(Sans spoilers)
22 mai, Shinsekai Yori (Du Nouveau Monde) est dans le top 111, et se permet même d'être en 20ème position. Mais il reste ce sentiment, embêtant et frustrant, que personne ne lui prête réellement d'attention sur le site. En effet, 200 et quelques notes, c'est pas bien gros. Alors je me suis dit que j'allais contribuer à faire découvrir ce chef d'œuvre en profitant de mon re-visionnage tout récent, brièvement (ou pas); pour le reste, mieux vaut tout découvrir par soit même.
Livrer une réflexion sur notre société est un engagement louable et bien souvent salué dans une œuvre, cela paraît même essentiel à l'art, vecteur d'idées, de messages. Décrire les maux, les tares de notre monde semble primordial à l'essor de notre espèce, constamment soumis à une évolution ou régression des mœurs. Cela devient une fin en soi pour bon nombre de créateurs. Shinsekai Yori va plus loin et interroge la racine même de notre civilisation et de la place de l'humanité sur Terre en suivant l'histoire de Saki et ses 4 amis (et demi, parce que bon Reiko...), dans un Japon altéré de mille ans, depuis notre ère, habité par des humains, doués de télékinésie, et autres minoshiro, monstrats, serpents nicheurs...
Le génie de la série, adaptée de l'ouvrage éponyme de Yusuke Kishi (pas lu, pas moyen de le trouver...), tient de la manière dont progresse son histoire, narrée par la principale protagoniste, depuis son strict point de vue. De l'innocence de son enfance jusqu'à son âge adulte. Chaque "arc" de cette série de 25 épisodes décrit une couche précise de son univers, aussi dense soit-il. A partir de là, malgré un début qui se permet de prendre pas mal son temps en exposition, l'histoire part sur une base très solide malgré le dépaysement total, on ne se sent jamais vraiment perdu une fois les premiers épisodes digérés. Le contexte étant posé d'entrée de jeu et sans complexe, jamais on ne nous expliquera quoique ce soit de manière à nous mettre au niveau, tout est évoqué et montré de manière directe comme si on était témoin de l'histoire et non pas simplement spectateur. Le voyage est intégral. Et également intimiste.
L'humanité des personnages est admirable, malgré peut-être un manque flagrant de forte personnalité, on appréciera leur naturel éclatant et la justesse de leurs relations. L'interprétation des voix japonaises, remarquable, soutient à merveille la crédibilité du microcosme. Nous vivons ce que vit l'héroïne, nous sommes soumis aux mêmes interrogations que Saki et on apprend à connaître les rouages de ce monde avec cette dernière et ses amis, qui deviennent très vite les nôtres. On finit par partager la même curiosité et soif de vérité maladives, et lorsque le groupe se retrouve en difficulté, démuni, un lourd sentiment d'impuissance émerge. On devient un fantôme, exclus de leur vie, mais vivant leur récit à travers les leurs, aux moyens des mémoires de Saki, véritable réceptacle de leur existence sur cette Terre. On finit par s'attacher à eux, plus ou moins autant que Saki; le piège se referme, nous sommes happés, impossible de faire marche arrière. Tout esprit aventureux se laissera porter par leur histoire, et toute âme animée sera touchée par la délicatesse et force de Saki.
Oubliez votre éthique, oubliez les mœurs et codes de notre monde. La société reconstruite, reformatée qu'on nous montre fait fi de notre actualité. Shinsekai Yori se passe à une époque post apocalyptique à compter de notre ère, un millénaire plus tard. Rien de futuriste, l'humanité semble être revenue aux sources, à un mode de vie plutôt médiéval (côté japonais) mais plus ou moins doué du progrès acquis de notre ère. Tout le long, les pièces du puzzle se reconstituent jusqu'à ce qu'on puisse, enfin, comprendre comment l'humanité en est arrivé là. En outre l'utilisation de la télékinésie dans l'intrigue est ingénieux et très poétique. Elle représente tout simplement l'intelligence, celle qui nous différencie des autres espèces, et tout ce que la pensée humaine implique lorsqu'on lui fait appel. Toute la série tourne et fonctionne autour de cet attribut simple en apparence, tel qu'on l'imagine, mais qui est extrêmement riche en sens. Le sujet est traité à la perfection, avec une précision alarmante. Et malgré cela, cette particularité qui englobe cet univers mystique, pourtant ancré sur Terre, sait s'éclipser au profit du reste. Les scénaristes font preuve d'un dosage millimétré qui est tout simplement vertigineux pour une série de 25 épisodes. Le dernier tiers de la traversée, grandiose, finit par être la consécration, plus qu'un réel climax, de toute cette construction en amont.
Anxiogène au possible, étant très sombre sous ses faux airs d'anime niais et générique aux premiers abords, la série ne condamne malgré tout jamais vraiment rien ni personne (le contexte étant placé assez loin du notre), si ce n'est l'absurdité de notre existence et de nos interactions avec les maillons d'un écosystème qui recherche stabilité et survie, en se rongeant pourtant continuellement de l'intérieur. On peut également y voir un blâme appuyé sur notre manière de traiter les autres êtres vivants, nous-même y compris. La stabilité et la survie de l'espèce aura toujours été l'essentiel, mais à quel prix et jusqu'où ?
Shinsekai Yori souligne avec acidité la folie d'une course houleuse vers la perpétuité de l'existence.
Et sinon, visuellement, ça claque en général, la série se laisse porter par différentes ambiances et styles selon les épisodes, c'est plutôt réussi pour la version Blu Ray. Les deux endings sont vraiment magnifiques (chantés par les doubleuses de Saki et Maria), finissant chaque épisode avec une note forte de pure nostalgie (faites également attention aux paroles, d'une pureté inestimable), et l'OST en général est de très bonne facture (même si on comprend pas toujours pourquoi y a de l'électro). Mais surtout, la communication sonore et visuelle des émotions est une réussite et nous prend bien souvent au dépourvu.
Naturellement, je vous invite à découvrir cette série assez singulière.
(L'anime n'étant ni sorti ni licencié en France, je vous conseillerai pour l'heure de vous tourner vers la fansub VOSTFR de team Katamuki, qui est parfaite, que ce soit l'encodage ou la qualité de la traduction/adaptation. Pas de lien, histoire de pas avoir de soucis. Malheusement, y a pas vraiment moyen de faire autrement.)
9 - Excellentissime, un grand cru.
PS : Ne pas se laisser déstabiliser par l'épisode 8, qui est quand même assez poussif.
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