Frieren: Beyond Journey's End
8.4
Frieren: Beyond Journey's End

Anime (mangas) NTV (2023)

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INTRO

Je découvre Frieren avec cette adaptation animée donc je reçois l'œuvre différemment mais je doute qu'elle trahisse sa grande sœur de papier sur le point suivant : la douceur des choses y est omniprésente. Et ça n'a rien de gratuit, j'y reviendrai.

Avant cela, il faut noter que sans être totalement une exception, le rythme tranquille et l'absence de grandiloquence de la série détone de la majeure partie de la production (a fortiori parmi les shônens) plutôt survoltée, et/ou survitaminée, riche en éclats, hyperboles et autres twists scénaristiques.

Si cela en rebutera inévitablement quelques-uns, je crois que la plupart y trouveront tout de même leur compte parce qu'on a ici à faire à une œuvre "contemplative" dans le bon sens du terme. A savoir que le fil des évènements et du récit ne se perd jamais dans les considérations esthétiques ou philosophiques. Ces considérations émergent du récit, et aussitôt sont mises à son service pour enrichir un personnage, une relation, l'univers de la série ou tout simplement faire avancer l'histoire. Ca me paraît d'autant plus important de le préciser que je suis le premier à abhorrer ces œuvres dites "contemplatives" qui souvent se noient dans leur propre pipi et oublient de raconter une histoire, ou carrément s'assoient d'emblée sur le récit pour faire une soirée mousse.

Bref, sur cette petite pincée de sel, j'en viens aux faits !

DANS LES GRANDES LIGNES

Le postulat de base est simple mais riche, Frieren est une elfe (l'une des dernière de son espèce) et en tant que telle, son espérance de vie est incomparablement plus longue que celle des autres races qu'elle côtoie. Même la vie des robustes nains lui semble brève, dès lors les humains sont plus ou moins à ses yeux ce que sont les papillons aux nôtres : des éphémères.

Cet état de fait questionne forcément le sens de leur vie, et la valeur qu'elle peut y accorder.

Ainsi LES voyages de Frieren (parce qu'en réalité on en suit deux en parallèle, à près d'un siècle l'un de l'autre) sont l'occasion pour elle d'être le témoin privilégié du début et de la fin des choses de son monde : les saisons, les époques, les humains, les conflits, les croyances etc.

Dans cette longue vie, qu'elle mène d'un pas lent, elle prend le temps d'observer, de ressentir, de comprendre aussi. D'ailleurs, il arrive souvent que des évènements vécus lors de son second voyage lui permettent de répondre à des questions restées en suspens depuis son premier, 80 ans auparavant.

Assez vite s'installe une sensation ô combien paradoxale : on ressent qu'à la fois pour elle les années filent en un battement de cil, et que pourtant tout, autour d'elle, se passe au ralenti.

Pour moi, parvenir à transmettre une sensation aussi fine et complexe relève du coup de maître.

LES PERSONNAGES

Les compagnons qui vont rejoindre Frieren dans ce deuxième voyage, à l'aube duquel on embarque dans son histoire, répondent à une mécanique très bien foutue qui fait qu'on a vraiment le sentiment de s'y attacher en même temps qu'elle.

Ils ne sont pas, contrairement à ce qu'on peut voir dans nombre d'animés, posés d'emblée comme des parangons de charisme ou de beauté, parés d'un humour irrésistible ou nimbés d'un mystère qu'on crève de percer à jour.

Non. Ils sont, certes, visuellement plus travaillés que le villageois lambda et de fait on comprend de suite qu'ils vont jouer un rôle important, mais ils restent de prime abord des êtres assez "standards" tant dans leur apparence que dans leurs actions.

Leur rareté, leur exceptionnalité, se révèleront lentement, au fur et à mesure de leurs interactions, de leurs difficultés ou de leurs joies. Ce travail de construction des personnages contribue à l'harmonie de l'ensemble eu égard à ce que j'ai évoqué plus haut concernant le rythme et à ce que je vais développer plus bas à propos de la réflexion qui sous-tend la série.

LA DOUCEUR

Nous y revoilà ! Comme promis dans l'introduction, je tenais à revenir sur cette mise en exergue de la douceur des choses de la vie. D'aucuns diraient de leur "beauté" mais, peut-être du fait de ce rythme singulier dont j'ai parlé plus haut, je trouve le mot "douceur" plus adapté ici.

Quoiqu'il en soit, nombre de fois au long de la série, et de plus en plus à mesure qu'on avance dans la saison en fait, Frieren est traversée (et nous avec) par des sortes de stases extralucides où il lui apparait à quel point la vie peut être grandiose. C'est à travers ces moments, encore une fois, de plus en plus nombreux tandis qu'elle avance dans son second voyage (et qu'elle parcourt à nouveau en parallèle celui qu'elle fit autrefois), que Frieren trouve du sens à l'impermanence de la vie des Hommes.

Le procédé est d'autant plus intéressant que c'est parce qu'elle prend le temps de les vivre, parce que plutôt que de les ignorer elle accepte leur finitude, qu'elle peut percevoir la valeur de ces instants. Si elle avait continué, comme c'était le cas par le passé, de refuser de se lier aux êtres éphémères parce que cela lui semblait absurde, elle n'aurait jamais réalisé, ni surtout ressenti ce qui justifie qu'ils mènent leurs vies, de haute lutte et malgré la fatalité (cf. la manière, évoquée plus haut, dont les autres personnages sont développés).

Et chaque fois qu'elle est saisie par un de ces trésors qui jonchent son chemin présent, elle prend un peu plus conscience de ceux qui ont jalonné son voyage passé. Ca a quelque chose de doux-amer oui, voire de tragique, mais c'est surtout magnifique, et bien souvent d'ailleurs ça lui tire un sourire (et à nous aussi).

C'est, à mon sens, le propos qui est au cœur de cette histoire : la vie ne vaut que par ce qu'elle a de plus absurde, que chaque douceur y est éphémère à commencer par elle-même.

Et c'est précisément pour cette raison qu'on se démène tant dans la quête de ces douceurs, parce qu'elles passent, et en passant quelque part, nous mettent au défi de réessayer.

Comme Sisyphe pousse son rocher, exalté par l'approche du sommet ; ou comme le Printemps pointe son nez, pressé chaque fois de recommencer.

POURQUOI PAS 10/10 ?

Alors après un si long plaidoyer vous me direz "pourquoi pas 10 ?"

Pour commencer j'hésite encore à mettre 9... mais la question demeure "pourquoi pas 10 ?"

Bah, déjà parce que l'histoire n'est pas terminée et là je note la série, pas la saison ! (Flemme de développer cet argument, je vais me contenter de supposer que je serai compris)

C'est bien entendu aussi parce que la série en l'état possède certains défauts importants qui, pour une bonne partie, sont liés à ses qualités.

Par exemple c'est sans doute en lien avec le rythme du récit mais, si dans l'ensemble la magie opère magnifiquement au long de la route, force est de constater que certains épisodes sont plus quelconques. C'est notamment le cas dans le démarrage de la saison, justement avant que ce rythme particulier et cette mécanique émotionnelle ne se soient pleinement déployés.

Même problème pour la dimension esthétique qui, sans doute du fait de la primauté donnée aux situations/dialogues, est parfois très en retrait, sur des passages en forêt par exemple ou encore dans certaines villes.

Toujours dans cette dualité défaut-qualité, l'aspect "middle-tier" du chara-design dont j'ai parlé plus tôt, s'il se révèle intéressant à mesure qu'on s'attache aux personnages pour d'autres raisons, peut rester un peu problématique quand il s'agit de marquer le spectateur à long terme.

Enfin, tout l'aspect purement "technique" de l'animé peine à se mettre au niveau.

Les couleurs, l'animation, le détail des décors etc, tout ça reste agréable mais c'est très loin des références actuelles (Demon Slayer saison 3 au hasard). C'est probablement avant tout un problème de moyens hein, mais reste que la forme pèche pas mal par rapport au fond.

Aphasic
8
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Créée

le 13 févr. 2024

Modifiée

le 13 févr. 2024

Critique lue 91 fois

Aphasic

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