Captain America, un symbole taché de sang

• Je suis un homme noir qui porte le costume étoilé. Alors croyez-moi je comprends et peut-être mieux que n'importe qui. À chaque fois que je soulève ce bouclier, je sais que des millions de gens vont me hair. Même maintenant, ici, en ce moment. Tous ces regards de désaprobation contre lesquels je suis impuissant. Mais je suis toujours là. Je n'ai pas de super sérum, ni les cheveux blonds, ni les yeux bleus. Le seul pouvoir que j'ai, c'est de croire que nous pouvons faire mieux. On ne peut pas exiger des efforts aux gens si on en fait pas. Vous contrôlez les banques. Vous tracez les frontières! Vous rasez une forêt avec un mail. Vous nourissez un million de gens avec un coup de fil. Mais voilà la question : qui est avec vous quand vous décidez ? Les gens qui seront affectés ? Ou des gens comme vous ? Ce soir une jeune fille est morte en essayant d'arrêter ce vote et personne ne se demande pourquoi ? Il faut faire mieux. Il faut faire un effort. Sinon, vous aurez une autre Karli. Et la 2.0 sera bien pire. Des femmes et des hommes ont tellement cru en sa cause qu'ils l'ont aidée à défier les plus grandes puissances du monde. Pourquoi, à votre avis ? Vous avez autant de pouvoir qu'un dieu devenu fou ou une adolescente perdue. Ce n'est pas le pouvoir qui compte, c'est comment on l'utilise.


• Excuse-moi j'étais sur mon portable et j'ai vaguement entendu, "un homme noir en costume."


• Hé! Hé!


• Bien parlé, Captain.


• Merci, Bucky.

Malcolm Spellman propose avec Falcon et le Soldat de l'hiver la seconde mini-série à s'introduire dans la fameuse franchise du MCU, se déroulant à la suite des événements d'Avengers End Game. La première chose qui m'a frappé est la maturité du récit qui traite avec beaucoup d'intelligence des thèmes que je n'aurai jamais cru pouvoir un jour trouver dans un tel univers. Un récit fortement chargé en sujet grave tel que le terrorisme, l'immigration, la politique, le racisme... l'ensemble organisé autour d'un traitement idéologique centré sur le symbole que représente Captain America. Un symbole bourré de sens que je n'aurai jamais imaginé si important. Intellectuellement cette série est inespéré dépassant toutes mes attentes en poussant des raisonnements sur la défaillance des étiquettes faciles de "grand méchant" qui pourraient être données à certains terroristes pour justifier des attentats. Je rassure de suite cette série ne valide aucune haine, mais elle demande au spectateur de voir plus loin que la surface des choses en cherchant à comprendre pourquoi des gens en arriveraient à user de terrorisme.

Une série possédant une réflexion aussi fortuite qu'étonnante qui use d'énormément de pénétration d'esprit par le biais d'un sens aigu d'approfondissement, de discernement et de délibération que l'on retrouvera également sur d'autres éléments comme avec l'immigration et le raisonnement politique. L'intrigue est étonnamment complémentaire des évènements survenus dans End Game après le retour de la moitié de la population mondiale suite au sacrifice ultime d'Iron Man. On pensait la Terre sauvée et ravie de retrouver l'ensemble des disparus. Seulement, ceci représente une fois encore une triste façade masquant une cruelle vérité, puisque durant les 5 années survenues après l'éradication de Thanos beaucoup de gens du globe ont immigré vers une Amérique qui les a accueillis à bras ouverts afin de pouvoir combler le vide salarial laissé par l'évaporation des habitants. Si bien, qu'après le retour de la populace le gouvernement Américain s'est retrouvé dans une position impossible à gérer devant restituer les biens ainsi que les professions à chacun des revenants en détroussant les nouveaux américains. Un pays devenu d'un coup surchargé et n'ayant pour seul autre choix politique que de retirer la nationalité américaine aux réfugiés en les parcants dans des réserves. Une approche scénaristique sombrement intelligente et révoltante. Fallait y penser.

Au milieu de tout ça, Falcon refuse de reprendre le flambeau laissé par le Captain America, non pas par peur de ne pas être à la hauteur, mais par crainte de ne pas pouvoir répondre à une attente tenant de l'ordre de l'ethnie. Est-ce que le gouvernement ainsi que le peuple américain seraient prêts à accepter et à tolérer que la figure ultime de leur pays soit incarné par un homme de couleur noir ? Est-ce que Falcon après les difficultés historiques qu'ont connues les noirs à survivre à l'horreur de l'esclavage et du racisme en Amérique se sent réellement concerné par l'affichage d'un étendard américain maculé de sang ? C'est à tout cela que répondent habilement l'histoire de Falcon et le Soldat de l'hiver. Les messages dressés ne sont jamais forcés car abordés intelligemment avec une réelle résonance sur les difficultés de notre propre monde qui nous sont renvoyées sans le moindre filtre, ce qui fait qu'on nous tient facilement en haleine. Un récit chargé en émotions et en réflexions qui en font sur ce point un spectacle aussi bluffant que rafraichissant. Si le fond est remarquablement entretenu la forme est également au rendez-vous avec une réalisation de qualité faisant appel à des plans réfléchis qui ne laissent rien au hasard avec des séquences d'actions savamment alimentée par des chorégraphies certes pas toujours au top mais clairement percutantes. Le combat à trois entre Captain America, Buccky et Falcon est mémorable. La composition musicale sans être marquante est appréciable, par contre le générique d'ouverture laisse vraiment à désirer. Un peu plus d'effort sur ce point aurait fait plaisir.

• Je vais pas te mentir, tu as un truc.


• Merci.


• Attention, t'es pas non plus du niveau de Malcolm, Martin ou Mandela.


• Non, ça fait aucun doute. Mais je sais ce que j'ai à faire.


• Un Captain America noir ?


• Et comment.


• La bataille que t'as choisie, elle va pas être facile.


• Oui, je peux me planter. Je peux me faire tuer. Mais... on a construit ce pays. Avec notre sang. Personne peut m'interdire de me battre pour lui. Pas après ce qu'ont subi ceux qui m'ont précédé. Vous, y compris.


• Merde. J'ai failli marcher.

Les acteurs sont tous parfaits, chacun des comédiens campe des personnages tous plus complexes les uns que les autres, avec un développement qui rallie des personnages qui reçoivent en temps normal moins d'attention dans les films et que l'on retrouve avec beaucoup de plaisir, comme :

- Anthony Mackie en tant que Sam Wilson alias Falcon alias Captain America est celui qui brille le plus dans cette série. Toutes les scènes de vol le mettant en avant sont géniales, de belles scènes d'action. La nouvelle tenue de Sam en tant que Captain America est époustouflante et emblématique. Sam obtient l'honneur et le respect qu'il mérite lors d'un discours final très solide qui à jamais l'installera comme un Captain America à part entière et nous comme une doublure de Steve Roger. On découvre la famille de Sam ainsi que son passé et c'est très appréciable.

- Sébastien Stan en tant que Bucky Barnes alias le Soldat de l'hiver alias Loup Blanc est toujours traumatisé par son passif et tente encore de corriger ses vieux démons. Le Soldat de l'hiver est allé aussi loin qu'il le pouvait en tant que personnage et cela commence à se ressentir tant il devient répétitif à être torturé et silencieux. L'évolution de son personnage survient grace à la relation qu'il entretient avec Sam Wilson et qui ne cesse de grandir faisant qu'il s'ouvre enfin au public. Un développement émotionnel et mental plutôt réussi. Un petit regret au niveau des actions l'entourant qui reste dans l'ensemble plus que correct mais qui souffrent d'un manque de grandeur à son encontre.

- Emily VanCamp en tant que Sharon Carter alias Power Broker est formidable. J'adore cette comédienne qui avait à mon grand regret disparu du MCU depuis Civil War. Sharon Carter est le personnage qui a le plus évolué, jouant un rôle des plus importants qui pour la suite promet du très lourd. Hâte de la retrouver. La séquence d'action la mettant en avant sur le port est d'une bestialité jouissive.

- Daniel Brühl en tant que baron Zemo est parfait. J'adore ce personnage qui est clairement un des meilleurs antagonistes du MCU. Zemo est droit dans ses bottes et n'a pas peur de faire le sale boulot. Il croit en l'homme et pourrait être un justicier s'il n'était pas aussi radical et expéditif dans ses choix qui pourtant sont à chaque fois la solution. Zemo dans son attitude est le Batman du MCU. Le face à face entre Bucky et Zemo devant le monument au mort est saisissant.

- Florence Kasumba en tant que Ayo, garde du corps du roi du Wakanda, est également de la partie venant créer un lien tout à fait appréciable avec Black Panther, amenant également un peu d'éclaircissement sur le passage de Bucky dans le Wakanda.

Parmi les nouveaux personnages on retrouve le comédien Wyatt Russell en tant que John Walker qui est élu par le gouvernement comme étant le nouveau Captain America. Le traitement de ce personnage est profond. J'adore toute la complexité entourant sa difficulté à devenir le nouveau Captain America et qui le conduira à devenir U.S.Agent. N'est pas Steve Roger qui veut. Il est accompagné par son binôme "Battlestar" (Clé Bennett), un rôle secondaire avant tout mis en place pour servir d'épaisseur dramatique à Walker. Carl Lombly pour Isaiah Bradley est une belle surprise, une version black du Captain qui fut durant trente ans un cobaye pour le gouvernement Américain qui le traita comme un esclave à cause de sa couleur de peau. Les échanges entre Sam et Isaiah sont particulièrement forts et touchants. Les antagonistes sont totalement oubliables mais je pense que c'est un mal pour un bien puisque Érin Kellyman pour Karli Morgenthau (l'antagoniste principal) est sensé représenter une personne lambda avec un fort sens idéologique se retrouvant avec la force du Captain. L'approche humaine (au sens profond) de la menace ne permet pas d'établir des antagonistes charismatiques. Parmi les menaces on retrouve Georges Saint-Pierre en tant que Batroc déjà apparut dans Captain America Winter Soldier qui s'inscrit comme l'adversaire durable de Sam. Première apparition pour l'énigmatique Julia Louis-Dreyfus en tant que Valentina Allegra de Fontaine que l'on revoit dans le film Black Widow.

CONCLUSION :

Falcon et le Soldat de l'hiver est une excellente mini-série d'une grande finesse dans les divers sujets qu'elle développe qui se pose comme une remarquable complémentarité aux évènements d'Avenger End Game. Un spectacle sombre, intelligent et imaginatif qui prend son temps pour développer son histoire ainsi que ses nombreux personnages qui sont superbement explorés. Gros coup de coeur pour le baron Zemo et Sharon Carter. Une aventure axée sur les conséquences et les émotions qui répondent à de nombreuses séquences d'actions qui ne possèdent pas les meilleures chorégraphies mais s'imposent malgré tout comme un spectacle percutant et divertissant avec un épisode final particulièrement satisfaisant. Falcon et Bucky sont géniaux, ils forment le meilleur duo masculin du MCU.

Un solide 9/10 bien mérité.

• C'est ce que je crois ? Laisse-le emballé. Les couleurs du drapeau sur le bouclier, ça me réussit pas.


• J'ai besoin de comprendre.


• Tu as compris. Tous les hommes noirs comprennent. Tu peux le nier...


• Jouez pas le vieil homme amer.


• Si tu n'es pas amer, c'est que tu es aveugle.


• J'arrive pas à comprendre. Où ça a dérapé ?


• J'étais comme toi, avant d'ouvrir les yeux, avant de voir les pilotes de l'escadron Red Tails, le célèbre 332e escadron de chasse, se battre pour ce pays, et puis rentrer chez eux pour trouver des croix enflammées dans leur jardin.


• Je suis du Sud, je connais. Vous étiez comme Steve, un super soldat, vous pouviez devenir...


• Devenir quoi ? Hein ? Les cheveux blonds, les yeux bleus, la bannière étoilée ? Le monde entier vénère ce chevalier blanc depuis qu'il a reçu le sérum.


• Steve ne vous a pas mis en prison.