Incroyable bonne surprise que cette mini-série de Showtime arrivée sur la pointe des pieds en fin d'année et au casting 3 étoiles : Patricia Arquette, Paul Dano, Benicio Del Torro. On peut ajouter Ben Stiller qui apporte une réalisation très soignée et donne une qualité cinéma au projet.
Escape at Dannemora est inspiré d'une histoire vraie qui s'est déroulée au milieu des années 2010 dans un pénitencier américain près de la frontière canadienne.
On a jamais vu Patricia Arquette aussi convaincante dans un rôle. Elle, ancienne femme fatale sans trop de dialogues mais sublimée chez Lynch, joue à la perfection une espèce de plouc capricieuse et limitée au physique disgracieux. Son accent local, sa voix de petite fille font merveille et mettent les nerfs à rude épreuve. Benicio fait le taulard avec une crédibilité évidente, il n'a pas besoin d'en faire beaucoup avec sa gueule à avoir pris perpétuité. Il finira un jour par avoir la tronche de Guy Bedos, mais en attendant il a toujours cet air inquiétant de Droopy mafieux. Enfin Paul Dano, en jeune délinquant qui semble avoir bon fond est comme TOUJOURS très convainquant. Il arrive à estomper la fragilité qui le caractérise habituellement et fait un taulard très crédible. On peut décréter sans trembler que ce type est le plus grand acteur de sa génération.
Ce trio de bras cassés va pourtant s'attaquer à un projet assez incroyable : tenter de s'évader d'une prison moderne et sécurisée à la seule force de peintures de chiots.
Qui ne s'est jamais laissé enchaîner ne saura jamais ce qu'est la liberté
Les récits d'évasion sont toujours fascinants, enfin moi ça me fascine. On a toujours envie que les types réussissent à s'évader. C'est naturel. Comme il est naturel qu'on veuille que le policier arrête un dangereux psychopathe dans les polars. Pourquoi souhaite-t-on au cinéma qu'un criminel s'évade alors que dans la réalité on n'apporterait pas son concours à un fuyard ? Vaste question, se battre pour trouver la liberté est un noble combat, qu'inconsciemment on ne peut que respecter.
Il se trouve que dans la plupart des films ou séries traitant de l'évasion, les personnages sont incarcérés injustement, ou détenus arbitrairement. Et cela facilite grandement la sympathie que le spectateur éprouve envers eux. Déculpabiliser le soutien à leur entreprise est nécessaire pour encourager l'identification. Car les récits d'évasions sont une mise en abîme, il est donc primordial que le spectateur ressente de l'empathie.
C'est également le combat inégalitaire entre un homme et un système. Ce rapport de force déséquilibré et l'exploit en résultant est jubilatoire (dieu que je n'aime pas employer ce mot, mais il n'y a pas d'autre terme). Et quand il trouve la liberté, le spectateur est libéré avec lui. A l'image d'Andy Dufresnes dans les évadés, qui retrouve la liberté sous une pluie battante en sortant du tuyau d'évacuation de la prison de Shawshank. Tout cela pour dire que le sentiment de l'évasion est particulièrement transmissible au cinéma.
La différence avec les œuvres habituelles (Prison Break, La Grande évasion, L'évadé d'Alcatraz, les Évadés...) , c'est qu'ici les évadés ne sont pas forcément innocents. Que penser dès lors quand le criminel est une ordure qui mérite de purger sa peine ? Comment faire adhérer le spectateur au récit qu'on propose ? Pour résoudre ce problème, on ne sait pas exactement si ces deux individus sont jetés derrière les barreaux pour de bonnes raisons - du moins jusqu'à l'avant dernier épisode. Et cet épisode flash-back prend donc tous son sens à ce moment du récit.
Je me fais du mouron pour le maton
Les relations entre les prisonniers et le personnel pénitentiaire sont encore plus importantes que les travaux de forage souterrain de Sweat. Le personnage du maton Gene Palmer (incarné par David Morse), éprouve amitié et respect à l'égard de Scie à métaux (Benicio Del Torro), qui exploite à merveille son petit talent de peintre pour obtenir des services du gardien. Ces relations d'interdépendances entre gardiens et incarcérés sont au cœur de la série, et c'est l'un des points forts de celle-ci.
Tilly (Patricia Arquette) entretient une liaison sordide et œdipienne avec le jeune Sweat (Paul Dano). Sans livrer trop de détails concernant la réussite du projet, l'évasion est un rêve commun entre tous ces personnages, gardiens comme taulards. Tous rêvent de se tirer loin de ce bled gelé, car le gardien et la chef d'atelier vivent aussi en prison. Tilly veut s'évader de son mariage, et Gene voudrait quitter cette foutue région à l'hiver perpétuel.
Pour accentuer cette proximité, l'avant dernier épisode retrace les événements qui ont amené à ce trio à ce rencontrer entre 4 murs, et si Tilly n'a pas commis de crime, elle n'en demeure pas moins une femme malhonnête et trouble. Ce trio pas vraiment amoureux à plus à voir avec le bon la brute le truand ou les diaboliques qu'avec Jules et Jim. En utilisant Tilly pour obtenir les outils nécessaires à l'évasion et en lui promettant une avenir radieux sous le soleil de Mexico, la mère de famille indigne va finalement être la clé de voûte de toute l'opération.
La série est injustement critiquée pour des longueurs qui n'affecteront que les types qui ne peuvent plus suivre une série ou un film sans consulter leur smartphone toutes les 5 minutes. Pour les autres Escape at Dannemora restera peut-être la meilleure surprise de 2018.