Gurren Lagann, Code Geass, Cowboy Bepop, Evangelion... peu d’oeuvres issues de la japanimation jouissent d’une célébrité suffisante pour percer la niche d’un public restreint. S’il en va de même pour Ghost in the Shell (GitS), la renommée de ce dernier vient surtout du long métrage de Mamoru Oshii et moins pour les deux séries Stand Alone Complex, pourtant tout aussi excellentissimes, si pas plus.
GitS a donné lieu à de nombreux produits dérivés et même récemment nous avons pu associer la licence au jeu-vidéo First Assault, une adaptation hollywoodienne de Rupert Sanders ou encore aux différents films remake Arise. Cependant, aucune de ces oeuvres n’a ne serait-ce même que frisé la brillance des premières adaptations du manga de Shirô Masamune, aussi l’annonce du retour du réalisateur Kenji Kamiyama, la personne à la tête des séries Stand Alone Complex (2002-2005), pour une véritable suite, sous l’égide de Netflix, avait de quoi réjouir. Malheureusement, continuant sa collaboration avec le réalisateur Shinji Aramaki, un partenariat qui avait donné l’anime Ultraman de 2019, le binôme continue avec le studio Sola Digital Arts à s’aventurer dans les productions entièrement en CGI. Des productions assez douteuses qui ont rapidement fait retomber les attentes du public lors de la sortie du premier trailer annonçant la sortie de ce nouvel opus : Stand Alone Complex (SAC) 2045.
En effet, visuellement, cet anime apparaît comme une cinématique tout droit venu d’un jeu-vidéo de la génération playstation 2, ce qui est assez lamentable vu le pèze de Netflix et la réputation de la franchise. Ainsi, bien que l’animation en elle-même s’avère être tout à fait correcte grâce au procédé motion-capture utilisé, et l’attention aux détails également acceptable, les textures en elles-mêmes ne sont pas convaincantes et laissent une mauvaise impression. Si l’aspect graphique n’était pas un argument suffisant pour abandonner l’anime en début de course, SAC 2045 écope également d’un épisode d’introduction peu engageant et les fans tiqueront sans doute devant certains points, comme le design poupée de Motoko, conséquence du choix marketing douteux d’Ilya Kuvshinov comme chara-designer, ou le célibat soudain de Togusa. Heureusement pour moi, je suis habitué à toute sorte de 3D grossières, je me rappelle encore bien d’Animutants par exemple, et j’ai été suffisamment curieux pour avoir envie de découvrir si ce nouvel opus avait une quelconque valeur.
Même s’il faut du temps, le constat s’adoucit clairement au fil des épisodes. En effet, une fois passé ces problèmes, on retrouve bien ici l’atmosphère des Stand Alone Complexe (bien plus qu’Arise) : son monde, ses interfaces liées au cybercerveau, les mimiques des Tachikoma, ou encore les membres de la Section 9 avec leur personnalité plus ou moins intacte. Malgré une structure scénaristique plus simple, nous avons même droit à quelques touches de standalone, notamment lors de l’épisode 7 qui prend le temps d’explorer, non sans humour, l’impact social des développements technologiques et politiques de ce futur fictif.
Un de ces développements est celui de guerre durable, qui consiste à faire de la guerre une doctrine économique où des conflits armés mineurs, essentiellement menés hors des zones riches par des mercenaires et IA, alimentent l’essentielle industrie militaire des quatre entités politiques dominantes de l’époque : l’Empire Américain, l’Union Européenne, la fédération de Russie, et la république de Chine. Ce concept, intéressant et clairement inspiré de réalités historiques, est central à l’intrigue de SAC 2045 mais peine à engager intellectuellement le spectateur. Pour cause, le sujet est finalement peu discuté et sert surtout de prétexte aux nombreuses scènes d’action du premier arc de la série.
Le deuxième concept principal de l’intrigue est déjà plus convaincant (à part la séquence de danse en peignoir sous une musique épique... mais bref). Il se concentre sur les post-humains, des entités non-humaines aussi mystérieuses que puissantes. Ceux-ci servent d’antagonistes plus élaborés, tangibles et menaçants. Les inconnues qui les entourent permettent également la mise en avant d’épisodes d’investigation qui manquaient jusque là cruellement. L’histoire de ce nouveau SAC est donc plutôt bonne mais sauve-t-elle la mise ? La réponse, mitigée, doit attendre la deuxième partie de la série.
Si je devais arrêter là mes observations, j’aurais en face de moi une balance équilibrée entre défauts et qualités, un anime plutôt bon malgré une apparence peu séduisante. Malheureusement, je ne peux passer outre d’autres problèmes qui sont venus périodiquement plomber mon expérience. Tout d’abord, pour revenir sur le premier épisode très moyen, c’est en fait l’entièreté du premier arc, une portion non négligeable de six épisodes, qui souffre de longueurs inutiles et aurait dû être raccourci je pense. Ensuite, les nouveaux personnages ne sont pas des bons ajouts : entre le Clown, un novice qui se fait éjecter comme un malpropre après avoir été bien inutile, et Purin, la génie infantile qui s’est tout simplement trompée d’anime, il n’y a guère que le nouveau ministre Teito qui sort du lot. Je peux encore ajouter à cela un épisode 10 clairement médiocre, ou encore une Major très en retrait et trop passive à mon goût.
Un bilan sombre, mais je ne vais pas condamner SAC 2045 vu ses derniers épisodes globalement plus réussis et le potentiel qu’il peut encore exploiter durant sa deuxième partie. Certes, il y bien trop de points noirs pour que je puisse le recommander en toute bonne conscience mais même en dehors du facteur nostalgique, j’ai pris un certain plaisir à revenir dans le monde de Ghost in the Shell en compagnie de la Section 9. En revanche, je conseille à tous ceux intéressés de d’abord de regarder le trailer et de baisser fortement vos attentes car en tant que successeur aux séries des années 2000, cette suite n’est clairement pas à la hauteur.