Votre viande, saignante ou à point?
Adapter l'histoire d'Hannibal Lecter en série TV, voilà une idée audacieuse, tant le personnage a été malmené au cinéma, transformant un tueur en série terrifiant et monstreux lors de ses 2 premières apparitions (Manhunter et Le Silence des Agneaux) cinématographiques en tueur grandiloquent de bouffonnerie et de ridicule dans les 3 films suivants (Hannibal, Dragon Rouge et Les Origines du Mal). C'est donc dubitatif que j'entame le visionnage de la série.
Bien m'en a pris, parce que c'est une authentique réussite, tout du moins lors de la première saison.
Les scénaristes abordent tout un pan de l'histoire du cannibale le plus célèbre d'Hollywood qui n'est pas encore connu, narrant les premières rencontres entre le profiler Will Graham, Jack Crawford, le directeur du département des tueurs en série et le psychiatre amateur de la bonne chair. On y suit donc des affaires qui sont juste évoquées dans les romans de Thomas Harris (les affaires Garret Jacob-Hobbs et l'éventreur de Cheasapeake) et c'est un vrai jeu de cache-cache entre les scénaristes et les fans des romans. On y découvre plus en détail des personnages qui sont à peine esquissés dans le matériel original comme le docteur Alana Bloom (Alan Bloom dans le roman), amie et collègue de Will Graham, et Freddie Lounds, journaliste du journal à sensation Tattler.
La première saison prend un peu de temps pour prendre ses marques, il faut attendre quelques épisodes avant de découvrir le vrai visage d'Hannibal Lecter campé par un Mads Mikkelsen incroyable de présence et de prestance. Mais après, ça devient carrément jouissif, on plonge totalement dans le monde des sociopathes tueurs narcissiques, avec parfois des rencontres impromptues (notamment Hannibal et un autre personnage qui devinent la véritable nature de l'un et l'autre dès le premier coup d'oeil). C'est un peu le cercle secret des serial killers qui se confrontent principalement à travers des joutes verbales philosophiques. On assiste alors à des dialogues savoureux et hors de toutes réalités.
Mais la plus grande réussite de la série, c'est surtout son esthétique superbement léchée. L'esprit raffiné du Dr Lecter est traduit par une atmosphère feutrée dont la beauté parfois macabre imprègne la plupart des scènes. Et que dire des scènes de repas, et de cuisine, qui sont filmées avec moults détails et ralentis, honorant la délicatesse et la sophistication des recettes tout en sachant que les ingrédients (frais bien entendu!) ne sont pas toujours d'origine animal (enfin si, d'une certaine manière ;-)). Ça donne envie, et on assisterait bien à un dîner chez ce bon vieux Hannibal (ha si seulement ses convives savaient ce qu'il y a dans leurs assiettes!).
Malheureusement, la deuxième saison n'est pas aussi réussie, la série choisissant de quitter totalement le peu de réalité qu'il y avait, pour s'engager dans des niveaux de lectures parfois tarabiscotés, franchissant les limites à plusieurs reprises, le sens commun n'étant plus qu'un lointain souvenir. En fait, les scénaristes ont tendances à s'embourber dans leurs histoires, car en s'approchant de plus en plus aux intrigues des romans et des films, leurs fâcheuses tendances à réécrire l'histoire et d'essayer de prendre à revers les attentes des lecteurs, on assiste à des scénarios qui partent dans tous les sens, sans grande cohérence sur le long terme, et égarant au passage tout ce qui faisait la grande qualité de la première saison, c'est-à-dire une montée crescendo de la découverte du véritable Hannibal Lecter.
Le final de la saison 2 permet de rattraper un peu les dégâts, on assiste à un beau bain de sang dont aucun personnages n'en sortent indemnes, ce qui ouvre la voie à une 3eme saison très ouverte et pourquoi pas des scénaristes qui retrouvent une certaine liberté dans leurs scripts?
Saison 1 : 8
Saison 2 : 6
Vivement la suite!
Déconseillé quand même pour les végétariens, le plat principale, c'est quand même de la bidoche bien saignante!
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