Le corbeau, les vautours et le petit juge

Nous étions en 2017. 33 ans après la disparition du petit Grégory, en 1984, l'affaire est relancée et certains des protagonistes majeurs de l'affaire, dont Murielle Bolle, sont mis en examen. Dès lors, comme toujours, l'affaire déchaine les passions. La presse en fait ça une, de nouveaux livres sortent, ressassant encore et toujours les mêmes éléments qui, malheureusement, n'ont pas permis de connaître les circonstances exactes de la mort de Grégory. La même année, le premier juge d'instruction de l'affaire, le "petit juge" Lambert, se donne la mort. Il allonge la longue liste des vies brisées par cette sordide épopée judiciaire.

Dès lors, était-il vraiment nécessaire de produire un énième documentaire sur le sujet ?

J'ai été très réticente à l'annonce d'une telle série sur Netflix. Il me semblait que le sujet avait été traité tant de fois, trop de fois, à un tel point que cela ne me semblait pas opportun. Après le pseudo-rebondissement judiciaire de 2017 qui s'est soldé par un échec, je n'avais qu'une envie : qu'on laisse enfin Grégory en paix. J'ai, en quelque sorte, accepté que cette affaire restera peut être à jamais ce qu'elle a, au final, toujours eu vocation à être : une cold case non élucidée.

Pour autant, moi aussi cette affaire m'a touché, ma famille prenant racine dans un village non loin de Lépanges sur Vologne, et m'a passionné, tant elle semble ne jamais pouvoir trouver de réponse. J'ai donc décidé de regarder ce documentaire, sans grande conviction par ailleurs.

Quelle erreur ! Cette série en cinq épisodes a eu l'intelligence de revenir aux racines de l'affaire en se concentrant sur les images d'archives et les témoignages non pas de la famille, mais des enquêteurs et journalistes qui ont aussi fait et défait cette affaire.
Au détour de ces images, parfois inédites, et de ces témoignages, l'accent est porté sur le rôle majeur qu'ont joué les journalistes et la presse, avides de faits sordides et vendeurs, pour le meilleur...et pour le pire. Deux clans ce sont ainsi formés : le clan pro-Villemin, qui penche pour une culpabilité de Bernard Laroche, et de manière plus surprenante, le clan anti-Villemin, qui soupçonne la mère. Christine Villemin, enceinte, ira même en prison, avant de sortir et de prendre la pose pour Paris Match à la naissance du petit frère de Grégory. Et oui, le "petit juge", influençable, s'est laissé convaincre, en dépit de tout ses devoirs. Déjà, dès le début de l'affaire, sûr de lui, avide de notoriété, ce juge qui exerçait dans une si insignifiante circonscription a commis des erreurs fatales qui, encore aujourd'hui, minent la possible résolution de ce meurtre.

Au milieu de cette immonde guéguerre d'égos entre la police judiciaire, la gendarmerie, et les journalistes, il y a une famille banale mais brisée. Christine et Jean-Marie n'auront sûrement jamais la réponse qu'ils attendent tant.

Dans la vallée de la Vologne, a priori terre de petites gens insignifiantes, le mystère demeure. La satisfaction du corbeau, quant à elle, doit être immense.

Des points sur lesquels le documentaire revient de manière pertinente et parfois même, inédite. Avec une mention spéciale pour quelques magnifiques plans sur les forêts vosgiennes, relativement inconnues du grand public.