Le manga l'annonçait déjà mais l'animé le confirme décemment: Erased est un must have, il mérite sa place dans toute ludothèque et j'espère qu'il fera date dans l'histoire de la japanimation.
Ce qui fait de cette série une perle à mettre en toutes les mains tient en ces quelques lignes: cet animé ne se réserve pas qu'aux fanas de japanimations. Aucune culture geek n'est requise pour comprendre les références, pas de visages déformés, pas de fan service, pas de cris ou d'exagérations, aucun clichés typiquement japonais. Erased est une histoire une vraie qui s'ancre dans des situations de tout les jours, dans des difficultés que nous avons tous vécu. Cette dramaturgie ne s'engage pas dans des théories à la mord moi le nœud et dans des explications à n'en plus finir, Erased est un thriller avec un fond de fantastique et non l'inverse. Pas de Deus Ex Machina et de ficelles scénaristiques pour sauver in extremis le héros dès qu' il est dans la la panade, nous suivons un quotidien réel et crédible et malgré les voyages dans le temps la continuité temporelle reste rigoureuse et en adéquation avec ce qui a été développé en amont. Pas de hasard, pas de plot hole, que peut on reprocher sérieusement à cette série exactement?
Satoru est un jeune homme de 29 ans, mangaka raté et livreur de pizzas à mi temps, il peine à s'ouvrir et mène son existence sans passions ni envies pour l'avenir. En revanche il dispose d'un étrange pouvoir, celui de remonter quelques instants dans le temps et de modifier certains évènements lui permettant ainsi d'éviter des accidents. Satoru vit aussi dans l'ombre d'un traumatisme, dans son enfance une mystérieuse série de meurtre s'est perpétrée dans son école, prenant la vie à plusieurs de ses camarades de classe. Hanté par le souvenir de l'une d'elle; Kayo, dont il a pourtant oublié les traits, il reste persuadé que la personne reconnue coupable de l'affaire n'a rien à voir avec les meurtres et que son arrestation est une injustice totale. Vivant avec le poids assez lourd de toutes ces disparitions, Satoru a grandi en restant loin de son passé mais suffisamment proche pour y penser au quotidien. Mais un jour le passé le rattrape, le vrai tueur reconnait la mère de Satoru puis la poignarde faisant passer notre héros pour un criminel que la police s'empressera de vouloir retrouver. Face à cette situation désespérée, Satoru fait un gigantesque bond dans le temps, le plus gros depuis qu'il a eu ce pouvoir. Il revient alors à l'époque de ses onze ans, peu avant la mort de ses camarades et notamment de Kayo.
Que ferions-nous s'il nous était possible de remonter le temps et de finaliser toutes ces petites choses que nous n'avons pas mené à terme? De toutes ces rencontres que nous n'avons pas creusé plus loin? De toutes ces petites choses que nous aurions pu faire ou dire et que l'on regrette aujourd'hui? Voici la thématique principale de cette série, digne des enjeux du premier Effet Papillon dans son développement. Je parle bien entendu du premier film et pas de La Bouse à Fric Papillon2 et la Bouse à Fric Papillon3. Non je parle bien du film qui prenait la forme d'un thriller fantastique et qui avait des idées, une âme et une personnalité.
Sous fond de thriller haletant et de tension permanente vers la mort programmée de Kayo, Erased est une série à la puissance de narration hors norme. Adulte dans la peau d'un enfant, Satoru se voit capable d'orienter ses choix en fonctions des conséquences qu'elles auront à l'avenir qu'il connait déjà. Mais connaitre l'avenir ne suffit pas à le modifier, beaucoup d'inconnu reste encore à déterminer rendant les actions de notre héros à la fois mûres et réfléchies mais également tendues et stressantes. Touché par la solitude de Kayo, tout ce qu'il mènera à son égard pour la protéger et lui offrir un avenir tendra forcément à faire évoluer la situation vers des paramètres qu'il ne connait pas. Et si se rapprocher de la fillette n'offrait pas au tueur l'occasion de s'en prendre à d'autres enfants solitaires? Et si permettre à Kayo de s'ouvrir ne rendait pas d'autres plus renfermés et plus facilement malléables? Jouant de cette tension permanente de savoir si ses actions obtiendront l'effet escompté, Satoru est aussi victime du temps qui joue avec et contre lui. Les années ayant passé son enfance ne lui apparait pas aussi limpide qu'il le voudrait et beaucoup de ses souvenirs lui reviennent en temps réel au moment même où il entreprend l'action. Remonter le temps ne suffit donc pas, il ne maitrise pas plus la manière dont les choses pourraient potentiellement évoluer que la manière dont elles se sont déjà produites. Sans compter également tout ce que Satoru considérait comme acquis (à qui faire confiance, à quels évènements se fier) mais qui ne sont que le reflet de ce qu'il voulait voir. Notre héros n'est qu'un homme, il lui suffit pas d'invoquer le pouvoir de l'amitié pour être invincible, il a ses doutes et ses fausses certitudes comme tout un chacun. Et c'est sans compter sur son traumatisme en lui même qui lui a fait oublier des points cruciaux de l'enquête. Vous avez alors une idée de la richesse du thriller que vous tenez entre les mains. C'est du génie pur et dur.
Mais la série n'est pas seulement une enquête, c'est aussi des portraits humains très détaillés et touchants dans leur écriture. Satoru redécouvrira ses relations avec ses amis, il se rapprochera à nouveau de sa mère qu'il dénigrait en étant adulte, il se battra dur comme fer pour offrir autre chose qu'un destin tragique à la petite Kayo. La petite fille est d'ailleurs un personnage très bien construit, enfant battue par sa propre mère rêvant de sa propre disparition pour ne plus avoir à souffrir, la gamine apprendra à sourire, à manger de vrais repas et avoir des amis. Ça prend aux tripes je déconne pas, on se sent presque engagé dans le combat de Satoru. On a envie d'y croire en tout cas
L'animation est nickel, juste magnifique. Les plans sont bien fichus, le graphisme et beau, rien à redire de ce côté là. La bande son est de bonne facture, idem pour les doublages, notamment pour l'alternance voix adulte/ enfant de Satoru selon s'il parle à voix haute ou à voix basse. Niveau immersion c'est du tout bon rien à dire. Même l'opening est bon, peut être un peu hors sujet mais sympathique. L'avantage c'est qu'il ne spoile rien.
Bref, pour moi Erased est un incontournable. Même si l’œuvre n'est pas encoure achevée ni en manga ni en animé, pour moi avec les 8 épisodes que nous avons à l'heure où j'écris ces lignes et me basant selon mon avancée dans la parution du manga, il me semble impossible de ne pas chaudement recommander Erased. Pour ce que j'ai vu et lu, tout est à garder, surtout dans l'animé qui coupe parfaitement pile poil où il faut, écourtant les séquences qui trainaient un tantinet dans le manga. Avec ces cartes en main même si les explications finales devaient s'avérer lamentables, je resterais un fan assidu de Erased et m'estimerait satisfait de la qualité que j'ai entre les mains en ce moment même. Ceux qui cherchent juste une série d'action passez votre chemin il n'y a rien à voir. Ceux qui veulent du thriller mêlé à du fantastique, mêlé à du drame qui tombe pas dans le pathos, mêlés à une animation qui claque sauront s'arrêter et reconnaitre une œuvre de qualité.
EDIT: La fin de l'animé diffère du manga, bien plus rapide sur certains points elle reste crédible et sobre, en adéquation avec la dynamique de la série. La relation entre le tueur et Satoru est bien mise en scène, bref le final est de qualité. Je peux garder cette note sans honte