scénariste et compositeur, ce qui n'est pas rien. Du casting, je ne connaissais (vaguement) qu'Olivier Chantreau, qui tenait un rôle similaire de gangster dans Les Lyonnais (2011) d'Olivier Marchal.
La mini-série se découpe en trois épisodes de 50 minutes et frappe avant tout par son parti pris graphique tout en noir et blanc. Elle relate l'infiltration d'une bande de narcotrafiquants par Michel Serrero (Patrick Ridremont), un policier ne sortant guère de son bureau d'habitude mais qui se sait condamné à court terme par une maladie neurologique.
La forme
Ce n'est pas si courant de nos jours de voir une œuvre en noir et blanc. Pas question d'hommage ou de "retour aux sources" du cinéma d'antan, ici le but semble avant tout de faire ressortir le caractère dramatique de la situation dans laquelle baigne chacun des protagonistes : un flic condamné dépressif, séparé de sa femme, avec à sa charge une adolescente insolente et paumée, des lycéens qui se droguent, des criminels qui règlent leurs comptes en mutilant leurs ennemis, un immigré qui doit dealer pour rembourser son passeur et vivre dans un squat sordide... C'est un noir et blanc plus noir que blanc, où les gens sont soit agressifs, soit accablés.
Régulièrement, la mise en scène sort de la réalité par le biais d'effets spéciaux sur le thème de la noyade ou de l'inondation : une averse soudaine qui semble ne concerner que le héros, des miroirs qui suintent, des chutes sur le sol qui se transforment en plongeon dans des eaux profondes... Le titre "En immersion" ne désigne pas seulement l'infiltration d'une bande de criminels mais aussi la vie personnelle de Michel qui prend l'eau et manque de le noyer. Pas forcément très subtil mais cela donne lieu à quelques scènes à l'esthétique assez réussie (une longue chute en plan fixe dans des eaux troubles par exemple). Hélas ces scènes ne sont pas toujours bien amenées, la réalisation semblant vouloir les justifier par la maladie de Michel qui lui provoquerait des hallucinations. Si c'est bel et bien le cas, ce n'est pas très crédible ni très adroit, et il eut mieux fallu assumer que certaines scènes sont à prendre au sens figuré. Un autre problème réside dans le côté tape-à-l’œil, voire un peu vain de certaines de ces scènes. A titre d'exemple, mentionnons celle où le héros se sert un verre de vin, et constate que des gouttes de celui-ci subissent une gravité inversée et vont s'écraser sur le plafond, jusqu'à former une large tache rappelant, peut-être, du sang. C'est joli, mais ça n'a aucun sens.
Le fond
Si les acteurs m'ont semblé globalement plutôt convaincant, on regrettera des dialogues inégaux et des interactions un peu maniérées. Un policier excessivement désagréable par-ci, une réplique qui n'est pas dans le ton par-là, ce n'est pas grand chose mais ça fait toujours tache. La série commet aussi l'erreur d'écrire des dialogues qui expliquent le film alors qu'il n'en a pas besoin, comme par exemple celui où la chef d'équipe de la police, qui vit seule et voudrait adopter, change d'avis au dernier moment car "elle a déjà des enfants : les policiers de son équipe qui sont en couverture dans diverses organisations criminelles". On pouvait le comprendre sans le dire, le dire rend cela lourd, grossier.
En fait, la série souffre de trop tirer sur la corde du mélodramatique : tout le monde a une telle vie de merde, les gens sont tellement odieux que ça en devient grotesque. Pour preuve, l'immigré malien, à la fin de la série, est tellement écœuré par la vie qu'il a trouvée en France qu'il se rend à la police pour avouer sa situation irrégulière et demander à ce qu'on le renvoie chez lui. Je comprends l'idée - montrer que notre pays riche n'a pas pour autant éliminé la misère et la violence - mais à trop forcer le trait, ça en devient comique.
Pour finir, le scénario n'est pas très crédible, ce qui ne cadre pas vraiment avec le ton réaliste de la série. On pense au rendez-vous sur les quais entre Michel et les criminels, pendant lequel Michel refuse de procéder à la transaction en repérant pas moins de trois flics en couverture... alors que même si ce n'étaient pas des flics il ne viendrait à l'idée de personne de procéder à un tel échange (drogue contre 250.000€) devant autant de témoins !
Reste que dans le paysage français, les créations radicales de ce genre restent rares. On sent la volonté de bien faire les choses, d'être original, de sortir un peu des sentiers battus. Malheureusement, l'objectif n'est qu'en partie rempli : la narration reste lourde et la réalisation, bien qu'audacieuse, manque de finesse. C'est néanmoins le genre de création qu'il faudrait encourager.