Saison 1 : 6/10
Une saison inaugurale qui pose les bases d'une série policière et judicaire réellement prometteuse.
"Engrenages" s'intéresse à ces deux institutions dans leur ensemble, chacun des personnages principaux incarnant une partie de l'appareil judiciaire :
- Laure Berthaud est capitaine de police, elle a notamment sous ses ordres un père de famille carré (Tintin) et un flic borderline et paumé (Gillou)
- Pierre Clément est substitut du procureur
- François Reban est juge d'instruction
- Joséphine Karlsson est avocate
On assiste donc aux interactions existant entre les différents rouages de la mécanique judiciaire, à leurs pouvoirs et à leurs limites. Une idée pertinente et très didactique, même si le concept reste timide pour l'instant.
Ce ton réaliste s'accompagne d'une réalisation qui se veut à l'avenant, autour d'une photo à dominante bleu-grisâtre ; en outre, des scènes de violence très crues jalonnent les épisodes.
La série s'appuie sur une trame principale autour du meurtre d'une jeune universitaire roumaine, et chacun des 8 épisodes traite parallèlement des intrigues indépendantes, plus ou moins captivantes mais jamais sans intérêt.
Le gros atout de cette saison initiale concerne le casting, très réussi : autour de l'excellent Philippe Duclos, Caroline Proust, Thierry Godard et Grégory Fitoussi forment une équipe crédible.
La pulpeuse Audrey Fleurot constitue l'atout charme de la série.
De plus, l'ensemble des seconds rôles (à quelques rares exceptions) bénéficient d'une direction d'acteurs remarquable, à l'image de la pute fofolle, du conseiller pédophile ou de la femme du proc'.
Le plus gros bémol concerne l'épisode final : fondé sur des coïncidences invraisemblables et dénué de véritables surprises, ce final plat ne rend pas honneur à l'intrigue principale, qui finit par se révéler assez banale.
Saison 2 : 7/10
Dès les premières images, c'est la claque! La claque de 10 ans dans la gueule que se prend Caroline Proust en effet, autrefois presque jolie, et désormais pourvue d'une coupe de lesbienne frustrée.
J'ironise, mais cette anecdote illustre au moins le fait que "Engrenages" ne joue pas sur le registre du glamour, c'est une série qui se veut "réaliste".
Au cours de cette saison 2, le spectateur suit les différentes étapes d'une enquête sur un trafic de stupéfiants, qui commence par un "barbecue" insoutenable sur un parking de banlieue, pour s'achever à l'issue d'un go fast entre l'Espagne et la France.
L'intrigue est bien rythmée, plutôt haletante, et la plongée dans une cité HLM régie par les caïds fait froid dans le dos.
La reconstitution de cet univers est inégale, entre certaines séquences criantes de vérité et d'autres passages plus "folkloriques", mais pour une série française ça tient la route.
A l'époque "Engrenages" avait permis la révélation de Reda Kateb (une belle présence certes mais aussi pas mal de fausseté) ; pour ma part j'ai davantage apprécié la prestation des "frangins" Samir Guesmi et surtout Mehdi Nebbou.
Daniel Duval en avocat véreux et Brigitte Roüan en vieille pro du journalisme se distinguent également.
Bref la série de Canal + tient ses promesses avec cette saison 2 réussie, supérieure à la précédente dans la mesure où cette fois le récit monte en puissance ; on aurait toutefois préféré une tonalité encore plus sombre, qui nous aurait épargné le happy end final un peu trop mainstream.
Saison 3 : 7/10
J'attendais cette saison 3 avec impatience, puisqu'il était question de la traque d'un serial killer, une thématique qui m'a toujours fasciné, et qui traitée à la sauce "Engrenages", pouvait donner un résultat bien flippant.
Au final je reste un peu sur ma faim : en fait la série se maintient au niveau qui était le sien, et c'est déjà honorable, avec toujours les qualités qui ont fait sa réputation : tonalité réaliste, interprétation satisfaisante, seconds rôles excellents, exploration du système judiciaire, et dans l'ensemble pas de grosse faute de goût. "Engrenages" reste LA série policière française de référence, et c'est déjà très bien.
Après, je trouve que le passage de 8 à 12 épisodes n'est pas une franche réussite.
En effet, après 3-4 premiers épisodes vraiment prenants, l'intrigue se dilue quand même sévèrement, et les scénaristes sont contraints de remplir artificiellement avec l'inculpation de Pierre Clément (le proc devenu avocat), tandis que les pétages de plomb récurrents du capitaine Berthaud finissent par user au fil des épisodes (même si le dénouement justifie a posteriori ces redondances fatigantes).
Toujours est-il que perso, j'attendais plutôt une histoire de serial killer avec mystère, suspense et fausses pistes ; alors que là en fait, on connaît le coupable au bout de 3 épisodes!!!
En dépit de ma déception, je reste indulgent avec une série française qui tient la route, en témoigne l'arc scénaristique consacré au réseau de prostitution, qui se substitue très vite à la traque du tueur.
Le milieu dépeint est d'une véracité incontestable, les filles de l'est apparaissent crédibles (les macs aussi à un degré moindre), on ressent véritablement de l'empathie pour ces victimes sans espoir.
L'autre fil conducteur réside dans les démêlés du juge Roban avec sa hiérarchie, sa difficile enquête au sein du monde politique, et sa vie privée loin d'être évidente. Autant dire que le toujours excellent Philippe Duclos ne va pas spécialement se marrer au cours de cette saison 3.
Pour ma part je ne sais pas encore si je continuerais à suivre les mésaventures de cette équipe de choc, mais à court terme je ne me précipiterai pas sur la saison 4.
Car même si "Engrenages" est indéniablement une série de qualité, je ne la trouve pas suffisamment addictive pour en faire une véritable priorité.
Saison 4 : 8/10
La diffusion de la saison 6 actuellement sur Canal + a été pour moi l'occasion de reprendre "Engrenages" là où je l'avais laissé, c'est à dire après les trois premières saisons, preuve que si cette série me plaît, je ne suis pas un fan absolu.
Eh bien, probablement en raison du temps écoulé depuis, j'ai pris beaucoup de plaisir à retrouver le capitaine Berthaud, le juge Roban et les autres.
Cette saison 4 n'est peut-être pas meilleure que les précédentes, mais moi j'y ai pris plus de plaisir, surtout au cœur de l'intrigue, entre les épisodes 3 et 8 à peu près, que j'ai dévorés. Notamment grâce à des personnages intrigants : le turc à l'accent hilarant ("en prison je peux même baiser femme"), le gangster gitan au phrasé étonnant (Jorkal), le chef de groupe Herville, l'inénarrable procureur Machard...
Par la suite les diverses résolutions m'ont moins passionné, en raison de choix narratifs plus convenus, mais l'ensemble reste sympathique.
Pourtant on constate pas mal de petites fautes de goût (les terroristes d'ultra gauche manquent franchement d'épaisseur), mais on pardonne car le récit est dynamique et prenant, montrant des aspects rarement abordés dans les séries TV, notamment françaises, comme le quotidien peu reluisant des flics (avec les planques sans succès, les filatures ratées etc...) ou la guerre des polices, causée par l'ambition dévorante de nos bureaucrates, qui aboutit parfois à des tragédies.
D'ailleurs la plupart de ces flics de bureau ont des gueules et des allures hyper crédibles, c'est à souligner et cela contribue à l'immersion.
Saison 5 : 8/10
Peut-être bien la meilleure saison jusqu'à présent, avant de voir ce que vaut la 6.
A nouveau une enquête à tiroirs, la recette qui fait le sel de la série, mais avec une meilleure gestion des rebondissements (avec un très gros twist en milieu de saison) et du mystère : il faut cette fois attendre l'épisode 11 pour savoir qui a commis le double meurtre.
Et toujours un regard assez pointu sur la société française, avec des éléments d'intrigue qui d'ailleurs évoquent souvent l'actualité récente (le gang des barbares notamment).
Saison 6 : 8/10
La série parvient à maintenir son (très) bon niveau au cours de cette sixième saison, qui remplit son contrat : proposer du polar réaliste, au fort ancrage social, tout en parvenant à être relativement addictif.
Ici, le récit débute avec la découverte d'un tronc humain, qui se révèlera rapidement appartenir à un policier de la BAC. Les recherches vont mener notre petit groupe d'enquêteurs dans le département maudit de la Seine-Saint-Denis, entre flics ripoux, voyous intégrés, souteneur yougoslave et trafics en tous genres.
Autre constante de la série de Canal + : la capacité à esquisser d'excellents personnages secondaires, soutenus par des comédiens de talent (par exemple Camille Japy dans le rôle de la maire de banlieue, au comportement ambigu, ou Louis-Do de Lenquesaing, dans celui de l'avocat cynique en relation avec Joséphine).
Quelques faiblesses demeurent toutefois, comme un recours excessif à la vie privée des personnages : la fille prématurée de Laure, le divorce de Tintin, la liaison entre Laure et Gillou...
Bien sûr, cela fait partie du jeu dans une série au long cours, mais le dosage ne se révèle pas toujours idéal.
On pourra également relever un certain manque d'originalité dans certaines thématiques ou personnages (à l'image de l'identité du tueur), mais on va dire que la série reflète les problématiques (récurrentes) de notre époque.
Cette saison 6 s'achève sur plusieurs cliffhangers, confirmant explicitement l'existence d'un septième volet d'"Engrenages", qui pourrait bien s'avérer le dernier.
Une scène à retenir : l'interpellation qui dégénère sur le camp de Roms.
Saison 7 : 7/10
J'ai un peu hésité avant de baisser ma note d'un point par rapport aux 3-4 saisons précédentes, depuis que le show a trouvé son rythme de croisière.
En effet, "Engrenages" est le genre de série que l'on regarde désormais surtout pour retrouver une ambiance bien connue et des personnages appréciés, en sachant qu'a priori rien ne viendra révolutionner le média télévisuel, ni en terme de narration ni en terme de mise en scène.
Et justement, je trouve que les scénaristes se sont légèrement endormis sur leur lauriers, avec cette intrigue un peu convenue dans l'univers de la délinquance financière - et ce en précisant bien que j'ai suivi cette septième saison avec plaisir et intérêt malgré tout.
Clairement, la création originale de Canal + n'a jamais joué outrageusement la carte des twists et autres cliffhangers haletants poussant au binge watching. Mais cette fois c'est encore plus flagrant : j'ai consommé chaque épisode l'un après l'autre, sans jamais ressentir d'impatience à connaître la suite.
Plus grave, l'ultime épisode n'apporte aucune surprise ou presque, et à vrai dire on connaissait les responsables de l'arc narratif central depuis bien longtemps déjà. Je veux bien qu'on joue la carte du réalisme, mais c'est quand même une approche bien particulière (déceptive) de la série policière.
Malgré ce sérieux bémol (déjà apparu précédemment), "Engrenages" reste une valeur sûre parmi les séries françaises : un univers crédible, des personnages attachants, qui évoluent tout en restant cohérents, une interprétation de premier plan, une mise en scène sèche et efficace…
Au niveau scénaristique, j'ai apprécié la réapparition (plus ou moins) inattendue d'un ancien personnage lors des 2-3 ultimes épisodes : hélas, les auteurs ne tirent que le minimum syndical de cette situation potentiellement explosive.
Côté casting, deux petits nouveaux à signaler : Tewfik Jallab qui intègre la brigade, et Emmanuel Salinger qui campe un boeuf-carotte (forcément) un peu tordu.
Saison 8 : 7/10
Sans être déshonorante, loin de là (d'ailleurs, les critiques presse sont quasiment unanimes pour souligner sa qualité), cette ultime saison prouve néanmoins qu'il était temps pour "Engrenages" de s'achever.
En effet, la mécanique narrative de cette série au long cours apparaît désormais presque trop bien rôdée, au point que le show ne parvient que trop rarement à surprendre son public, un facteur pourtant primordial pour la plupart des sériephiles.
Concrètement, la saison 8 d'"Engrenages" se laisse toujours regarder avec plaisir, essentiellement grâce aux personnages attachants et bien interprétés, mais ne parvient jamais à être addictive ni à provoquer le moindre bingewatching.
Une routine scénaristique qui se faisait déjà sentir dans la saison précédente, malgré un souci louable de la part des auteurs de renouveler à chaque fois certains éléments de l'intrigue pour dynamiser le récit : ici, c'est par exemple l'infiltration menée par Gillou au sein d'un gang de braqueurs, à la suite de son incarcération survenue en fin de saison 7, qui permet d'apporter un nouvel angle d'attaque au niveau de la narration.
La série conserve ses qualités traditionnelles, comme sa capacité à s'emparer de sujets sociaux au coeur de l'actualité (ici la délinquance des mineurs isolés sans-papiers), ou son aptitude à proposer des seconds rôles intéressants incarnés par de bons comédiens (Kool Shen en chef de gang, Salim Kechiouche en indic ambivalent, le jeune Ayoub Barboucha en gamin des rues).
J'ai bien aimé également la nouvelle magistrate, personnage chargé de succéder à l'illustre juge Roban (désormais à la retraite, et absent de ces adieux de la série - un caméo eût été apprécié) : la comédienne Clara Bonnet se montre à son avantage.
En revanche, l'évolution finale des principaux personnages ne m'aura pas entièrement satisfait, et à titre personnel je n'aurai pas craché sur une issue tragique pour l'un ou l'autre héros, ce qui aurait offert un impact supplémentaire à cette saison des adieux, et une tonalité mélancolique en accord avec l'esprit d'"Engrenages".
A contrario, la showrunneuse Marine Francou joue la sécurité, offrant à chacun un dénouement "positif", le pire étant sans doute atteint avec l'évolution du duo Audrey Fleurot - Louis-Do de Lencquesaing (qu'on avait aimé détester lors des saisons précédentes).
Ainsi, voir l'arrogante et égotiste Joséphine Karlsson s'amouracher déraisonnablement d'un gosse des rues sale et mal élevé, au point de risquer sa carrière, m'est apparu d'une mièvrerie de mauvais goût.
Tant pis, on se consolera avec le sort réservé à Laure et Gillou, lors d'un ultime plan qui a le mérite de la sobriété, et clôt de façon digne et satisfaisante la meilleure série policière française de ce début de millénaire. En attendant avec impatience son successeur sur le petit écran.