Erased est sans conteste une œuvre touchante qui aborde des thématiques graves (la maltraitance des enfants, l'infanticide, l'exclusion sociale et l'innocence de l'enfance). Surtout, cette œuvre a réussi à ranimer la nostalgie des années de l'école primaire à un public très large, là où la majeure partie des animés ne traite que de l'adolescence et des années de lycée. Car la principale caractéristique d'Erased est de présenter un héros de 29 ans dans le corps d'un enfant de 11 ans, l'adolescence n'est tout simplement pas traitée ici. Dans le milieu d'une japanimation sclérosée qui peine à faire évoluer ses codes et ses clichés, Erased sort du lot. Et c'est sûrement l'originalité de cette œuvre qui lui a valu une popularité si élevée à sa sortie.
Pourtant, Erased souffre d'une narration saccadée et déséquilibrée. Les six premiers épisodes sont bien rythmés et les enjeux bien définis, mais la seconde moitié de la série manque cruellement de rythme et se conclue d'une manière bien décevante. En fait, l'enjeu principal de la série tourne autour du sort de la jeune Kayo. Le spectateur n'attend qu'une chose : comment le héros va-t-il arriver à la sauver ?
Le problème est que cet enjeu est réglé au deux tiers de l'animé. Il reste donc un tiers de la série à combler, et le rythme en prend un sacré coup.
Pourtant c'est bien dommage. La maltraitance des enfants n'est abordée qu'en surface, les justifications de la cruauté de la mère de Kayo ne sont qu'à peine suggérées et expédiées en quelques secondes de flashbacks. Les motivations du tueur d'enfants ne seront jamais véritablement éclaircies, et la moralité de l'histoire se résume à l'importance d'avoir des amis sur qui pouvoir compter (ce qui est pour le coup un archétype des shônen : le méchant a beau être plus malin que le héros, ce dernier viendra toujours à bout du méchant solitaire grâce au soutien de ses amis).
En outre, bien des facilités narratives ont été employées dans cette série :
On se demande toujours comment Satoru a fait pour survivre de la noyade. En toute vraisemblance, sauf si le tueur a alerté la police au dernier moment (ce qui n'est pas suggéré), la découverte du corps de Satoru a dû prendre au minima plusieurs heures de recherches, si ce n'est plusieurs jours. La justification de sa survie par un coma de 15 ans est symbolique car elle trouve son sens dans le titre original de l’œuvre "La ville d'où j'ai disparu", mais elle n'est franchement pas réaliste. Si encore cette survie miraculeuse était justifiée par une capacité du héros à être immortel, je l'accepterais sans sourciller, mais à ma connaissance, il est juste doué du pouvoir de remonter le temps (pouvoir qu'il n'active pas pour se sauver lui-même d'ailleurs).
Le plan qui a permis au héros de confondre le meurtrier est assez hasardeux. Il fallait être certain que le meurtrier rattraperait in extremis Satoru qui se jetterait dans le vide. Dans le cas contraire, Satoru se serait juste suicidé comme un imbécile. Il fallait aussi être certain que le meurtrier ne verrait à aucun moment le piège qui l'attendait en bas avant de lâcher Satoru... Quand on y pense, en vrai, ce final est vraiment tiré par les cheveux ! D'autant plus qu'en fin de compte, comme le prof n'a finalement pu tué personne, sa peine ne sera certainement pas à la hauteur des meurtres qu'il aurait pu commettre. Car il est impossible de punir un homme pour des actes qu'il n'a pas commis. Le héros a beau avoir sauvé tout le monde, le méchant ne semble pas pour autant être hors d'état de nuire, ni véritablement puni de ses actes. Il sera juste jugé pour une tentative d'homicide, ce qui est bien léger pour nous, les spectateurs, qui avons vu toutes les horreurs qu'est capable de commettre ce personnage.
De plus, à force de se concentrer sur le sauvetage de Kayo et de ses camarades de classe, le héros oublie complètement d'enquêter sur le meurtrier, alors qu'en y réfléchissant un peu, tout spectateur peut aisément trouver le coupable après quatre ou cinq épisodes. Le côté enquête/thriller est clairement mis au second plan, ainsi que le développement du meurtrier. La psychologie de ce personnage qui est la cause de tous les malheurs du héros n'a été que très peu développée au fil des épisodes, et la recherche de son identité ne semble plus être la priorité du héros durant une bonne partie de la série. Et ça me semble vraiment dommageable pour un animé qui s'ouvre sur un meurtre comme élément déclencheur de l'histoire.
Du coup, seuls sont mis en avant les rapports d'amitié et d'entraides entre les personnages pour ne pas être isolés (car seuls les enfants isolés constituent une cible pour le tueur). Mais ce focus sur le quotidien des personnages donne davantage à l'animé un côté slice of life classique qu'à une véritable enquête policière. Le suspens n'a très vite plus sa place dans l'histoire.
Cela ne serait pas un mal si la série n'avait pas débuté son intrigue sur un meurtre au premier épisode. Il y a comme une sensation de mensonge sur l'emballage. Même la bande-annonce fait croire au spectateur que nous sommes devant une sorte de thriller mêlant enquête policière et slice of life dans une école primaire.
Finalement, on ne retiendra que la face slice of life et bon enfant de la série, oubliant ce que nous promettait le premier épisode. Cette stratégie marketing pour attiser l'intérêt d'un plus grand nombre de personnes ne poserait aucun problème si l'animé avait tenu toutes ses promesses.
En conclusion, Erased est excellent au début, moyen au milieu et décevant à la fin.