Le synopsis :
1000 ans après que notre ère moderne se soit effondrée suite à l'apparition spontanée d'une poignée d'humains aux pouvoirs télépathiques dévastateurs, une nouvelle civilisation s'est reconstruite. Dans un village japonais isolé du reste du monde, nous suivons la progression de cinq jeunes protagonistes qui apprennent parmi leurs semblables à maîtriser leur pouvoir, appelé Cantus dans une académie.
Shinsekai Yori (ou From the New World) est un animé de 25 épisodes d'une vingtaine de minutes adaptés du roman éponyme écrit par Yusuke Kishi.
Sur la forme :
Les dessins sont globalement de bonne facture. Les décors et les musiques (magnifiques), très réussis, nous plongent immédiatement dans une ambiance convaincante où batifolent nos jeunes personnages et nous donnent à voir de nombreux moments de poésie.
L'animation est cependant inégale et s'avère parfois saccadée (notamment à l'épisode 5...) et certains plans abusent de zooms non justifiés, rendant certaines scènes confuses sans raison. Heureusement le défaut tend à s'estomper vers le milieu de la série.
Le fait que l'anime se concentre quasi exclusivement sur nos personnages principaux a tendance à oblitérer la vie du village et de ses autres habitants, laissant une certaine impression de vide.
L'animé peut sembler assez fouilli dans sa narration. On comprend difficilement au départ les tenants et aboutissants. Il faut attendre quelques épisodes pour que se dessine le contexte de l'histoire.
Les éléments du puzzle s'avèrent être en réalité habilement distillés tout au long de la série jusqu'à la révélation finale assez poignante, nous faisant progressivement découvrir (au même rythme que les personnages) la richesse de son univers.
Certains passages, très oniriques de par leurs couleurs et le choix de cadrage, peuvent se rajouter au caractère déstabilisant du flot d'informations que l'on doit digérer. Ils restent cependant pertinents si on les considèrent du point de vue des personnages et non pas en tant que spectateur.
Si la violence est présente, l'animé ne donne jamais dans le voyeurisme ou la gratuité. Les morts sont d'avantage suggérées que montrées (hors champ ou contre-jour) ce qui n'enlève rien à leur impact puisque ces procédés font travailler l'imagination. En n’annonçant pas explicitement la mort de certains personnages, la série nous laisse entretenir un espoir naïf qui finit par s'étioler à mesure que la vérité se fait jour et s'impose à nous.
Certaines sont d'ailleurs tellement rapidement montrées qu'elles appuient la soudaineté de la mort et soulignent la fragilité de notre existence.
Sur le fond :
Si le scénario n'échappe pas à quelques facilités scénaristiques à certains moments (des deus ex machina qui serviront à débloquer la situation) on se prend rapidement à l'histoire qui peut nous surprendre plus d'une fois. Les dialogues sont intelligents et les suspens bien distribué. Mais c'est dans les enjeux que l'animé recouvre que se trouve le réel intérêt :
Au delà des habituelles interrogations sur les défauts de notre société pouvant mener à notre perte, l'animé nous pousse à nous interroger en tant qu'individu sur la pertinence de certaines décisions, et nous fait prendre conscience de notre propre subjectivité en terme de morale. Peut-on sacrifier certaines vies pour une cause supérieure ? Quelle est la valeur d'une vie (humaine ou non) ? A quel prix pouvons-nous prévenir un danger ? Pouvons-nous sacrifier la vérité sur l'autel de la tranquillité ? Doit-on se révolter contre son destin ? etc.
Ces interrogations s'imposent d'autant plus à nous que l'animé développe largement les relations entre les personnages. L'identification au personnage principal (Saki) à partir de la moitié de la série fonctionnant très bien, la perte des êtres proches n'en est que plus poignante (alors même que l'animé ne appesantie pas à outrance sur la mort des personnages) et les décisions qui en résultent sont encore plus lourdes de sens.
La série évoque au passage le thème de l'équilibre nucléaire (avec son équivalent dans le manga : le retour de mort), et du passage de l'ère médiévale à l'ère moderne, retraçant indirectement l'évolution de l'humanité et sa course vers la technologie (et du changement de mentalité qu'elle implique).
Conclusion :
Si Shinsekai Yori souffre de certains défauts surtout présents au début de la série (narration fouillis, quelques longueurs, un environnement qui aurait mérité d'avantage de développement, notamment géopolitique), il révèle son véritable potentiel en milieu de parcours et nous gratifie d'un univers cohérent, de relations poignantes entre les personnages et d'une histoire bien rythmée (entre révélations et moments de tension) qui nous arrache à la fois émotions et réflexions.