For All Mankind indeed.
J'adore cette série. J'aime l'uchronie intelligente que nous propose Ronald Moore, et l'écriture complexe et précise qui est déroulée sur la saison. C'est une série féministe, c'est vrai et c'est...
le 7 déc. 2019
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Ronald D. Moore comme producteur et scénariste, comme dans Star Trek ou Battlestar: Galactica : mazette, ça s'annonce bien, voilà la série dans laquelle je pourrais me lancer. En outre, une série Apple TV : à ma connaissance, elles sont plutôt bien cotées.
(Bon, Moore n'est pas le seul scénariste, au fil des saisons ils seront au moins cinq. Ce qui joue sans doute dans le fait qu'elles soient aussi inégales.)
Pour l'instant je ne parlerai que de la saison 1, la seule que j'ai vue : mon impression est mitigée. Le postulat de départ est que les États-Unis ont été battus d'un cheveu dans la course à la Lune par les Soviétiques. L'épisode I, qui s'intitule Red Moon, présente ainsi d'emblée la caractéristique principale de la série : l'uchronie. Ce n'est pas réel, c'est inventé. On dira, encore heureux, pour une fiction. Mais surtout, Dieu merci, on n'est pas dans cet "inspiré d'une histoire vraie" si nocif pour la créativité sérielle ou cinématographique.
Cette notion d'uchronie m'a cependant paru sous-exploitée, ou en-deçà de sa promesse initiale. Peut-être pour les autres saisons. On en retrouve essentiellement la trace dans les évènements politiques de l'époque où se déroule l'action, mais je n'en dirai pas plus sur ce chapitre.
Pour le reste, le contexte de la Guerre Froide n'est pas non plus très prégnant dans cette première saison. Enfin, on n'est pas dans Buck Danny.
L'action se déroule sur deux plans : d'une part, les missions lunaires ; d'autre part, les histoires familiales et sentimentales de la petite société qui gravite autour de Houston et des activités de la NASA.
Pour le premier aspect, j'ai souvent pensé à Gravity, en raison du côté un peu cheaté de scènes spatiales où les héros multiplient les exploits les plus insensés. Mais bon, il faut bien impressionner le spectateur.
Pour le second aspect, la dominante mélodramatique de l'action peut plaire, ou non. Pour ce qui me concerne je trouve que cela manque de profondeur : il y aurait sans doute davantage à dire de la société américaine du tournant des années 60-70, s'en tenir à quelques allusions au Vietnam ou au côté passablement coincé des mœurs, c'est un peu léger.
J'attends la saison 2, et les suivantes, pour me faire un avis sur ce que cette série a vraiment dans le ventre. On sortira de la "reconstitution historique" de l'époque des missions Apollo : je lis que l'originalité de ce show trouve davantage à s'exprimer, au fur et à mesure qu'on s'approche de notre époque.
Mais pour l'instant, 7/10.
***
La deuxième saison a globalement été une déception pour moi. Comme je le craignais, le côté mélo que j'évoquais précédemment l'a largement emporté sur l'aventure spatiale.
Une bonne thématique pourtant — la Guerre Froide se tend sur la Lune — permettra in extremis de rattraper le coup, avec un finale assez mémorable, qu'il convient naturellement de ne pas raconter. Guerre Froide sur la Lune, disais-je : c'est autour de la question des énormes et si convoitées ressources de notre satellite que s'exacerbe la rivalité américano-soviétique. Chaque camp a établi une base "en dur" (Jamestown pour les Américains) à proximité d'un même cratère, riche en hélium 3 (ne me demandez pas pourquoi, mais apparemment c'est mieux que l'hélium 2 disponible sur Terre).
Rivalité disais-je, et bientôt tensions telles qu'un cap sera franchi : fait sans précédent, des armes arrivent sur la Lune, maniées par les marines qui vont avec.
Ce qui sera le premier pas d'une escalade menant à rien de moins qu'une menace nucléaire.
Un véritable épisode de la Guerre Froide, la poignée de mains spatiale entre Américains et Soviétiques (qui en réalité, eut lieu en 1975), est alors mis en scène. Cette scène symbolique, appréciée par Reagan, conduit à ce que la guerre ne devienne pas chaude — idée de scénario assez enfantine, quand on y pense.
Mais en l'espèce, les possibilités ouvertes par l'uchronie sont bel et bien exploitées, ce qui "sauve" un ensemble passablement décevant.
(Au passage, les scènes où Reagan ou autre personnage historique, en images d'époque, tiennent des dialogues de la série, sont assez bluffantes.)
Dans cette deuxième saison, deux des personnages centraux connaîtront un sort particulièrement émouvant, en se montrant héroïques.
Mais bon, ce sont des Américains, n'est-ce pas.
Une question au sujet des personnages, puisque les saisons s'espacent dans le temps : des personnes nées grosso modo dans les années 1930 , comme Ed, qui parle toujours de la Guerre de Corée, devrait avoir dans les cinquante ans en saison deux, soixante-cinq en saison 3 (qui se déroule en 1995, nous dit la fin de la saison 2)... la logique voudrait que, plus la chronologie de la série s'approche de notre contemporanéité, tous les personnages de la saison initiale disparaissent par sélection naturelle ?
Un début de réponse en saison 3, mais pour cette décevante saison 2 : 6/10, et c'est sympa.
***
En saison 3, une évidence : bien qu'ils aient pris près de vingt-cinq ans par rapport au début, à part des cheveux grisonnants, les personnages semblent toujours aussi jeunes physiquement.
Ici, l'intrigue passe à l'étape suivante : une fois la Lune conquise, vient le temps d'aller sur Mars. Américains, Soviétiques, et même une fusée d'une société privée, Hélios — coucou, Elon Musk ou Jeff Bezos — décollent ensemble vers la planète rouge, et que les meilleurs gagnent.
Pour dire l'essentiel : c'est gênant. La profusion de péripéties, le taux d'attrition parmi les personnages principaux, admettons — même si scénaristiquement parlant, c'est un peu pénible de voir à quel point tout cela est amené avec une désinvolture qui flirte avec le je m'en foutisme, comme si c'était de bon aloi.
Or, non. La série, clairement, connaît son moment jump the shark quand il s'avère qu'en fait, c'est un Coréen du Nord (!) qui a été le premier sur Mars — chapeau la cohérence, il débarque dans une espèce de poubelle à deux places, alors qu'on a vu trois vaisseaux gigantesques se tirer la bourre pour arriver avant les autres.
Chapeau la cohérence, donc, puisque la découverte opportune de sa présence (après combien de temps sur Mars ?) permet de débloquer une situation passablement catastrophique. Je résume en spoilant : la fille adoptive d'Ed est enceinte d'un des cosmonautes russes — ils ont niqué dans la serre, voilà ce qui arrive —, devenant la putative mère du premier bébé né sur Mars ; mais l'accouchement sur Mars la tuerait, il faut qu'elle rejoigne le vaisseau-mère ; mais à moins que tous les astro/cosmonautes présents ne la laissent partir seule, son petit module ne lui permettra pas d'atteindre sa destination ; mais grâce à un composant trouvé sur ladite poubelle du fameux Coréen du Nord, elle va pouvoir finir son vol en fauteuil spatial, et rejoindre le bon port où viendra au monde son bébé de l'espace.
Voilà. On en est là. Je résume ici le dénouement d'un seul des arcs narratifs de la saison, d'autres au moins aussi épuisants — Danny qui s'est tapé l'ex-femme d'Ed, prend de l'oxycodone et des méthamphétamines (c'est Dopesick et Breaking bad à lui tout seul), et causera une catastrophe mortelle pour ses coéquipiers ; le frère de Danny qui se rapproche dangereusement d'un groupe de complotistes, qui on ne sait pourquoi décide de faire un attentat à la bombe à la NASA ; Karen, l'ex-femme d'Ed, dans ses démêlés avec Dev, l'ingénieur soi-disant super cool d'Hélios, et qui en fait est un beau manipulateur ; Margo Madison et son copain russe qu'elle veut sauver des griffes du KGB. Etc., etc.
"Profusion de péripéties" ? je devrais plutôt dire kouglof, et dégradation définitive du niveau de cohérence d'une série qui, à défaut de réalisme, devient invraisemblable, au gré de rebondissements à donner le tournis.
Ce qui est réellement dommage car le potentiel de départ était aussi prometteur que, disons, celui du Maître du haut château, référence pour moi de la série uchronique.
Enfin, est-ce que je regarderai la quatrième saison ? à ce qu'il semble la série est encore "en cours", donc se poursuivrait encore au-delà de cette saison 4 ?? Qui survivrait à une saison 5, non pas parmi les personnages principaux (qui se réduisent à Ed de toute façon), mais parmi les spectateurs ?
5/10.
***
Saison 4, enfin. J'ai assez râlé sur l'échec de ce show à exprimer tout son potentiel, que je ne ferai pas la fine bouche sur cette quatrième et dernière saison (en date), enfin réussie et même, assez captivante.
(Ça donne à rêver de ce que la série aurait pu être, mieux écrite.)
En somme, l'enjeu est cette fois la poursuite, ou non, des programmes spatiaux, à commencer par le maintien des installations "M-7" sur Mars.
(Pour rappel, M-7, c'est le consortium des nations, États-Unis et Union soviétique évidemment, Corée du Nord aussi, sans omettre Hélios, la compagnie spatiale privée. Apparemment, la Corée du Nord et l'acteur non étatique, c'est plus crédible dans l'esprit des scénaristes que les spationautes européens ou les taïkonautes chinois.
Passons.)
Enjeu sous-jacent en l'occurrence à la lutte pour s'approprier un astéroïde rempli jusqu'à ras bord d'iridium, un métal rare et d'une importance critique pour l'humanité (c'est comme l'hélium 3, ne me demandez pas pourquoi).
Je ne dévoilerai pas davantage d'éléments de l'action, je dirai juste qu'on n'a plus de drama permanent, mais de l'action, du solide. Du suspens, genre haletant, comme le permet un environnement spatial — car oui, l'essentiel de l'action se passe sur Mars. La seconde partie de la saison surtout, est très réussie.
Tout ce que je demandais depuis la saison 2.
On retrouve les vétérans de la série, Ed Baldwin qui doit avoir soixante-dix ans bien sonnés (mais il est au top, merci), Dani Poole (aux cheveux grisonnants, mais sinon ça va) en commandante de la base martienne Happy Valley, et Margo Madison qui a fait défection à l'Est, et qui pour le coup n'a manifestement plus ses jambes de vingt ans. On retrouve Aleida aussi, Dev Ayesha, et Kelly Baldwin, la cadette du show.
Bien que ces acteurs soient inégalement doués — et encore, celui qui joue Miles est franchement mauvais —, la sauce prend. J'allais même dire on en redemande, ce que je n'aurais jamais pensé écrire après une saison 3 calamiteuse.
Voilà bien une série qui court le risque de la saison de trop depuis le début. Avec la saison 4, cette excellente surprise, la série se terminerait en beauté.
Enfin, c'est un fait, les personnages que je viens de mentionner auront pour la plupart passé l'âge de jouer un rôle dans l'action. Bon, à part s'ils sont morts, auquel cas on en parlera encore un peu lors d'une saison 5 qui aura dès lors probablement des airs de reboot (et se déroulerait en 2012 semble nous dire le season finale, soit dix ans plus tard).
Mettons ici, 9/10.
Et pour la moyenne des saisons, 7 + 6 + 5 + 9 divisé par quatre, un 6,75 que j'arrondis à 7.
***
Un petit bonus : comparaison de la timeline de For all Mankind avec la réalité, ici. On voit bien qu'au fil de la série, les évènement divergent de plus en plus de leur substrat historique. Ce qui n'est pas un gros problème, s'agissant d'une fiction.
Et sinon, je copie/colle paresseusement ces éléments d'information, piqués sur un site tiers (bravo pour l'originalité...), mieux informé que moi sur une éventuelle poursuite de la série :
Pour le moment [janvier 2024], Apple TV+ n’a pas officiellement renouvelé For All Mankind pour une saison 5. Cependant, si la plateforme décide de continuer l’aventure, les scénaristes auront encore des histoires à raconter. Avant la sortie de la quatrième salve, le producteur Ben Nedivi avait confié que la série avait été planifiée dès le départ pour durer "six ou sept saisons". "Nous avons un itinéraire très ambitieux. Dès le départ nous avions prévu six ou sept saisons et nous sommes toujours sur ce plan (...) Nous avons donc maintenant dépassé la moitié et c’est fascinant", a-t-il confié au site américain Collider. Ne reste donc plus que l’officialisation !
Créée
le 16 févr. 2024
Modifiée
le 3 mars 2024
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